La science-fiction joue son rôle quand elle permet d’anticiper ce qui va nous arriver dans le futur. Et c’est pour cela qu’on l’appelle aussi « anticipation »…
Dans le cas qui nous occupe ici, la question est centrée sur les applications de la simulation et ses conséquences. Tout d’abord, il n’y a guère de doute que la simulation (à grande échelle, comme décrite dans mon livre PMC ou à peu près) sera mise en œuvre.
Déjà, du côté scientifique, il y a beaucoup de justifications à le faire : pour modéliser les phénomènes naturels (tel que le climat et ainsi être en mesure de mieux prévoir son évolution ainsi que la météo à court terme) mais aussi et surtout pour modéliser les phénomènes sociaux (et donc avec la nécessité de simuler les personnes jusqu’au niveau individuel le plus fin).
Aujourd’hui, de nombreux phénomènes sociaux sont considérés comme chaotiques, principalement par ignorance. Une fois simulés correctement, on pourra les étudier sous tous les angles et comprendre enfin la dynamique de chacun (si vous voulez optimiser l’évacuation d’un grand bâtiment, il vous faut connaitre à l’avance le comportement de la foule lors d’un mouvement de panique…).
Mais le domaine scientifique « pur » va être un champ d’application minoritaire de la simulation (contrairement à ce qui sera mis en avant pour justifier de la mettre en œuvre). Le domaine économique sera bien plus prolifique dans son utilisation des « simulis » !
Le domaine de la publicité, par exemple, sera un grand consommateur de situations simulées afin d’optimiser le message, le plan médias, la fréquence de diffusion et ainsi de suite. On imagine bien que les politiciens, comme les publicitaires, vont également se jeter sur cet outil pour ajuster leurs discours en fonction des leurs cibles.
Tout cela parait évident une fois exposé correctement. Mais c’est dans le domaine de la « distraction » que le secteur économique va le plus avoir recours à la simulation, hé oui. En effet, regardez le succès actuel des différentes déclinaisons de ce qu’on appelle encore « les jeux vidéo » (voir à http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_vidéo). Il suffit de regarder les chiffres pour se convaincre de l’importance croissante de ce secteur : l’industrie vidéoludique (c’est comme ça qu’on l’appelle selon wikipedia…) génère actuellement un revenu plus important que celui du cinéma et ceci depuis 1997. En 2007, le revenu global approchait les 40 milliards de dollars. En 2012, le chiffre d’affaires mondial de l’industrie atteint 60 milliards de dollars selon le SNJV (Syndicat National du Jeu vidéo). L’industrie vidéoludique serait ainsi la première industrie culturelle dans le monde. Le jeu le plus coûteux de l’histoire (fin 2013), GTA V, a couté 270 millions de dollars (moitié production, moitié marketing) soit l’ordre de grandeur d’un blockbuster hollywoodien.
Donc, on a un moyen médiocre (pour dire le mieux) de se projeter dans un univers plus ou moins bien simulé (là encore, on reste gentil) et ça marche du tonnerre : des millions de gens (et pas que des jeunes) y passent un temps de plus en plus important tout en y dépensant une somme d’argent pas ridicule. Que se passera-t-il le jour où on pourra proposer une alternative autrement convaincante ?
Oui, vous m’avez bien compris, j’en reviens encore à la simulation, la vraie. Le jour où on pourra vous proposer une plongée en immersion totale dans les univers simulés (spécialisés au début, généralistes ensuite), vous allez voir que l’offre va faire recette immédiatement (et ça sera le cas de le dire : les succès financiers des jeux vidéo actuels paraitront bien pâles en comparaison !). Les gens vont se ruer vers ce nouveau « loisir » et les cas d’addiction vont se multiplier jusqu’à atteindre un seuil alarmant : le nombre d’individus qui vont préférer vivre une vie « plus ou moins scriptée » (en fonction de leurs préférences) dans les univers simulés va être surprenant. Tout du moins, ça sera surprenant à nos yeux d’aujourd’hui alors que ça paraitra banal quand ça sera possible. De la même façon qu’un honnête homme du XIXe siècle serait étonné de voir quelle est l’étendue actuelle de la consommation des substances addictives (y compris le sucre, les cigarettes, les médicaments en plus des substances illégales comme les drogues dures).
Il n’est donc pas impossible (pour ne pas dire probable) que l’usage des simulis soit le prochain grand problème de société à l’avenir. Voire même fera naitre une autre catégorie de population : ceux qui vivent principalement en immersion (dans les simulis donc) et très peu (voire le moins possible) en dehors.
Bien entendu, cette situation ne va pas arriver du jour au lendemain. Tout d’abord, la mise au point de la « simulation totale » va prendre un certain temps (mais sans doute sera-t-elle là avant la singularité qui reste un horizon hypothétique alors que la simulation totale est une perspective quasi certaine). Ensuite, les techniques d’immersion resteront compliquées et coûteuses pendant une période plus ou moins longue et, clairement, le transfert synaptique (si on continue à l’appeler ainsi) ne sera pas à la disposition de tout un chacun avant des décennies. Cependant, cela va finir par arriver et quand ça sera là, les digues vont céder et les masses sont s’y précipiter. Qui restera-t-il « à la surface » ?
Les deux extrémités, comme d’habitude : les plus pauvres qui n’auront pas les moyens de se payer une immersion (même brève) et les plus riches qui préféreront regarder tout cela de haut, tout en tirant les ficelles pour les plus malins d’entre eux.
L’avènement de la simulation aura quelques conséquences inattendues : disparition de la prostitution (tout du moins dans les pays riches, elle sera toujours effective dans les pays pauvres) et disparition des compétitions sportives. Ces disparitions seront limitées à leurs expressions physiques dans le monde « réel », car, bien sûr, compétitions et prostitutions seront plus que jamais à la mode dans les simulis…
Pas besoin d’expliquer pourquoi la prostitution va être florissante dans les mondes virtuels, penchons-nous sur les raisons concernant les compétitions : facilités d’organisation, plus grande liberté des règles, diffusion « télévisée » à l’identique, réduction du danger et de ses conséquences, etc.
Encore que, pour ce dernier point, rien n’est moins sûr. On ignore encore (et pour cause !) quels seront les effets secondaires (ou encore, les effets réels, tout simplement) que pourraient avoir une blessure ou un traumatisme sur mon corps réel lorsque ces dommages arriveront à mon « avatar » en immersion… Peut-on vraiment séparer le corps de l’esprit ?
Voilà le type de « découvertes » que nous allons faire avec l’avènement de la simulation totale. Accrochez-vous, ça va secouer, car, comme disent les Anglais « there is always a surprise! » (il y a toujours une surprise).