Cette année, c’était ma 3ème visite à Daytona pour la fameuse « Bike Week », la 75ème du nom et dont les organisateurs (la chambre de commerce de Daytona) annoncent plus de 600 000 visiteurs (oui, vous avez bien lu !). J’ai déjà raconté ici et là mes précédentes visites à ce rassemblement hors du commun (encore plus de monde qu’à Sturgis !) et, cette fois encore, je me suis concentré sur les fameuses « demo-rides » (essais de motos sur place organisés par les principaux constructeurs) afin de pouvoir tester (brièvement) quelques machines qui m’intéressaient…
Mes quelques « photos d’ambiance » ci-dessus ont été prises avec ma GoPro ce qui explique pourquoi elles sont un peu déformées (effet « fish eyes »). Une Bike Week toujours plus grosse, toujours plus imposante et rassemblant toujours plus de monde, donc. J’ai pu voir que les rassemblements ne concernaient pas que Daytona, mais bien toutes les petites villes autour (j’ai traversé Deland au retour et cette petite citée débordait de motos, partout sur les trottoirs. Certaines rues étaient même signalées « for bikes only » !), je dirais à 30 km à la ronde…
Alors, et ces machines que tu as essayées, tu peux en parler ?
Mais bien sûr, tout de suite !
Dans l’ordre où j’ai pu les tester :
Je n’avais jamais pu essayer la V Strom qui est une des motos qui a compté et compte encore dans le catalogue Suzuki. Je n’en avais lu que du bien par ailleurs, j’étais donc curieux de vérifier cela par moi-même. Je n’ai pas été déçu : la moto est bonne sous tous les rapports : polyvalente, vaillante, facile. On peut lui reprocher d’être un peu haute (c’est le genre qui veut cela), d’avoir un bruit médiocre (trop souvent avec les machines modernes). Au final, je m’attendais tout de même à un peu plus de sensations… Et c’est pour en avoir le coeur net que j’ai décidé de tester aussi la grande soeur :
J’ai bien fait, car la 1000 est bien mieux : le moteur plus puissant rend la moto bien plus agréable, car le couple est disponible plus bas et ça change tout. Pour le reste, c’est presque la même moto, la différence de poids ne se sent pas. Voilà une machine intéressante, car facile, agréable (vivace, mais toujours maitrisable) et confortable.
Ceci dit, pas de miracle à attendre non plus. Pour ceux qui s’attendent à un moteur plein de couple à tous les étages, ce n’était tout de même pas à la hauteur de l’agrément d’une Moto Guzzi, faut pas rêver non plus…
Passons chez les verts. J’ai d’abord testé cette Vulcan basée sur le moteur (650 bicylindres) de la Versys. J’étais curieux de tester cette petite machine, car elle était la réponse de Kawasaki à la Yamaha Bolt que j’avais essayée et beaucoup appréciée en 2014. Alors, que vaut la petite Kawa dans cette perspective ?
Ben, pas grand-chose, faut l’avouer, on est loin de l’agrément général de la Bolt !
En cause, selon moi, une position de conduite complètement ratée : typique du genre « cruiser » si en vogue de ce côté de l’atlantique, les pieds sont trop en avant et la selle n’est pas dessinée comme il faudrait pour vous recevoir dignement… Bref, ça doit faire mal assez rapidement d’autant que les suspensions sont plutôt sèches. Pour le reste, rien à signaler : moteur disponible, tenue de route correcte et bons freins, mais l’absence de confort est rédhibitoire et n’est pas compensée par les qualités dynamiques de cette petite machine. La Bolt peut continuer son chemin tranquillement !
J’ai ensuite enfourché la grosse « Concours » qui est elle une concurrente directe d’une autre Yamaha : la FJ1300 que j’avais également testée en 2014.
Bien plus imposante que la petite Vulcan, la grosse Kawa n’en est pas moins très accessible : dès qu’elle roule, elle est à l’aise et c’est quand même une grosse réussite pour une moto de ce format. Freins, position de conduite, confort, moteur qui pousse fort avec un feulement pas désagréable, la Concours est très réussie dans de nombreux compartiments. Alors, un sans-faute ?
Presque. Tout comme la grosse Yam (sélecteur de vitesses mal dimensionné), la grosse Kawa n’a qu’un défaut à la limite du ridicule : la bulle du carénage qui produit une vision déformée et donc très désagréable au point qu’on ne peut la garder en position haute. Cette fameuse bulle a pourtant fait l’objet de raffinements : elle possède une ouïe de ventilation, elle est réglable électriquement au guidon. Mais voilà, on ne voit pas bien à travers… C’est bête, hein !
J’ai du mal à comprendre qu’on puisse laisser passer un défaut pareil !
C’est d’autant plus dommage que, pour une fois, la bulle remonte suffisamment haut, afin de bien faire varier la protection selon les usages. Et non seulement cette bulle est gênante quand on regarde à travers en position haute, mais elle se reflète aussi dans les instruments en position basse… Va comprendre !
Après ces tests un peu décevants, je suis passé chez Yam et j’ai commencé par un vieux souvenir : la VMAX. J’avais pu rouler avec une de ces machines lors de sa sortie dans les années 80. Trente ans après, il m’a paru intéressant de me rafraichir la mémoire…
Le design a peu évolué, elle a toujours un look aussi spécial, bestial si j’ose dire. Et, pour une fois, l’apparence correspond bien au caractère : cette moto est une bête !
Le moteur est incroyable : à peine avez-vous tourné la poignée de gaz, qu’il se met à rugir tout en faisant bondir la moto en avant, presque brutalement. Même sans exagérer, dès qu’on ouvre, ça part !
Et c’est carrément jouissif, tout le temps. Je ne vois pas comment on peut s’ennuyer avec cette machine. En plus, elle n’est pas trop haute et la position de conduite est bonne, en étant bien calé par la selle (et heureusement !). En plus, le bruit du moteur est formidable et ça participe vraiment au plaisir de la conduite… Vroaaah !
Comparée au VMAX, la Kawasaki Concours n’est pas spécialement lymphatique, son moteur lui permet d’accélérer comme une fusée, mais c’est avec une onctuosité, tout est bien maitrisé, sous contrôle. Le moteur du VMAX est bien plus démonstratif, plus rugueux, plus explosif tout en n’étant pas brutal en fait. Un équilibre particulièrement réussi.
Bien évidemment, il y a quelques défauts : au niveau du comportement dynamique, l’avant engage un peu dans les virages serrés (moins en grande courbe), mais on s’en accommode vite. L’indicateur de vitesse engagée est situé (avec d’autres indications comme le niveau d’essence) sur un écran à part casé sur le réservoir. Emplacement absurde, car il faut baisser le regard pour le regarder (pas secure ça…). Inutile, car l’écran à cristaux liquides est illisible au soleil… Mais on pardonne facilement à la VMAX qui est une moto enthousiasmante, vraiment !
Ma joie est retombée de plusieurs crans en montant sur la FJ09. Incarnation « GT » de la MT09 que j’avais déjà testé en 2014. Monté, c’est le cas de la dire, car la FJ09 est aussi haute de selle que l’image ci-dessus le laisse supposer (c’est pire que la Vstrom). En dehors de cette hauteur de selle propre à ce type de moto, la FJ09 est exempte de défaut sur le plan dynamique : bonne tenue de route, bon frein, moteur disponible, etc.
Bon alors, de quoi te plains-tu dans ce cas ?
Ben, les sensations pardis !
Autant la VMAX vous en donne à foison, autant la FJ les gomme autant que possible. Le moteur pousse fort, y a pas de doute, mais il fait tellement progressivement qu’on ne s’en rend pas compte… pas bien. Et le bruit, que dire du bruit ?
Ben c’est un bruit de mécaniques modernes, trop moderne. Trop de sifflements, pas de grondement. Presque l’inverse exact de la VMAX, hélas.
C’est une bonne machine, rien à dire, mais la question est : comment en avoir envie ?
Un tour chez Indian maintenant. Ah, ça faisait un moment que je voulais tester la Scout, la « petite » machine du groupe Polaris (groupe canadien auquel appartiennent Indian et Victory). Esthétiquement, la Scout est une vraie réussite et c’est encore plus vrai vue de près.
La machine est basse, l’assise est bonne, la position de conduite est d’autant plus réussite que je n’aime pas particulièrement le style « cruiser » (les pieds très en avant, ça me parait antinaturel). Mais là où on est peu à l’aise comme sur la Kawasaki Vulcan, c’est au contraire bien mieux maitrisé sur la Scout sans que je sois capable d’expliquer pourquoi.
Les freins ne sont pas très mordants et le passage du second rapport est un poil dur et ce sera tout pour les défauts. Car, pour le reste, cette moto est carrément bien sous tous rapports : comportement dynamique sans reproche, comportement moteur très agréable (très présent, très disponible et poussant fort d’autant que la moto est -relativement- légère) et même le bruit participe au plaisir. Enfin un constructeur qui comprend que mécanique moderne ne doit pas forcément rimer avec bruit décevant. D’un autre côté, Indian n’a pas le choix : si le constructeur veut rivaliser avec HD, il ne peut se louper sur ce plan…
Finissons par HD justement. La Street est une machine « stratégique » pour le vénérable constructeur de Milwaukee et j’en parle par ailleurs dans cet article. Bref, rouler enfin sur la machine de conquête des marchés en expansion (comprendre en dehors des USA et de l’Europe) devenait une nécessité afin d’évaluer le sérieux du pari fait par Harley-Davidson avec cette mini-gamme (la Street est déclinée en 500 et 750cc, elle est -un peu- fabriquée aux USA et surtout en Inde).
Disons-le tout de suite, une grosse déception !
En dehors de son badge, cette moto n’a rien pour elle : position de conduite ruinée par le réservoir (large et plat) dont les bords vous rentrent dans les genoux et à l’intérieur des cuisses !
Si HD dit viser une population jeune et féminine avec cette machine, que la compagnie commence par changer la forme du réservoir alors…
Et le reste est à l’avenant : bruit moteur très décevant (pour rester gentil…), comportement correct, mais avant un peu léger qui ne met pas en confiance au moment de prendre l’angle, point mort dur à trouver (et pas d’indicateur de rapport enclenché), embrayage qui broute un peu au démarrage et finition médiocre. La finition n’est pas quelque chose qu’on peut vraiment évaluer lors de ces demo-rides qui dure 20 à 30 minutes, mais là, j’ai tout de même remarqué deux choses qui clochent : des rétroviseurs aux tiges trop courtes (je pouvais voir mes épaules et pas grand-chose de plus) et les fils des contacteurs de feu stop très visibles au levier de frein avant et à la pédale de frein arrière… ça jure un peu quand même. Certes, il s’agit d’une machine qui se veut abordable et qui va être produite (principalement en Inde), mais ça n’excuse pas tout, surtout avec le badge HD sur le réservoir… Faut revoir tout ça si on veut être plus sérieux dans cette opération toujours présentée comme étant stratégique. En clair, cette machine n’est vraiment pas destinée aux marchés « riches », car il n’y en avait même pas d’exposée sur l’immense stand Harley-Davidson à Daytona (encore heureux qu’il y en avait de proposées pour les demo-rides !).
Une petite conclusion peut-être ?
Mais certainement !
Ce qui apparait nettement à travers cette série de petits essais (car je reste lucide, ce n’est pas en 20/30 minutes qu’on teste vraiment une moto mais, au moins, ça permet d’avoir un aperçu et de se faire un avis, même s’il est limité) c’est que les machines modernes ont des points communs : comportement dynamique sans reproche (et, au moins, elles freinent correctement, contrairement aux anciennes…) mais bruit moteur décevant (à quelques exceptions près qui, du coup, gagnent nettement en séduction).
Je n’irais pas jusqu’à écrire que les motos récentes manquent d’âme, ce serait trop fort mais elles manquent souvent de caractère (sauf la VMAX ou la Scout justement)… On ne peut pas tout avoir, n’est-ce pas ?