Harley Davidson est une marque mythique dans le monde de la moto. Même des constructeurs bien implantés avec une tradition comme BMW et, dans une moindre mesure, Moto Guzzi ne peuvent rivaliser en termes d’image. Aux USA, avoir « sa » Harley fait partie du mode de vie « normal » du mâle américain (surtout s’il est blanc, riche et déjà un peu âgé…) qui s’assume totalement (je grossis le trait, mais, à peu de choses près, c’est bien cela).
La firme plus que centenaire (fondée en 1903, BMW ne remonte qu’en 1909 et n’a commencé à produire des motos qu’à partir de 1919, Guzzi a été fondé en 1921…) semble être dans une position enviable : une image de marque très forte, une position dominante sur son marché et une très bonne fidélité de sa clientèle. Cela permet à HD de vendre cher des modèles, disons, rustiques. J’ai essayé plusieurs modèles de Harley : des machines anciennes (qui vibrent beaucoup) des machines récentes (qui vibrent toujours, mais un peu moins) et même une V-Rod qui est une moto intéressante, mais mal-aimée par la cible traditionnelle de la marque.
Soyons honnête, en essayer une vous laisse une forte impression : voici une machine qui vit, vibre, gronde et même (dans le cas de la V-rod justement), pousse !
Pour certains, c’est le coup de foudre à vie… Pour moi, ce fut une expérience intéressante, mais sans plus. Ces motos sont tout de même très en dessous de ce qu’on peut attendre en termes de performances (et là, la performance n’est pas seulement la puissance, mais aussi la tenue de route et le freinage…) et d’agrément pour une machine de ce prix. Car les HD sont coûteuses : si vous trouviez les BMW trop chères, vous allez être servi avec les Harley !
Bref, d’une certaine manière, on peut dire que HD à pleinement réussi sa mission qui consisterait à vendre cher des produits (relativement) médiocres… Je sais que je vais en faire hurler plus d’un en écrivant cela, mais la plupart de ceux qui rêvent d’une Harley sont attirés par l’image liée à cette moto, pas vraiment à la machine elle-même et son comportement… Ben oui, la vérité blesse parfois. Mais il semble pourtant que la lune de miel entre Wall Street et « The Hog » soit bel et bien terminée désormais : le titre qui restait bien accroché au-dessus des $70 au milieu de l’année 2014 se traine désormais à moins de $50. Pourquoi cette soudaine désaffection qui ressemble même à une punition ?
Tout simplement parce que les investisseurs considèrent (avec raison) que la période de croissance de HD est terminée. Son marché de prédilection est saturé et la firme le domine de la tête et des épaules. Ce n’est plus sur cette (large) niche que des résultats juteux peuvent venir. Mais alors que faire ?
Il serait injuste de dire que la direction du constructeur se repose sur ses lauriers, car de nombreuses tentatives ont été faites ces dernières années. Il faut dire que, en dehors de son marché traditionnel, HD n’est nul part. Sur le créneau des machines tout-terrains, rien (alors que BMW, par exemple, a réussi à s’y implanter et connait même un réel succès avec sa lourde GS…). Sur le créneau des jeunes et des femmes, pas grand-chose pour ne pas dire, le bide. Sur les marchés des pays en voie de développement (ceux qui sont les plus porteurs en matières de croissance, demandez donc aux Japonais !), HD est tout bonnement inexistant avec ses machines lourdes et coûteuses.
Pourtant, HD a bien un plan pour cet important segment et ce plan, c’est la ligne « Street », des machines de 500 et 750cc fabriquées en Indes et aux USA, pas (trop) chères, légères, modernes et performantes (tout est relatif sur ce dernier plan, surtout avec HD). La Street est LA moto qui va permettre à Harley Davidson de sortir de son statut étroit de « constructeur de niche » pour aller vers le statut plus enviable de « constructeur global » à gamme large et implantation mondiale. Mais, bien sûr, il faut encore que la Street ait du succès. Je n’ai pas encore pu essayer cette machine, mais les tests effectués par la presse semblent plutôt encourageants.
Reste à voir comme le réseau des distributeurs va accueillir cette moto qui cadre mal avec leurs ventes habituelles. Déjà qu’ils ont du mal avec la V-rod, la question se pose de façon encore plus cruciale avec la Street… Pour en avoir le coeur net, je suis allé faire un tour chez un gros concessionnaire HD, celui de Port Charlotte en Floride : sur le show-room, des dizaines et des dizaines de machines rutilantes… Mais pas une seule Street en vue !
Je m’adresse alors aux vendeurs, mais certains ne savent même pas de quoi je parle (ou alors, veulent ignorer ma question). Je parviens tout de même à coincer le chef et celui-ci me rétorque qu’ils n’en ont plus. En le travaillant un peu plus, j’arrive à savoir qu’ils en ont tout de même une, d’occasion, qui traine au fond de l’atelier. Comme j’insiste lourdement, il consent à me la montrer : c’est une Street 750 noire avec très peu de kilométrage. Non, je ne peux pas l’essayer, car la moto n’est pas prête, mais si je laisse mon numéro de téléphone ainsi que mon email, ils seront heureux de me prévenir dès qu’elle le sera… Évidemment, comme vous pouvez vous en douter, ce vendeur n’a pas repris contact avec moi depuis (deux mois déjà…).
Cela traduit bien ce que je redoutais : le réseau traditionnel n’est pas intéressé par cette nouvelle gamme. Et ça, c’est plutôt une mauvaise nouvelle pour le constructeur de Milwaukee (Winconsin) !
= màj du 8 février 2018 :
J’ai pu finalement essayer une Street et c’est pas terrible… voir ici => http://www.freedom-machine.fr/bike-week-2016-a-daytona-quelques-demo-rides-de-plus/
Deux après cet article prémonitoire, la sanction tombe : HD vient de fermer une usine et des licencier… rien de surprenant, finalement.