Le « spectacle » des Jeux olympiques ne m’inspire pas l’admiration ou la surprise (en fait, cette « grande messe » ne m’inspire que du rejet), mais il m’a permis de comprendre une loi fondamentale de notre monde moderne : le niveau de l’audience est inversement proportionnel aux moyens employés pour le spectacle (sa conception, sa réalisation et sa diffusion) regardé par ces spectateurs (qu’il s’agisse d’une épreuve sportive ou d’un concert ou autre : cette loi concerne tous les rassemblements où s’exerce une relation acteur(s)/spectateurs).
Par exemple, une pièce de théâtre demande des moyens relativement modestes : un texte, une troupe (éventuellement avec très peu d’acteurs) et une scène (éventuellement avec très peu de décors)… voilà tout.
Cependant, l’audience qui assiste à la représentation doit avoir un bon niveau pour saisir le message du texte et le subtilité du jeu des acteurs. Attention, je ne suis pas en train de faire l’apologie systématique de TOUTES les pièces de théâtre !
Là comme ailleurs, le sublime côtoie facilement le ridicule, surtout en ce qui concerne le théâtre dit « moderne ». Mais c’est juste un exemple pour me faire comprendre.
À l’inverse, une course de F1 (autre exemple, justement volontairement pris dans un domaine qui m’est cher) exige des moyens autrement plus coûteux et compliqués : un circuit permanent avec toutes ses infrastructures, un plateau composé des écuries habituelles avec leurs voitures hyper-sophistiquées et une nombreuse troupe d’acteurs très spécialisés (des pilotes aux commissaires de piste). Et je ne parle même pas des moyens employés pour retransmettre la course en direct à la télévision (nombreuses caméras, y compris embarquées sur les voitures, liaisons satellites, commentateurs en plusieurs langues, etc.).
Les moyens sont là, mais le niveau de l’audience est déjà beaucoup plus bas (j’aurais pu faire un exemple avec les matchs de football, mais on m’aurait taxé de partialité…)… En effet, comment peut-on justifier d’apprécier la F1 de ces dernières années ?
Le spectacle est inexistant (non, je n’exagère même pas et c’est bien cela qui est triste) tout comme le suspense. On pourrait me rétorquer que les fans de F1 sont des esthètes capables d’apprécier la pureté mécanique et la vitesse extrême procurée par le pinacle du sport-auto… Même pas. Pour ce qui est de la vitesse, les 500 miles d’Indianoplis sont bien plus impressionnants et le suspense est plus souvent présent aux 24 heures du Mans (encore une course qui a beaucoup-beaucoup perdu au fil des ans). Alors, comment comprendre que la F1 draine de telles audiences (en volume plutôt qu’en qualité) ?
Tout simplement parce qu’on a dit à ces amateurs de sport-auto « voici le sommet du sport automobile : ici sont réunis les meilleurs pilotes et les voitures les plus rapides jamais construites. C’est la pointe absolue de cette discipline… » Prosternez-vous et appréciez, point.
Remarquez bien que ce type de raisonnement s’applique tout aussi bien à d’autres sports comme le foot ou le rugby où le spectacle peut être absent, mais qui rassemble quand même les foules simplement parce que « c’est la coupe du monde »…
C’est là où c’est vraiment triste : ces gens ne vont pas apprécier tel ou tel spectacle en fonction de leurs critères personnels, mais plutôt en fonction de ce qu’on leur dit. Ceci explique une bonne part de la popularité endémique du football… Nombreux sont ceux qui suivent les championnats de foot simplement « pour faire comme tout le monde » (n’oublions pas que la pulsion d’intégration est un puissant moteur à l’oeuvre en permanence dans l’immense majorité des cas… On imagine les ravages dans le cas des « supporteurs » !).
Bref, on l’aura compris, tout ce qui est universel est inévitablement médiocre.
« Bref, on l’aura compris, tout ce qui est universel est inévitablement médiocre. »
Depuis des années que je vous lis sans ressentir le besoin d’intervenir, il me vient aujourd’hui ce spontané de vous remercier pour cette belle citation, qui plus est, dont vous êtes l’auteur. Tout cela, avec détour, pour vous témoigner de ma solidarité, jusque là dissimulée. Si tant est, qu’à ce stade, nous en ayons encore besoin… bien sûr !