La longue marche de vers la 750 idéale ou les essais (ratés) de Yamaha…

Dans mon ouvrage « Freedom Machine », j’ai promis que j’allais me servir de ce blog pour y publier tout ce que je n’avais pu mettre dans le livre… Il est temps de tenir parole !

Aujourd’hui, je vous propose de revenir brièvement sur les essais-erreurs des constructeurs japonais suite au coup de tonnerre de Honda avec sa CB750. Kawasaki a su répondre comme il faut avec la 900Z1 (épisode bien détaillé dans le livre) mais il est intéressant de voir quels ont été les errements de Suzuki et surtout de Yamaha pendant cette période clé.

Yamaha était un peu en retard dans la course à la puissance et à la cylindrée initiée par Honda avec sa CB750 et suivie par Suzuki et Kawasaki qui avaient répliqué en 1971/72 avec des 750 trois cylindres deux-temps (à refroidissement liquide pour la grosse Suzuki). Alors que du côté de Yamaha, il fallait se contenter d’une 650 bicylindre quatre-temps, une honnête copie de la Triumph Bonneville, mais pas exactement le porte-drapeau qu’il fallait à la firme aux trois diapasons…

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La Yamaha 650XS, ici dans un « état concours ». J’ai pris cette photo à Daytona en 2013.

Au salon de Tokyo de 1972, Yamaha avait bien présenté une 750 quatre cylindres deux-temps très sophistiquée (refroidissement liquide et injection, une grande première à l’époque), mais elle ne fut pas commercialisée et resta à l’état de prototype pour finalement déboucher en 1974 sur la TZ700 de compétition (et sans l’injection).

La Yamaha GL750, jamais commercialisée.

La TZ700, une moto formidablement compétitive, trop même puisqu’elle tua la concurrence dans cette catégorie avant de tuer la catégorie elle-même par son hégémonie…

Donc, la TX 750 arrive enfin après la bataille (1973) et l’enjeu est important pour Yamaha… Pour se démarquer, la firme commercialise une machine avec un moteur bicylindre quatre-temps à simple arbre à cames en tête. Le moteur, calé à 360°, développe 63 ch à 6 000 tr/min (ce qui était carrément élevé pour un simple bicylindre quatre-temps). Pour atténuer les vibrations inhérentes à ce type de moteur, Yamaha a équipé ce dernier d’un système d’équilibrage à balancier assez sophistiqué. Le résultat est spectaculaire puisqu’on pouvait poser un verre d’eau sur le bouchon du réservoir sans que celui-ci tombe alors que le moteur tournait au ralenti… Yamaha avait réussi là où les constructeurs britanniques avaient toujours échoué (on verra plus loin que cette TX750 n’a pas eu le destin que l’on pouvait supposer alors) !

Une publicité très technique pour présenter la TX 750 et vanter ses caractéristiques avancées…

Hélas, ce fameux moteur était fragile en raison d’un circuit d’huile mal conçu. Les modèles de 1973 seront rappelés en atelier pour procéder, entre autres, à la pose d’un radiateur d’huile additionnel. Victime de la réputation de fragilité de son moteur, la TX 750 termina sa carrière en 1975, dans l’indifférence. Yamaha avait raté son entrée dans le club des 750cc…

La Yamaha TX 750, une machine élégante et ambitieuse, mais qui n’a pas tenu ses promesses…

Après cet échec cuisant, Yamaha ne pouvait en rester là et voulait revenir sur le marché des 750 avec un produit qui allait lui assurer le succès. Mais, une fois encore, les ingénieurs de la firme voulurent « faire différent » et c’est ainsi qu’est née la XS 750…

Une publicité pour la XS750 de 1976, la toute première version avec le pot 3-en-1.

Ainsi que la publicité ci-dessus le promettait, la XS750 alliait la performance d’une quatre cylindres avec l’avantage d’une transmission par cardan, « une toute nouvelle sorte de moto »… Sur le plan technique, rien à dire, la XS750 était un coup de maitre et les premiers essais confirmaient tout le bien qu’on pouvait en penser. Et pourtant, la nouvelle Yamaha n’eut pas le succès escompté, pourquoi ?

Tout simplement parce que les acheteurs de cette catégorie étaient d’abord et avant tout intéressés par les performances pures et, sur ce point, la XS750 était un peu plus lourde (le cardan) et un poil moins rapide que la toute nouvelle Suzuki GS750 (qui elle fit un carton à partir de 1977 !).

La Suzuki GS750, un moteur qui était la copie presque conforme de celui de la 900Z1, le tout dans un cadre décent et servit par une esthétique très réussie. Le bon cocktail au bon moment !

Car Suzuki s’était planté aussi dans sa recherche de la bonne réponse à la CB750 !
Tout d’abord avec la GT750 (1971), honnête machine mais avec un moteur deux-temps qui ne convenait pas à l’image de cette cylindrée (Kawasaki l’avait bien compris en positionnant sa 750 deux-temps sur le créneau exclusif des sportives et en adoptant le quatre-temps pour sa 900).

Une GT ne peut être un deux-temps… Suzuki s’en est aperçu à ses dépens !

Suzuki aussi a été pris au piège du « faisons différent » en creusant la voie du moteur rotatif. La firme s’est mise dans les difficultés financières quand son fleuron, la Suzuki RX5 s’est avérée être un flop retentissant (1975) !

Le moteur rotatif de la RX5 dans toute sa splendeur !

La RX5 était certainement une machine intéressante mais la proposition innovante n’a pas séduit les motards. Leçon bien comprise, Suzuki n’a pris aucun risque par la suite en misant ce qui lui restait de billes sur la GS750 (qui la sauva de la banqueroute !).

Ces échecs successifs ont fini de persuader les constructeurs japonais qu’il fallait modérer l’innovation technique avec le bon zeste de proposition sportive puisque, dans ces années-là, la catégorie GT était encore le territoire réservé de BMW (les choses ont-elles vraiment changé depuis ?).

Les claques administrées par le marché suite aux lancements de la RX5 et de XS750 ont clairement montré que, à cette époque, les motards étaient encore majoritairement omnibus par les performances. Les Japonais en ont tiré les conséquences, même Honda qui avait lancé une grosse GT (la Gold Wing en 1975) a procédé à des mises à jour de la CB750 avec la F1 puis la F2 avant de reprendre le leadership technique avec la 900 Bol d’Or…

La F2, ultime version de la CB750.

 

La CB900F, clairement dérivée des machines d’endurance qui dominaient la compétition au tournant des années 70/80…

Epilogue : à la suite du demi-échec de la XS750, Yamaha doubla la mise avec la XS1100 qui elle fut un succès. Ensuite, Yamaha trouva la bonne formule avec une série de quatre cylindres GT (les XJ) et sportives (les R1, R6 etc.).

Suzuki continua dans la voie tracée par GS750 avec une GS1000 qui était simplement une plus grosse moto et mis enfin la main sur un hit avec la GSX-R qui est encore commercialisée de nos jours.

Kawasaki ne voulait pas cannibaliser les ventes de sa Z1000 et, pour répliquer à Suzuki (dont le succès de la GS750 lui faisait un peu d’ombre) proposa la Z650 : une réplique de la Z1000 mais à taille réduite et bien agile, une réussite !

La Z650 était clairement positionnée comme une sportive, le seul créneau valable à l’époque !

 

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