J’ai vendu ma Suzuki 750GS à un collectionneur dernièrement. Ce dernier avait une fort belle collection de Japonaises des années 70, ma période de prédilection !
Il a été assez aimable de me faire essayer trois de ces machines : la Honda CB750 (la fameuse « K0 » de 1970, rare !), la Suzuki GT750 (la trois cylindres à refroidissement liquide) de 1974 et la Kawasaki 750H2 de 1974 (la fameuse trois cylindres sportive).
J’ai commencé par la CB750, la fameuse « quatre pattes » que je n’avais encore jamais essayé de ma vie de motard. La CB750 de mon collectionneur était une vraie K0 (c’est-à-dire la toute première série des CB750) qui se reconnait facilement, car sa selle se termine par un petit rehaussement et la pince de frein avant est grise (noire sur les séries suivantes). La K0 est réputée pour être la plus puissante et la plus « sauvage » des CB750 (qui se sont adoucies par la suite), mais je n’ai pas trouvé que cela poussait tant que cela. En revanche, le bruit lui est vraiment magique !
En revanche, le freinage est tellement modeste qu’on se demande comment on avait pu le trouver si impressionnant à l’époque… La boite de vitesses avait quelques problèmes (tendance à rester bloquée en 5ème…), je n’ai donc pas pu rouler bien longtemps avec cette légende.
Ensuite, je suis passé au « water buffalo » qui est l’affectueux surnom américain de la GT750. La grosse Suzuki est bien moins connue que la CB750 et pourtant… Au début des années 70, Suzuki croyait pouvoir répondre à Honda en restant sur le moteur deux-temps. Cette fois, doté du raffinement suprême : le refroidissement liquide. Ce dernier est censé présenter trois avantages : des performances plus constantes, une fiabilité améliorée, des bruits moteurs étouffés… Cette machine n’a pas eu un grand succès, car elle était perçue comme plus paisible que sportive. Or, les motards des années 70 voulaient que ça « pousse velue » ou alors ils se tournaient vers BMW pour des motos « paisibles et sérieuses »… Bref, la grosse Suzuki est restée une curiosité, mais sans plus (Suzuki a cru ensuite pouvoir jouer un joker avec la RE5, celle avec le moteur rotatif, mais cela s’est avéré un bide retentissant… finalement, Suzuki a fait comme les autres : un quatre cylindres quatre temps avec ma GS750 et là, ça été un succès…).
Bref, le water buffalo gagne à être connu et essayé, car je me suis absolument régalé à son guidon : accélérations franches, comportement impeccable, position confortable et même les freins sont bons !
Franchement, cette machine m’a surpris et dans le bon sens : à part le bruit pas terrible (un gros deux-temps, faut vraiment aimer pour trouver cela beau, selon moi !), je n’ai pas vu quoi lui reprocher. Elle fait tout bien et elle est vraiment facile à emmener. Elle communique une forte impression de moto aboutie et bien finie. Cela me persuade qu’elle méritait bien mieux que ce destin discret, y compris sur les pistes (où elle a vite été éclipsée par la Yamaha TZ750). Comme quoi, le succès commercial d’une moto reposait (et repose toujours !) sur l’image qu’elle arrive à capter et peu importe la réalité.
Enfin, je suis passé à la fameuse Kawasaki H2, encore un sacré mythe celle-ci !
Rien de comparable à la Honda CB750, car les volumes produits et diffusés n’ont rien à voir, mais cette H2 est auréolée d’une réputation de sportive radicale avec (surtout) des accélérations sauvages. Première particularité : le point mort est tout en bas, les autres rapports sont au-dessus selon la séquence habituelle. Disons-le tout de suite, cette H2 m’a plutôt déçu : je m’attendais à bien mieux en fait.
Les accélérations de la H2 ne sont pas vraiment plus fortes que celles de la GT750 et le comportement est franchement moins bon que la « grosse Suz » : le train avant est plus léger (ça ne me met pas en confiance) et le freinage n’est pas aussi mordant. En fait, la H2 fait bien plus « bricolée » que la GT qui est vraiment bien plus aboutie dans tous les domaines. Comme quoi, la légende n’est pas vraiment méritée, selon moi.
Mais la morale de ces petits essais, c’est une fois de plus de se rendre compte que nos opinions sur les motos que nous essayons vont forcément varier fortement d’un individu à l’autre. Je suis quasiment certain que les spécialistes des H2 vont ricaner en lisant mes lignes (si jamais ils arrivent jusqu’ici !), mais je persiste et signe : mon ressenti aux guidons de ces motos est la seule chose qui compte, car je n’avais pas (ou si peu) d’a priori sur ces machines avant de rouler avec.
Ceci dit, rouler avec ces motos a été un vrai plaisir. Je dirais même plus : un plaisir rare, éprouver enfin les sensations aux guidons de ces motos que j’ai vu passer étant jeune est une vraie satisfaction (tardive, mais quand même). Dans ma « carrière de motard », j’aurais finalement essayé beaucoup de motos différentes et, à chaque fois, j’adore découvrir ce qui fait qu’une machine procure des sensations (ou pas). Tout cela pour dire qu’il est temps de dévoiler la liste des dix machines que j’aimerais essayer (parce que je n’ai jamais encore pu les approcher) :
- Yamaha XS1100 (1979)
- Triumph Trident (1969)
- Honda CX500 (1978)
- BMW R90S (1974)
- Yamaha RD350 (1973)
- KTM 390 Duke
- Triumph Daytona (1966)
- KTM 400 Enduro (1976)
- Suzuki T500 (1972)
- Yamaha TX750 (1973)
Alors, pourquoi ces dix motos-là et pas d’autres ?
Détaillons cela ensemble…
Tout d’abord, la Yamaha XS1100. Ce gros quatre cylindres a été le premier succès de ce constructeur en grosse cylindrée après des tentatives multiples et malheureuses (TX750 et XS750). Elle avait la réputation d’être puissante, mais aussi de ne pas être trop maniable et, franchement, j’aimerais bien vérifier ce dernier point par moi-même.
La Trident vient ensuite. Quand on s’est interrogé sur le mythe représenté par la Honda CB750, difficile de ne pas avoir envie d’essayer celle qui est sortie juste avant pour tenter de la contrer, n’est-ce pas ?
La Honda CX500 représentait une vraie rupture pour une moto japonaise : pas spécialement belle, mais techniquement audacieuse tout en n’essayant pas d’avoir des prétentions sportives. Je dois avouer que la CX m’a toujours intrigué et donc fait envie.
Je connais un peu les BMW, y compris les flat-twins mais, clairement, la R90S sort du lot car c’est la toute première Bavaroise à avoir des prétentions sportives. Sortie au moment où les Japonais dominaient déjà tout le marché, elle a eu un succès mérité dit-on. Tout cela fait que j’ai forcément envie de prendre son guidon, depuis longtemps.
La Yamaha RD350 est moins célèbre que la RDLC, mais c’est pourtant son ancêtre direct, le refroidissement liquide en moins. Bien finie et performante, c’était une moyenne cylindrée qui n’avait rien à envier aux grosses.
La KTM Duke est la seule moto actuelle de cette liste. C’est aussi la seule sportive assumée. Je l’ai mis sur cette liste car je crois que KTM a réussi quelque chose avec cette machine et j’ai bien envie de vérifier ce que donnerait cette Duke lors d’un « track Day » face à d’autres sportives modernes…
Une Anglaise « historique » s’impose aussi dans un « top ten ». Je retiens la 500 Daytona car il parait que son moteur représente un compromis rare.
Allez, encore une KTM dans cette liste, mais, cette fois, il s’agit de la fameuse 400 enduro qui avait une réputation bestiale lors de sa sortie. Forcément, ça donne envie de vérifier, hein !
Au contraire de la KTM, la T500 Suzuki avait plutôt une réputation plus apaisée. Vu comment la GT750 était réussie, ça donne forcément envie de faire un tour sur la T500 qui, en quelque sorte, a ouvert cette voie.
On termine par la TX750. Cette Yamaha au destin tragique m’a toujours intrigué : elle avait tant d’atouts sur le plan théorique que son échec (pour cause de fiabilité douteuse : le circuit de circulation d’huile était défaillant) a représenté le premier choc de mes lectures de Moto-Journal en ce temps-là…
On remarquera facilement que, dans cette liste, les machines des années 70 sont en majorité. Normal, c’était la décennie qui m’a le plus marqué (à cause de mon âge à cette époque, mais aussi à cause du bouillonnement technique de ces années-là…). J’aimerais bien essayer des motos vraiment anciennes comme un Monet-Goyont des années cinquante, mais je dois être trop « timide » pour l’intégrer à cette liste…
Bien entendu, il y a bien des illusions à propos de ces motos et donc, bien des déceptions potentielles. Mais on n’est pas à l’abri de belles surprises, comme la GT750 me l’a montré !