Il y a des épreuves mythiques qui sortent du lot quand on pense au sport-auto : les 24h du Mans et les 500 miles d’Indianapolis, par exemple. Le Simracing permet de vivre (même si c’est “de loin”) les émotions liées à ces épreuves hors du commun. J’ai déjà eu mon content pour ce qui est du Mans et d’Indy. Ce sont des épreuves que je vais refaire mais il en est une qui me titillait depuis un moment : faire un GP de F1 sur la grande boucle nord du Nürburgring, la mythique “nordschleife”, surnommée aussi “l’enfer vert”.
Je dois avouer que j’ai mis longtemps à apprendre cette piste. Normal, avec ces 22 km de virages ondulants, de pièges cachés et de courbes au noms imprononçables (pour le “Karrusel”, ça va encore mais essayez donc “Schwalbenzschwanz” pour voir -et pour rire !-), ce tracé est plutôt intimidant. Voici un florilège des noms de ces virages :
- Flugplatz ou aérodrome : un ancien aérodrome pour planeurs se situait autrefois à gauche du circuit.
- Schwedenkreuz ou Croix de Suède : à droite de la piste, se trouve une grande croix de pierre ancienne datant de l’époque des guerres de Suède (Guerre de 30 Ans 1618 – 1648). La croix de 2,90 m a été brisée en 1895, mais tient à nouveau debout grâce à une armature en fer.
- Fuchsröhre ou le tuyau du renard : un renard était terré dans un tuyau d’évacuation lors des travaux. Les ouvriers ont donc baptisé cette section ainsi.
- Bergwerk ou la mine : car à cet endroit existait jusque vers 1900 une mine de plomb et d’argent.
- Steilstrecke ou section escarpée : cette section de 27% de déclivité qui traversait la forêt a été construite à l’origine pour des essais automobiles. Cette partie n’est plus utilisée mais sert aux spectateurs qui se dirigent vers le Karussell.
- Hedwigshöhe : Hedwig Creutz, l’épouse de l’administrateur du district et parrain spirituel du Nürburgring appréciait la vue de cet endroit pendant que son mari était sur le chantier.
- Wippermann : le nom d’un fabricant de chaînes de vélo. En fait les autos qui passaient dans cette section très bosselée (arasée depuis) semblaient rouler sur une chaine de vélo
- Pflanzgarten ou Jardin des plantes : il s’agissait autrefois du site des jardins et des champs de culture des comtes de Nürburg.
- Schwalbenzschwanz ou queue d’hirondelle: les ouvriers ont inventé ce nom lors de la construction en 1926/27 parce que la section ressemble à une queue d’hirondelle. Cette partie contient également le « Petit Carrousel » ( Kleines Karussell ).
- Antoniusbuche ou Hêtre de Saint Antoine : un immense hêtre se dressait à gauche du circuit avec un autel dédié à saint Antoine à son pied. L’arbre fut abattu en 1935 pour faire place à la nouvelle route B 258.
- Galgenkopf ou la potence : la piste tourne à droite autour de l’ancien site de la potence où les comtes de Nürburg tenaient leurs exécutions publiques.
Alternant portions très rapides, virages en aveugles et reliefs vertigineux, la NordSchleife a la réputation d’être le circuit le plus exigeant au monde. Avec des montées à 16% et descentes à 11%, franchies à hautes vitesse, certaines portions s’apparentent presque à des montagnes russes en terme de sensations. L‘apprendre pour de bon représente un certain « investissement » en temps… Et j’ai souvent reculé après avoir fait une tentative et m’être sorti assez vite !
Je me disais « c’est du délire ce truc, j’y arriverais jamais ! ». Et puis, Reiza a intégré une très belle version à Automobilista 2 avec la variante de 1971 (qui intègre la ligne de départ/arrivée faite de plaques de béton). Avec cette version « historique », je me suis dit que je ne devais plus reculer et affronter enfin pour de bon cet « Everest » du sport-auto !
Donc, une fois la bonne version de la nordschleife sélectionnée, restait à l’apprendre pour de bon. Oui mais avec quelle voiture ?
Sur la version 1971, pas question de “rouler moderne”, il fallait choisir une monoplace historique, forcément !
J’ai essayé avec les F1 1974 (Formula Retro gen1) d’AMS2 mais le côté encore un peu sous-vireur de ces voitures est vraiment gênant sur une piste aussi exigeant. En revanche, j’ai vraiment la bonne combinaison avec les F1 1978 (Formula Retro gen2) qui proposent des monoplaces parfaites pour ce terrain : pas trop rapides mais faciles à placer et à contrôler. De plus, la dernière mise-à-jour du skin-pack [AMS2] F1 1978 Season 1.45 réalisé par AFry de “Immersion Modding Group” est vraiment sensationnelle : constamment améliorée depuis sa sortie, la toute dernière version me paraît vraiment parfaite. AFry a eu la bonne idée d’utiliser les Brabham BT49 (qui sont des monoplaces de la saison 1982 et qui ne devraient pas être dans la catégorie Formula Retro gen2) pour les grimmer en ATS de Mass et Rosberg (tout en adaptant leurs performances pour qu’elles s’intègrent harmonieusement avec les autres voitures du pack), un trait de génie !
Je connais bien ces voitures car j’ai déjà fait tout un championnat avec en roulant avec la Brabham BT46B (la fameuse “voiture aspirateur” qui a remporté le GP de Suède 1978 avec Niki Lauda au volant) mais, cette fois, je ne voulais pas prendre la Brabham ni une Lotus 79 car je voulais simplement terminer la course et non pas essayer de la gagner (afin de réduire l’enjeu et donc la pression que j’allais me mettre…). J’ai donc préféré prendre une Arrow déguisée en Renault car je trouve cette livrée très réussie et aussi parce qu’elle porte le N°15 qui est mon numéro fétiche… Voilà.
OK, j’ai bien conscience que les F1 78 n’ont jamais mis leurs roues sur la Nordschleife !
Le dernier GP disputé sur le “green hell” a eu lieu en 1976 et est célèbre à cause de l’accident de Lauda. Mais bon, je m’autorise cet anachronisme car je ne suis pas un puriste-jusqu’au-boutiste : faut que ça reste du plaisir tout de même, hein !
Pareil pour les changements de vitesses : j’utilise mon shifter SSH mais seulement en séquentiel car je ne suis toujours pas arrivé à m’habituer à la boite en H (alors qu’au naturel, je n’ai jamais eu ce genre de difficulté… go figure!). Encore une petite entorse au réalisme mais j’assume.
En regardant dans mes archives, j’ai constaté qu’il fallait parcourir au moins 13 tours de ce tracé pour que le GP soit considéré comme complété. Cela implique de partir avec le réservoir bien plein (160 l !) et je me suis aperçu lors de ma première tentative (il y a quelques semaines) que c’était vraiment “pas de la tarte” comme épreuve : je me suis planté au 8ème tour avec des pneus déjà bien entamés…
Car, oui, entre croire qu’on maîtrise enfin la Nordschleife et être capable d’enchaîner les tours sans se traîner et sans sortir, il y a de la marge !
Au début, je n’arrivais même pas à faire un tour complet sans sortir : je me ruais tête baissée dans chaque piège et j’en sortais en morceaux… Puis, j’ai réussi à enfin boucler un tour puis un autre mais en faisant quand même des fautes et me traînant copieusement (je tournais en 7’30 avec des voitures qui permettent de tourner en 7 minutes tout rond !). Et puis, de fil en aiguille et avec un peu de persévérance, ça commencer à rentrer : les fautes sont moins fréquentes, les chronos s’améliorent (7’20 puis 7’15) à tel point que j’ai pu me sentir enfin prêt d’y retourner après ma première tentative avortée.
Voici une petite vidéo tournée pendant la course :
Musique : Mockingbird de Barclay James Harvest. J’ai préféré mettre Mockingbird plutôt que les multiples cliquetis de mon simulateur… ça se comprend !
Seconde tentative, samedi 18 janvier
1h30 d’essais libres mais seulement 15mn de qualifs… Je profite bien des essais libres pour peaufiner la mise au point de ma voitures avec le plein. Enfin, le plein, pas tout à fait : je me contente de 100 litres ce qui va m’imposer de ravitailler au 8ème tour au plus tard. Mais je pense que c’est la bonne option car je vais en profiter pour changer les pneus et faire réparer la caisse si jamais j’avais un contact lors de la première partie…
Lors de ces essais, j’ai pu éprouver une autre facette des pièges de ce “circuit” pas comme les autres : l’excès de confiance. En effet, une fois qu’on a l’impression qu’on a enfin franchie cette “barrière de l’apprentissage” on se dit rapidement “OK, c’est bon là, je peux attaquer maintenant !” et, effectivement, au début, c’est complètement grisant. C’est un peu comme si la piste vous invitait “viens donc danser avec moi, tu verras, ça sera bien…”. Pour être bien, c’est bien mais ça ne dure pas : tôt ou tard, un des pièges du parcours sinueux vous prend en défaut et vous détruisez la voiture. Sur la NordSchleife, pas question d’attaquer comme sur un autre circuit, jamais. Tout ce que vous pouvez ambitionner, c’est de passer d’un rythme raisonnable à un autre un peu plus élevé. Tout est une question de tempo et de réserve : il faut toujours en garder un peu sous le pied, freiner un poil plus tôt que nécessaire, ne pas trop tendre les trajectoires et remettre les gaz avec crainte et respect (oui, vraiment ça !).
Leçon apprise mais vais-je vraiment pouvoir la retenir et l’appliquer ?
En qualif (seulement 15 mn !) j’ai eu le second temps avec 7.15.160 (un seul tour lancé et fin des qualifs !!) mais j’ai bénéficié de circonstances favorables (les IA se sont agglutinées par paquets et se sont gênées mutuellement) qui expliquent que je sois si haut placé sur la grille.
Course, 13 tours
Au départ, je m’élance super-bien et je prends la tête devant Lauda et son “aspirateur”. Je ne reste pas devant longtemps car Niki me rattrape vite et me dépose, littéralement. Villeneuve fait de même peu après et je boucle mon premier tour à la 3ème place.
Une fois les pneus chauds, je me retrouve isolé à la 3ème place : pas menacé par le suivant et pas en mesure de remonter sur le second. Je m’applique en faisant super gaffe car je sais que la moindre erreur se paye cash immédiatement. Après tout, mon objectif principal est de terminer cette course, pas de la gagner. Donc, le réservoir se vidant, je suis de plus en plus à l’aise et mon temps au tour s’en ressentent : 3’16, 3’15, 3’14, 3’12 mais je ne m’emballe pas : le souvenir cuisant du crash pendant les essais est encore très présent et je sais que le monstre dissimulé dans la forêt me guette et attend mon erreur.
Toujours 3ème, je m’arrête au 7ème tour car mes pneus sont déjà bien entamés. L’arrêt dure bien plus longtemps que je ne l’avais espéré (1’30 !) et je repars seulement 8ème.
Encore une fois, j’arrive à prendre le rythme et à remonter dans le classement. Une fois qu’on est calé sur un bon compromis entre vitesse et prudence, la NordSchleife produit tout son effet sur vous. Au début, le mythe et les superlatifs entourant cette piste me paraissaient exagérés, une certaine forme de snobisme propre à ces challenges qui sont censés faire la différence entre les vrais connaisseurs et les amateurs indignes de cette piste.
Et là, entre le 8ème et le 11ème tour, la magie a opéré. C’est à un de ces moments lumineux que permet le Simracing que j’ai eu droit. Je roulais vite et avec sûreté sur la piste la plus difficile mais aussi la plus merveilleuse qu’on puisse imaginer. Pour tenter une analogie avec le ski alpin, la NordSchleife, c’est successivement une épreuve de descente (très rapide donc) qui est interrompue par une slalom (très lent) et qui progressivement se transforme en géant (la vitesse revient) avant de redevenir une descente (allez, tout schuss !) et ainsi de suite. On plante son bâton, on soigne sa trajectoire, on porte le regard loin, tout y est, on s’y croit et les résultats suivent : 3’12 puis 3’11 et enfin 3’10.1qui restera mon meilleur temps.
Dans cette euphorie, j’ai baissé (un peu) ma garde et je me suis fait une grosse frayeur, heureusement sans conséquence : pour une raison inconnue, le monstre m’a épargné cette fois. Peut-être parce que j’avais réussi à “communier” comme il faut avec “l’enfer vert” et que j’étais devenu en quelques minutes un croyant fervent (bon, j’exagère avec les analogies mais vous voyez le sens de l’expérience…).
Après cela, je me suis contenté d’enrouler tranquillement pour simplement finir cette course. Je me suis même retrouvé second à l’entrée du dernier tour car certains des rares survivants se sont arrêtés aux stands à ce moment-là (mais pas le leader qui était loin). Cela a renforcé mon choix d’avoir stoppé à mi-course et ainsi, j’ai pu bénéficier de pneus en bonne condition tout le long.
Conclusion, un peu moins d’une heure et quarante minutes de course sur un tracé dantesque. Et encore, sur le sec !
Je n’ose même pas imaginer à quoi ça peut ressembler sous la pluie et le brouillard…