L’histoire de Ferdinand Piëch chez Audi, une extraordinaire contribution d’un lecteur !

Voici un commentaire posté par Stéphane Cnockaert de Bruxelles à propos de mon documentaire sur la Porsche 917. Je reproduis ici ce commentaire avec son autorisation et l’illustrant de photos trouvées sur le web.

Voici une courte présentation de Stéphane par lui-même :

Bien que je sois profane (je veux dire, non professionnel) en ce qui concerne l’automobile (je ne suis ni garagiste, ni carrossier, ni pilote), je dois bien reconnaître que la marque Audi, liée en quelque sorte à la personnalité de Ferdinand Piëch, a plusieurs fois retenu mon attention.

Je suis Belge (Bruxelles), né en 1961, ingénieur en électronique (1985) et ingénieur commercial (1992).

Et voici sa contribution à propos de la carrière de Ferdinand Piëch au sein du groupe WV et Audi en particulier :

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Un énorme merci pour avoir relaté cette saga de Porsche 917, qui fut un choc culturel entre le clan Piëch (Ferdinand et sa mère), et le clan Wyer (John, son équipe et son sponsor Gulf sans lequel rien n’aurait été possible).

Le troisième pivot de cette saga fut John Horsman, directeur technique de l’équipe Wyer en octobre 1969, aux essais privés de Zeltweg (12:22 épisode 3), qui remarqua l’absence de moustiques écrasés sur les flaps aérodynamiques de l’arrière, indiquant que le flux d’air passait trop haut, retirant toute efficacité à ces flaps censés plaquer les roues arrière au sol. Hourra diriez vous. Le problème est que Ferdinand Piëch, dont tout le monde savait qu’il était obsédé par les études aérodynamiques, se sentit dévalorisé par telle découverte.

À partir de cet instant, Ferdinand Piëch prit le mors aux dents. Il adopta comme but la mise au point d’une Porsche 917 « longue » capable de pointer à 400 km/h dans la ligne droite des Hunaudières sur sol sec : longue queue, encapsulation totale de la mécanique, grande finesse aérodynamique, déportance modérée. Alors que Wyer, de son côté, épaulé par son sponsor Gulf, adopta comme but la mise au point d’une Porsche 917 « courte » capable de gagner des courses : finesse moyenne, déportance marquée, maniabilité améliorée.

Et Ferdinand Piëch atteignit le but qu’il s’était assigné. Mais sa Porsche « longue queue » ne gagna jamais les 24 heures du Mans, car sa tenue de route était trop mauvaise sur sol mouillé, et du fait de l’encapsulation totale de la mécanique, elle surchauffait sur la durée d’une course.

Et John Wyer atteignit le but qu’il s’était fixé. Eh oui, ce sont « ses » Porsche à lui, les Porsche « courtes » aux couleurs de Gulf, les seules dont tout le monde se souvient, qui coiffèrent les podiums.

Pourquoi une telle rivalité, intestine de surcroît ?
La maison-mère Porsche (et donc Ferry Porsche, l’oncle de Ferdinand Piëch) mit un certain temps à exiger que le neveu tumultueux (Ferdinand Piëch) gère la question aérodynamique de façon scientifique. Problème de budget, probablement.
Il est probable que le sponsor Gulf, par l’entremise de John Wyer, fut finalement mis à contribution sur le plan financier. A confirmer …
Reste à savoir qui fut nommé chef des essais en tunnel aérodynamique. Ferdinand Piëch ? John Wyer ? Quelqu’un d’autre ?

Le résultat ne se fit pas attendre. Il s’ensuivit diverses Porsche 917 dotées de rapports déportance / traînée optimisés, dotées de différentes finesses, bien équipées en ouïes d’aération, intelligemment adaptées aux différents circuits de la compétition. La base de la compétition automobile, quoi. En 1971, une telle vérité était loin d’être évidente.

Un des premiers résultats de la campagne d’études aérodynamiques de 1971, fut que la Porsche « longue » 917 LH de Le Mans 1971 aux couleurs de Gulf, pilotée par Derek Bell et Jo Siffert, pouvait atteindre 390 km/h dans la ligne droite des Hunaudières, non pas en risquant la vie de ses pilotes (cf. les précédentes Porsche « longues » mises au point par Ferdinand Piëch), mais en leur permettant de tenir le volant d’une seule main, tellement la stabilité était devenue excellente. Mais telle Porsche 917 « longue » ne gagna jamais. Une course automobile ne se résume pas à une longue ligne droite. Et la météo n’est pas garantie, exempte de mouillé.

Des chroniqueurs arguent du fait que malgré la nouvelle approche rationnelle de l’aérodynamique, Ferdinand Piëch continuait de provoquer des conflits de personnalité, qui mettaient la maison Porsche dans une mauvaise posture, à tel point que Ferry Porsche prit la décision d’écarter Ferdinand Piëch en 1971.

Une photo de Piech alors qu’il était encore chez Porsche… Et une citation : “We understand Europe, we understand China and we understand Brazil,” VW Chairman Ferdinand Piech told Bloomberg this month. “But we only understand the United States to a certain degree so far.”

D’autres chroniqueurs arguent du fait qu’il existait une clause au sein de la maison Porsche, qui pour éviter d’incessantes querelles familiales, interdisait à des membres de la famille (donc Porsche et Piëch) d’obtenir des postes à la gestion quotidienne dans la maison Porsche. Ferry Porsche « himself » continuait à opérer, seulement en tant que Président de la maison Porsche (gestion stratégique seulement), et pas en tant que délégué à la gestion journalière.

Dans tel contexte, Ferdinand Piëch ne voyait pas comment engranger de l’expérience chez Porsche, afin de succéder un jour à son oncle Ferry Porsche. Une voie possible, serait d’engranger de l’expérience et des compétences en travaillant pour la concurrence, en y manoeuvrant hypocritement de façon à ce qu’un beau jour, la maison Porsche puisse mettre la main dessus, de façon à ramener un trophée qui consolide la maison Porsche. Ferdinand Piëch espérait-il naïvement qu’en récompense de tel forfait commis au bénéfice de Porsche, Ferry Porsche le désignerait comme successeur à la tête de Porsche ?
Quels étaient les états d’esprit ?

Courant 1971 et 1972, Ferdinand Piëch rebondit en fondant une société chargée de travailler en collaboration avec Mercedes-Benz. L’idée consistait à partir du moteur OM616 (4 cylindres Diesel), pour y rajouter un cylindre de façon à obtenir un moteur dérivé, le moteur OM617 (5 cylindres Diesel, une nouveauté pour l’époque). Avec son staff, et le staff de Mercedes-Benz, Ferdinand Piëch supervisa le dessin, le prototypage, le test et la mise au point de ce moteur OM617. Tel moteur devint une référence en matière de fiabilité, équipant toutes les Mercedes « 250 D » puis « 250 TD » (avec turbo) entre 1974 et 1991.

Courant 1972, plutôt que de faire carrière chez Mercedes-Benz, Ferdinand Piëch prit racine chez Audi, qui était la marque phare du groupe Auto-Union-NSU, groupe qui fut englobé par VW dès 1965. En 1972, la NSU Ro-80 apparue en 1967 (exceptionnellement aérodynamique), et son bizarre moteur à double piston rotatif (glouton, peu fiable, manquant de couple à bas régime au point qu’il fallait l’épauler par un convertisseur hydraulique de couple), avaient profondément marqué les esprits, dont celui de Ferdinand Piëch. Il y avait aussi le prototype NSU K50 censé succéder à la NSU Prinz, qui explique la similarité entre le prototype NSU K50, l’Audi 50, la VW Polo, puis la VW Golf (voitures traction avant à moteurs transversaux). Il y avait aussi le prototype NSU K70, qui explique la similarité entre le prototype NSU K70, la VW K70, puis la VW Passat, et toutes les Audi à partir de l’Audi 80 de 1972 (voitures traction avant à moteurs longitudinaux).

La Ro 80 est la dernière automobile vendue sous la marque allemande NSU. Elle fut produite entre 1967 et 1977. Outre une ligne aérodynamique innovante pour l’époque, elle se singularise par le moteur Comotor qui est un moteur rotatif Wankel.

Dès 1975, Ferdinand Piëch monte en grade chez Audi, en accédant à la direction technique d’Audi.

Dès 1975, Ferdinand Piëch peaufine la mise à jour de l’Audi 80 programmée pour 1978, qui depuis l’origine (1972) constitue une sorte de VW Passat fignolée (plaquages bois à l’intérieur), mais à carrosserie 3 volumes, dotée de 2 portes ou de 4 portes, au choix. Et pas de break, afin de ne pas concurrencer le break (variant) Passat. Et pas encore de direction assistée (c’est trop tôt ?), seule la Citroën DS en a une (et ce, depuis 1955). Pas le même prix de vente, non plus.

Dès 1977, le premier grand chantier pour Ferdinand Piëch est la direction du programme « Audi Quattro Sport » avec pour but, remporter le Championnat du monde en Rallyes. Tel programme comporte trois piliers novateurs: le moteur 5 cylindres, la suralimentation par turbo, et la transmission permanente aux quatre roues.

Dès 1977, le deuxième grand chantier pour Ferdinand Piëch est l’évolution de l’Audi 100, dont Ferdinand Piëch veut qu’elle innove en battant tous les records en aérodynamique et en poids, en s’inspirant de l’allure de la NSU Ro-80 plutôt que de la Citroën GS et CX. La nouvelle Audi 100 devra être une grande berline 4 portes lisse et habitable, à coffre haut perché. Ferdinand Piëch veut que cette Audi 100 établisse un nouveau standard d’efficacité, s’agissant qu’une grande berline.

En octobre 1982, Audi présente la nouvelle Audi 100 (également appelée C3 ou Typ-44) au Salon de l’automobile de Francfort où elle rencontrera un succès médiatique.

En 1983, telle « nouvelle » Audi 100 fut commercialisée. Les versions d’accès sont démunies de direction assistée (malgré qu’il y en ait déjà dans les Fiat 132), sont démunies de boites 5 rapports (malgré qu’il y en ait déjà dans la Fiat 132), et sont équipées d’un moteur 4 cylindres à essence de 1,8 litres de cylindrée, à carburateur, délivrant seulement 75 CV DIN (118 CV DIN dans la Fiat 132). Ces versions d’accès de l’Audi 100 sont certes capables de signer des basses consommations à 120 km/h stabilisés, mais manquent de punch et affichent des chiffres de consommation quelconques dès qu’on sollicite la pompe de reprise du carburateur. En l’absence de direction assistée, et compte tenu du poids du moteur qui repose en porte à faux avant, les manœuvres de parking s’avèrent pénibles. Des soucis de fiabilité électrique affublent les premières Audi 100 vendues (défaut de jeunesse, rapidement corrigé). Une partie du public n’apprécie pas l’esthétique de cette carrosserie aérodynamique. Les journalistes automobiles français, chauvins, ne se privent pas d’écrire que l’Audi 100 apparue en 1983 est invivable dès qu’il pleut, des gouttes tombant sur les coudes si les fenêtres restent entre-ouvertes, du fait de l’inclinaison des fenêtres. Mais en 1983, qui donc roule encore fenêtres ouvertes en temps de pluie, s’agissant d’une voiture moderne parfaitement étanche, dont l’habitacle est bien ventilé. Entre 1983 et 1986, c’est essentiellement l’Audi 80 qui tient Audi debout. Il y a aussi l’Audi 90, équipée du moteur 5 cylindres dérivé du moteur 4 cylindres de la VW Golf GTi. Entre 1983 et 1986, la grande Audi 100 présentée en 1983 fait figure de semi-échec.

Dès 1980, le troisième grand chantier pour Ferdinand Piëch est l’évolution de l’Audi 80, programmée pour 1986, dont Ferdinand Piëch veut qu’elle reprenne les idées directrices de l’Audi 100 programmée pour 1983. C’est dans tel contexte qu’intervient la commercialisation des « nouvelles » Audi 80 (et 90), dont la carrosserie aérodynamique procède des mêmes techniques constructives que celles de l’Audi 100 datant de 1983. Cette année là, en septembre 1986, la maison Audi se trouve sur le fil du rasoir. Si les « nouvelles » Audi 80 (et 90) sont aussi peu appréciées que l’Audi 100 de 1983, c’est la fin de la maison Audi, la faute incombant à Ferdinand Piëch, notamment son obsession en ce qui concerne le poids et l’aérodynamisme.

En France, l’Audi 80 est livrée à partir de 1986 (génération B3) en 2 versions essence, le 1.8S de 90 ch et le 1.8E de 112 ch et un turbo diesel 1.6 de 75 ch. Une version 90, équipée exclusivement de moteurs 5 cylindres (115 et 136 ch, 160ch puis 170 ch avec la 90 20V), est disponible également pour cette génération mais disparaît en 1992 (au passage à la dernière génération B4).

Et là, en 1986, c’est le plébiscite. Les « nouvelles » Audi 80 et 90 présentées en septembre 1986 sont radicalement différentes de celles qu’elles remplacent et qui se vendent encore bien. Et ces « nouvelles » Audi 80 et 90 se vendent comme des petits pains, malgré un prix de vente pas spécialement bas. Tel succès est attribué à la qualité perçue qui fait un bon en avant : acier galvanisé sur les deux faces (aucun risque de corrosion), rigidité structurelle qui élimine tout risque de couinement en provenance du mobilier intérieur, et qui par la même occasion garantit un ajustage durable des panneaux de carrosserie, au dixième de millimètre. En s’installant au volant d’une de ces Audi 80 ou 90, il y a comme une ambiance Porsche qui se dégage du fait de la qualité du siège conducteur (soutien lombaire, soutien latéral), du fait de la position de conduite (volant, pédales, levier de vitesses), et du fait de la disposition des cadrans et des commandes (ergonomie, sobriété, lisibilité). Ces Audi 80/90 qui semblent construites à partir d’un lingot d’acier (comme les Mercedes 190 apparues en 1982), coûtent moins cher que les Mercedes 190, sont aussi habitables que les Mercedes 190, et adoptent une esthétique plus moderne que les Mercedes 190. Les seules critiques qui émergent, utilisent le qualificatif de « monacal » pour décrire l’ambiance à bord, ambiance sérieuse et dépouillée qui a probablement été voulue par Ferdinand Piëch, lui qui a gardé Porsche dans son cœur, lui qui poursuit éventuellement comme but à moyen terme, d’apporter Audi à Porsche, en tant que trophée soustrait au Groupe VW, pour succéder à son oncle Ferry Porsche.

Mais quid en 1986, en ce qui concerne l’Audi 100 de 1983, mal aimée?
Eh bien, tout change brutalement deux années plus tard.

En 1988, la grande Audi 100 mal-aimée bénéficie d’une importante mise à jour, qui a pour but de les aligner sur l’esthétique des Audi 80/90, sans changer un seul panneau de carrosserie. Un changement pourtant, et pas des moindres : depuis 1988, toutes les Audi 100 sont construites en acier galvanisé sur les deux faces, comme le sont aussi les Audi 80/90. Les poignées de portes, la planche de bord, les contre-portes et les sièges sont complètement revus. La planche de bord, sensiblement plus large que celle de l’Audi 80/90, se rapproche du design Porsche lorsqu’équipée des 3 petits cadrans optionnels (température huile, pression huile, tension batterie). Les versions d’accès sont mieux équipées. Le moteur 4 cylindres délivre une puissance de 90 CV DIN. Pour un supplément de prix non négligeable, mais nettement dérisoire par rapport à la concurrence BMW série 5 et Mercedes Classe E, Audi propose des Audi 100 « business » suréquipées, dotées du moteur 5 cylindres (2,0 litres à injection délivrant 115 CV DIN ou 2,2 litres à injection délivrant 138 CV DIN), de la direction assistée, du volant en cuir, du verrouillage central, des 4 sièges en velours tous équipés d’appuie-têtes, des vitres électriques, du toit ouvrant mécanique et de la peinture métallisée. L’idée évidente est que culturellement, celui qui possède une Porsche pour s’amuser, n’a désormais pour seule et unique possibilité, que de conduire une Audi au quotidien. Question de standing. Question de classe. L’idée est là. Elle est géniale. Et elle fonctionne à rebours, car celui qui ambitionne de conduire une Porsche dans le futur, peut s’acclimater en prenant ses marques chez Audi, bien moins cher que chez BMW ou Mercedes, à niveau d’équipement équivalent. De 1988 à 1990, en même pas trois ans, ces Audi 100 « business », en réalité badgées 2.0E ou 2.2E, devinrent quasiment aussi nombreuses dans les rues que les Audi 80/90 présentées en 1986.

En janvier 1988, l’Audi 100 subit une importante cure de rajeunissement : extérieurement, elle adopte les poignées de porte intégrées inaugurées par l’Audi 80 type 89. L’intérieur est revu, le tableau de bord est arrondi, les compteurs sont inspirés des gammes Porsche, la malle est modifiée sur les berlines, ainsi que d’autres améliorations mineures. Les niveaux de finition CC, CS et CD disparaissent pour ne laisser que le sigle de la motorisation sur la malle arrière (en essence, 2.0E et 2.2E, la version de base en 4 cylindres 1l8 étant simplement nommée « Audi 100 »).

Et donc, à partir de l’année 1988, la culture Audi se retrouve chamboulée, instantanément propulsée sur des rails en or massif qui semblent assurer un succès durable à la maison Audi, en quelque sorte liée à la marque Porsche. Le problème, là, est qu’en réalité, il n’existe aucun accord portant sur cela, entre la maison Audi et la maison Porsche. Tout le problème identitaire de Audi est là, à cette époque. Objectivement parlant, c’est intenable. Telle stratégie ne peut être validée par VW, à moins que VW ne s’approprie Porsche, ou à moins que Porsche ne s’approprie Audi. Dès lors, à partir de 1988, pour assurer le long terme de la maison Audi, il faut implémenter un plan stratégique qui prend une autre direction que ce que le surmoi de Ferdinand Piëch a brillamment tricoté.

Revenons un instant sur le moteur 5 cylindres (en ligne) Audi. Ferdinand Piëch n’a pas perdu son temps. Dès 1975, dès sa nomination en tant que directeur technique chez Audi, se basant sur le moteur 1,8 litres 4 cylindres de la VW Golf GTI, y ajoutant un cylindre (cf. Mercedes OM617), Ferdinand Piëch a mis en chantier le moteur 2,2 litres et 5 cylindres, particulièrement fignolé au niveau de l’accord de l’admission et de l’échappement. Il en a résulté un moteur d’une puissance de 138 CV DIN, à aspiration naturelle, « plein » à tous les régimes, qui à partir de 1988, équipe les Audi 90 et les Audi 100, qui émet une jolie note musicale qu’on se plait à écouter sur les petites routes départementales, fenêtre entre-ouverte. Un pur bonheur. Et la version Turbo (165 CV) est encore mieux, dit-on, malgré quelques soucis de démarrage à chaud.

Hélas, l’obligation intervenue en 1990, de monter un catalyseur sur tous les moteurs à essence, obligea Audi à augmenter la cylindrée pour maintenir la puissance tant que possible, qui s’agissant du moteur 5 cylindres de 2,2 litres homologué sur banc statique à 138 CV DIN en 1988-1989 (probablement 145 CV par temps frais, qui explique le zéro à 100 km/h en 9,8 secondes réelles), passa en 1990 à 2,3 litres et tomba à 133 CV (et 133 CV DIN aussi par temps frais), sans pour autant retrouver une courbe de couple aussi « pleine » et un chrono zéro à 100 km/h aussi bon.

L’adoption du catalyseur en 1990, associé à une sonde à oxygène, sans sacrifier le coût, la puissance, la courbe de couple, ou la consommation, constitue une impossibilité technique. Le premier à déplorer telle réalité fut Jürgen Stockmar, en charge du développement technique chez Audi. Fin 1990, constatant le recul des performances du moteur 5 cylindres de la nouvelle Audi 100 (qui sera renommée A6 en 1994), et constatant l’apathie (et l’appétit en essence) du tout nouveau moteur V6 monté dans la nouvelle Audi 100 (qui sera renommée A6 en 1994), Ferdinand Piëch crut utile de démettre de ses fonctions Jürgen Stockmar, en lui proposant une soi-disant promotion en Autriche, chez Magna-Steyr. Telle éviction surprend, car selon toute logique, les concurrents d’Audi devaient éprouver les mêmes difficultés. Ainsi, tel recul des performances n’avait pas pour effet d’handicaper Audi par rapport à la concurrence. Avec le temps, on se dit qu’une possibilité est que certains concurrents d’Audi tels BMW trafiquaient les mesures de CO2 lors de l’homologation, et ce, déjà en 1990, chose que Jürgen Stockmar se refusait à pratiquer.

Quelques années plus tard, disons vers 1992, la solution consista à recourir à une injection séquentielle électronique plutôt que mécanique, et à recourir à des culasses élaborées dotées de 4 soupapes par cylindres, permettant de maintenir la puissance des moteurs sans devoir en augmenter la cylindrée ou le régime. Telle approche causa une explosion du coût de fabrication des moteurs à essence, en partie absorbé par l’économie permise par le passage à l’injection électronique Bosch Motronic, en lieu et place du système Bosch K-Jetronic qui contrairement à ce que son nom indiquait n’avait rien d’électronique, dont le doseur-distributeur coûtait cher en fabrication. Malheureusement, pour bénéficier d’un bon couple à bas régime avec deux soupapes d’admission par cylindre (et deux soupapes d’échappement), il faut adopter une admission à géométrie variable (résonateurs configurables) et un diagramme variable de levée des soupapes. Et donc, de ce fait là, on peut dire que des moteurs aussi réussis, aussi « pleins » que le moteur 5 cylindres 2,2 litres de 138 CV DIN qui fut produit par Audi en 1988-1989, devenaient hors de prix lorsque produits à partir de 1990. De là, on peut imaginer que ce que Ferdinand Piëch reprocha à Jürgen Stockmar, était que Jürgen Stockmar n’avait pas réussi à intégrer à prix constant dès l’année 1990 : 1) le catalyseur, 2) la sonde à oxygène, 3) le système électronique d’allumage et d’injection Bosch Motronic, 4) la culasse à 4 soupapes par cylindres, 5) l’admission à géométrie variable (résonateurs configurables), et 5) le diagramme variable de levée des soupapes. Ou une variante innovante, telle la généralisation du Turbo avec Intercooler, qui permettait de se passer des accessoires suivants 1) la culasse à 4 soupapes par cylindres, 2) l’admission à géométrie variable (résonateurs configurables), et 3) le diagramme variable de levée des soupapes. Peut-être le fin du fin, est-il que Ferdinand Piëch reprocha à Jürgen Stockmar de ne pas avoir sacrifié le moteur 5 cylindres sur l’autel de l’écologie, dès 1990, en produisant un moteur 1,8 litres turbo 4 cylindres à 8 soupapes délivrant 138 CV DIN, doté d’un catalyseur et d’une sonde à oxygène, qui passe les tests d’émission de 1990, et qui ne refuse pas de démarrer à chaud, en réalité un moteur dérivé du moteur 2,2 litres turbo 5 cylindres délivrant 165 CV DIN qui équipait l’Audi 100 2.2 turbo dès 1990, connu pour refuser de démarrer à chaud malgré son étrange buse d’air chargée de refroidir les injecteurs. Ceci, avec en plus comme objectif, que tel moteur turbo réduit à 4 cylindres, ne coûte pas plus à la fabrication que le moteur atmosphérique 2,2 litres 5 cylindres à 10 soupapes, non catalysé qui délivrait 138 CV DIN en 1988-1989.

Une autre question qu’il faut se poser est de savoir quelle était la santé financière de VW, la maison-mère d’Audi, dans les années 1993-1994, précisément à l’époque où Audi se défit d’un certain passé (la voiture discrète, pas excessivement chère, dotée d’un rapport prix / qualité imbattable), pour endosser un certain futur (la voiture maniérée, légèrement ostentatoire, excessivement chère).

La situation d’Audi ne devient stable qu’à partir de 1994, lors de l’apparition des nouvelles Audi A4 et A8, tous les modèles Audi étant alors nommés A4, A6 et A8, vendus sensiblement plus cher que les modèles précédents. Dès 1994, en partie à cause de l’obligation de dépolluer les moteurs à essence, Audi cessa d’être cette marque surprenante pour l’acheteur, une marque qui proposait des voitures de qualité dotées d’un rapport qualité / prix inespéré. Dès 1994, les Audi A4, A6 et A8 matérialisent le plan stratégique voulu par Ferdinand Piëch, consistant à positionner Audi en tant que concurrence pour les BMW série 3, 5 et 7, et pour les Mercedes classe C, E et S. D’où sort le moteur V8 de 3,6 litres de cylindrée ? D’où sort le moteur V6 de 2,7 litres de cylindrée ?

Lors de la conception du moteur 5 cylindres, une sorte de deuxième bureau a été constitué, en charge de dériver du moteur de la Golf GTi, un moteur V8 (marier deux blocs à 90 degrés), de même le moteur V6 (raccourcir le moteur V8 de deux cylindres). Telle fut la cuisine de sorcières de Ferdinand Piëch, qui visa à uniformiser l’outillage et la production de tous les moteurs non seulement pour Audi, mais aussi pour l’ensemble du groupe VW. Et cela ne s’arrête pas là. Au début des années 1990, à grands frais, Ferdinand Piëch remit à l’ordre du jour les moteurs en V « réduit », dont l’angle entre les deux rangées de cylindres n’excède pas 20 degrés, dotés dès lors d’une seule culasse, moins coûteux, moins lourds et moins encombrants que les moteurs V6 ouverts à 90 degrés ou à 60 degrés. Noter que ces moteurs VR5 et VR6 sont plus difficiles à dépolluer, du fait de leurs conduits de longueur inégale, tant à l’admission qu’à l’échappement. Et en mariant deux moteurs VR4, VR5, VR6 ou VR8 selon un « V » ouvert à 90 degrés, Ferdinand Piëch remit aussi à l’ordre du jour les moteurs en « W » tels le W8, W10, W12 et W16. C’est ainsi qu’on vit dans le milieu des années 1990, des VW Golf (moteur transversal) et des VW Passat (moteur longitudinal) équipées des moteurs VR5, VR6, et même le moteur W8 apparu plus tard, s’agissant de la VW Passat entre 2001 et 2003.

Revenons donc en 1993, et intéressons-vous à la maison-mère VW.
Si l’on se place en 1993, on se rend compte que commercialement parlant, la marque VW n’innove plus depuis la VW Passat (1973) et depuis la VW Golf (1974). Les bénéfices chutent de façon régulière, la VW Passat présentée en 1988 se vend mal, et ce qui n’arrange rien, est que sous l’impulsion de Ferdinand Piëch, d’énormes sommes ont été investies qui visaient à diminuer le coût de production des moteurs, mais qui en réalité ont été dépensées pour doter la maison Audi d’une armada de moteurs puissants dont la marque VW n’a pas besoin. La trésorerie de la maison-mère VW est au plus bas, épuisée une première fois par l’absorption de Seat, épuisée une deuxième fois par la prise de contrôle à 30% de Skoda. Rétrospectivement, on avance que courant 1993, le groupe VW se trouvait sans trésorerie, sans plan stratégique, à trois mois de la banqueroute. Dès lors, eu égard au succès de la marque Audi, seul vecteur d’innovation au sein du groupe VW, Ferdinand Piëch est appelé en 1993 à la fonction de Président du Directoire du groupe VW, succédant ainsi à Carl Hahn.

S’ensuit un redressement des ventes quasi miraculeux du groupe VW, grâce à des retouches cosmétiques opérées sur la VW Passat dès 1993 (sa calandre, notamment). On observe le même redressement dès la commercialisation de la VW Golf IV, en 1997. La trésorerie de VW redevient opulente. Fort de sa stratégie, Ferdinand Piëch a réussi à remettre le groupe VW dans le chemin du progrès raisonnable, profitable. Tout le monde se congratule. Sauf Ferdinand Piëch, qui escomptait peut-être qu’il allait pouvoir apporter le groupe VW à Porsche, en guise de trophée !

En 1998, Ferry Porsche décède. Son testament n’intronise pas Ferdinand Piëch chez Porsche.

En 1998, Ferdinand Piëch expose une stratégie présentée comme défensive, poussant le directoire de VW à décider d’absorber des marques de prestige telles Bentley, Lamborghini, Bugatti, au moment exact où BMW procède à l’acquisition de Rolls-Royce Motors. C’est cher, cela entame la trésorerie, mais cela empêche Mercedes ou BMW d’acquérir un monopole en ce qui concerne l’automobile de prestige. BMW se contentera de Rolls-Royce (qui vaut moins, amputé de Bentley), et Mercedes sera forcé de ressusciter la marque Maybach, à laquelle personne ne croit (sauf Mercedes).

En 2009, intervient une guerre entre VW et Porsche, initiée par Wendelin Wiedeking, le président de Porsche. Wendelin Wiedeking siège au directoire de VW du fait que Porsche détient depuis toujours une importante participation dans VW. Wendelin Wiedeking se sent fort. On lui attribue le redressement spectaculaire de Porsche opéré entre 1993 et 1995. Dans ces années-là, c’est Wendelin Wiedeking qui prit la décision d’arrêter la Porsche 928 et 968, de continuer la Porsche 911 en la modernisant, et en parallèle, de lancer l’étude de la Porsche Boxster apparue en 1996, qui prouva la capacité d’innover de Porsche. C’est lui aussi qui eut l’idée de partager avec VW une plate-forme commune, celle qui donna naissance en 2002 à la VW Touareg et à la Porsche Cayenne, qui permit à Porsche de profiter du marché des SUV, et qui par cela, donna une impulsion positive au marché des SUV, qui rejaillit positivement sur le groupe VW. Grâce à cela, et à quelques manipulations du cours du titre Porsche, Wendelin Wiedeking parvint à décupler la capitalisation boursière de Porsche, qui atteignit 25 milliards d’euros en 2007, ce qui rendit à peu près plausible son OPA hostile en 2009 sur le groupe VW, qui consista à offrir 10 milliards d’euros pour rassembler 51% des parts du groupe VW, de façon à y obtenir une majorité de contrôle. Le groupe VW profita de l’état de faiblesse de Porsche causé par cette promesse de paiement à hauteur de 10 milliards d’euros, pour à son tour déclencher une contre-OPA sur Porsche. Telle contre-OPA sur Porsche eut pour résultat qu’au bout de quelques heures, le groupe VW se trouva propriétaire à hauteur de 49,9% de Porsche, disposant ainsi d’une minorité de blocage au sein de Porsche. Cela força Porsche de cesser de se comporter en prédateur à l’égard du groupe VW. La guerre cessa définitivement le 1er août 2012, date à laquelle le groupe VW parvient à détenir 100% de Porsche, qui devint alors une filiale du groupe VW. Au terme de cet épisode, Ferdinand Piëch demeura président du directoire du groupe VW, et via tel poste, il contrôle la destinée de Porsche. La contre-OPA sur Porsche réussit si vite et si bien, qu’on a du mal à croire qu’elle n’ait pas été préparée de longue date par Ferdinand Piëch, épaulé par quelques personnes ou sociétés ayant encouragé Wendelin Wiedeking, puis qui ont trahi Wendelin Wiedeking au dernier moment en vendant au groupe VW, leur participation dans Porsche.

En avril 2015, Ferdinand Piëch en tant que Président de Volkswagen AG, société familiale qui contrôle le Groupe Volkswagen, nia toute implication en ce qui concerne les moteurs VW diesel truqués aux USA, prétendant que telle question était du ressort de Martin Winterkorn, en charge de la marque VW, qui soit n’était pas au courant de la tricherie, ce qui signifie un grave déficit en matière de contrôle interne, ou qui soit était au courant de la tricherie, ce qui signifie une complicité de sa part. La réaction de l’assemblée ne se fit pas attendre. L’assemblée prit parti en faveur de Martin Winterkorn. Ferdinand Piëch posa alors ses conditions : « un de nous deux doit partir, c’est lui ou moi ». L’assemblée vota en faveur du départ de Ferdinand Piëch, qui s’exécuta, dépité.

En septembre 2015, Martin Winterkorn, très exposé, démissionna à son tour, de façon à s’occuper à plein temps de l’équipe de football du Bayern de Munich.

En mars 2017, Ferdinand Piëch vendit les 15% de droits de vote qu’il détenait dans Volkswagen AG, la société familiale qui contrôle le Groupe Volkswagen.

Un résumé de la carrière de Ferdinand, par ses voitures !

On attend avec impatience, la parution de l’un ou l’autre livre qui décrit mieux que moi et avec plus de détails, la carrière extraordinaire de Ferdinand Piëch, et l’émulation positive qu’il arriva à insuffler à l’industrie automobile allemande, toutes ces années durant. Hâtez-vous, car les protagonistes encore en vie, atteignent des âges canoniques.

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