Après ce que nous venons de lire et avant d’accuser les médias d’être principalement un instrument de manipulation, voyons ce que nous dit Wikipedia sur la notion de propagande moderne et nous allons nous apercevoir que tout cela nous est étrangement familier…
Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Propagande (extraits).
Edward S. Herman et Noam Chomsky ont proposé un « modèle de propagande », qu’ils ont testé empiriquement aux États-Unis. Leur méthode consiste, sur un grand nombre d’articles de presse d’origines diverses, mais portant sur des sujets comparables, à quantifier l’influence de quatre facteurs pouvant modifier l’information : le groupe de presse, les annonceurs publicitaires, les fournisseurs d’information (agences gouvernementales) et l’idéologie dominante. Les principaux aspects de la propagande dans une démocratie sont d’après leur recensement les suivants :
• Influence médiatique : radio, télévision, presse, publicité, internet, téléphone.
• Confusion volontaire : justification de la vente d’un produit par des principes éthiques, ou inversement, promotion d’une opération humanitaire en usant des techniques de communication des entreprises privées.
• Valorisation sémantique : « solidarité » par exemple.
• Manipulation de l’opinion publique à l’aide de statistiques ou de sondages biaisés.
• Falsification de l’image : retouches vidéo, fausses images.
• Autocensure des rédactions.
• Informations partiales.
• Campagnes de diabolisations.
Lord Ponsonby, un aristocrate anglais, socialiste et pacifiste, résuma ainsi les méthodes utilisées pendant le conflit (y compris par son propre pays) :
Il faut faire croire
1. que notre camp ne veut pas la guerre,
2. que l’adversaire en est responsable,
3. qu’il est moralement condamnable,
4. que la guerre a de nobles buts,
5. que l’ennemi commet des atrocités délibérées (pas nous),
6. qu’il subit bien plus de pertes que nous,
7. que Dieu est avec nous,
8. que le monde de l’art et de la culture approuve notre combat,
9. que l’ennemi utilise des armes illicites (pas nous),
10. que ceux qui doutent des neuf premiers points sont soit des traîtres, soit des victimes des mensonges adverses (car l’ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande).
Le trop-plein
Nous vivons à une époque où les informations (via les médias) sont omniprésentes, mais ce trop-plein est comme l’arbre qui cache la forêt : on a beaucoup de reportages sur des sujets futiles et le reste n’est quasiment rien que de la propagande. Tout ce qui est en dehors de la ligne officielle est nié, rejeté, moqué. La moquerie surtout est très utilisée pour disqualifier tout ce qui ne cadre pas avec ce qui est acceptable. Ce qui est « acceptable » est devenu clé (c’est une reformulation du « politiquement correct »). Du coup, on ne s’inquiète plus de ce qui est véridique, on se demande seulement si c’est « acceptable ».
Ce mécanisme est à l’œuvre à tous les niveaux, y compris pour les affaires criminelles : quand un crime affreux est commis, il faut vite trouver un coupable (sous la pression de « l’émotion légitime » de l’opinion publique… En réalité, le battage médiatique). Le premier suspect qui parait « acceptable » (parce qu’il était dans le coin, parce qu’il a des antécédents, etc.) fait un beau coupable tout désigné et peu importe que le pauvre diable soit innocent en fin de compte, on a pas le temps de vraiment enquêter (et puis, une fois que l’opinion publique a produit son verdict, pourquoi chercher plus loin ? N’est-ce point la « voix du peuple » qui vient de s’exprimer ?).
Si une info est énorme, elle sera suspecte même si elle est vraie, car elle ne paraîtra pas « acceptable » (c’est trop gros pour être vrai, bla, bla, bla). Mais ce n’est pas ce filtre de l’acceptable qui est actuellement le pire. Le plus grave, c’est le désintérêt généralisé pour tout ce qui est vraiment important. Quand un journaliste d’investigation (en reste-t-il ?) se demande s’il va traiter tel ou tel sujet, sa question prioritaire n’est plus « va-t-on me croire ? », mais plutôt « qui ça intéresse ce truc désormais ? ». On le voit à travers le traitement disproportionné fait à l’affaire DSK alors que, dans le même temps, il y avait tout de même des sujets autrement plus graves à couvrir (pour rappel en 2011 : la guerre en Libye où nous étions impliqués et les suites de l’accident de la centrale de Fukushima).
Image satellite de l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima Daiichi.
C’est logique qu’on en soit arrivé là : la propagande de la technostructure insiste tellement dans le sens de la déresponsabilisation que ça finit par produire des effets, de gros effets.
Aujourd’hui, les propagandistes triomphent : ils ont réussi à « noyer le poisson » et à démobiliser la grande masse des gens sur les sujets qui devraient mener à la révolte si la vérité en était dévoilée. Pour preuve, reprenons là où nous en étions restés dans la section précédente de cet ouvrage : la question des armes de destruction massive. L’argument a, dans un premier temps, été utilisé non pour justifier la guerre contre l’Irak, mais pour mesurer si la raison était suffisante pour faire accepter l’intervention à l’opinion publique… Résultat positif, vous pouvez y aller boys, la ménagère et le supporter de football s’estiment bien menacés par les terrifiantes armes de Saddam. Bon, mais ensuite ?
L’argument peut encore servir mon bon ami, on n’a pas épuisé le filon !
Maintenant, il s’agit de déterminer si l’opinion publique (encore elle, mais j’aurais pu écrire « l’inconscient collectif », c’est pareil…) est d’accord pour accepter le fait, qu’en vérité, il n’y a jamais eu « d’armes de destruction massive ». Eh oui, la valse-hésitation actuelle sur le sujet n’est pas une polémique, pas une affaire sensationnelle révélée, c’est un test !
Un test à grande échelle avec des enjeux importants : que faut-il faire pour conditionner toute une population à accepter une guerre ?
La réponse à cette question est vraiment cruciale, croyez-moi…
Des tests permanents
Toutes les manipulations médiatiques ne tendent pas vers cet unique but (savoir convaincre les gens d’accepter une guerre lointaine), car les tests en cours sont très nombreux et portent sur des sujets variés. Pourtant la surveillance est bien là, omniprésente, de plus en plus précise et efficace. Les sondeurs, les analystes, les statisticiens et les « spin doctors » (ceux qui imaginent comment influencer l’opinion) ne sont que l’autre facette de cette énorme machine médiatique.
Il n’y a pas de quoi s‘étonner, les médias ont toujours été un instrument d’influence. On s’est aperçu de leur efficacité à l’époque de l’affaire Dreyfus : les journaux s’en sont emparés et à partir de là, le génie était sorti de la lampe, impossible de l’y remettre… Les gouvernants ont retenu la leçon et, pendant le premier conflit mondial, on a assisté à une utilisation inédite de la propagande (avec l’apparition du fameux « Dieu est avec nous » des deux côtés) à grande échelle. Pendant l’affaire Dreyfus, les médias représentaient l’adversaire du pouvoir, mais très vite, les décideurs ont compris qu’il fallait tourner cette opposition potentielle en instrument à leur usage… D’où la situation actuelle, une propagande d’État orchestrée et relayée par les médias eux-mêmes.
À la une de L’Aurore, le fameux éditorial « J’accuse…! » d’Émile Zola.
Les choses ont progressé depuis la guerre de 1914 et aujourd’hui, les moyens techniques permettent simplement de mieux mesurer de mesurer leurs effets et d’ajuster quasiment en temps réel, le dosage des nouvelles et des sujets à diffuser en fonction des résultats désirés.
L’illusion de la diversité
Certains irréductibles vous objecteront qu’il est impossible de manipuler l’opinion à travers les médias, ces derniers étant trop nombreux et trop diversifiés…
Objection votre honneur !
Il y a deux raisons qui s’opposent à cet argument de la diversité : les vraies sources et le volume. Voyons tout d’abord le problème des « vraies sources ».
Les médias que nous connaissons ne sont pas des producteurs de l’information, mais seulement des diffuseurs, nuance… Les vraies sources, ce sont les agences de presse : Reuters, AFP, AP, et les quelques autres grandes agences, peu nombreuses en fait.
Toutes les chaînes de télévisions et de radios, tous les quotidiens, tous les magazines sont abonnés et s’alimentent à ces sources obligées… Pas étonnant que l’information se ressemble autant en passant d’un titre à un autre ou d’un canal à un autre. Les diffuseurs ne font qu’aménager le décor de la pièce jouée, ce ne sont pas les rédacteurs du scénario.
La diversité n’est donc qu’apparente, car les vraies sources sont très réduites en nombre. Et la pluralité n’a pas bonne presse : les médias sont des grands pourvoyeurs de la pensée unique qui leur convient bien. Lorsque la diversité tente de s’exprimer, elle est bien vite disqualifiée par les termes « confusion », « sujet pas mûr », « sources marginales » ou « trop sectaire » de façon à réduire la crédibilité de la divergence…
De plus, le fait que les différents diffuseurs convergent tous dans le même sens (normal en s’appuyant sur les mêmes sources) renforce la crédibilité de l’information diffusée auprès du public (« pas de fumée sans feu » et autres dictons censés démontrer la « sagesse populaire ») : s’ils disent tous les mêmes choses, c’est cohérent et donc puissant.
L’effet de volume
L’autre manipulation ne réside pas seulement dans la nature des flux d’informations qui sont diffusées, mais bien dans le volume tellement considérable de nos jours que tout est noyé, tout se confond. L’indifférence des braves gens face aux scandales révélés en est un premier effet. Inutile de cacher une information gênante, il suffit de la diluer dans un flot d’autant d’autres insignifiantes et le tour est joué.
Si vous avez déjà travaillé dans le marketing, vous savez combien les tests sont importants et font partie intégrante de ce domaine. En politique, c’est pareil. On connaissait les sondages, mais ils ne sont que la face visible de la « machine à tester » qui est mise en place depuis quelques décennies.
Donc oui, nous sommes éprouvés en permanence et ce sont les résultats de ces tests qui déterminent le prochain mouvement, le prochain échelon, la prochaine escalade des mauvais coups de la technostructure. Pratiquement plus rien dans nos sociétés modernes ne se fait réellement par la force (au moins dans les pays riches), presque rien n’est imposé brutalement, tout est mis en place avec l’acceptation tacite des victimes consentantes.
Maintenant, écoutez, regardez, lisez les nouvelles en ayant en tête qu’on vous teste et cela vous apparaîtra clairement…
La révélation de la vérité ne déclenche rien
On l’a vu largement dans la première partie, la vérité remonte toujours à la surface et il suffit de donner du temps au temps pour savoir le fin mot de l’histoire. Ceci dit, la vérité elle-même ne suffit pas à soulever les foules et la meilleure preuve, on l’a eue avec les « Pentagon’s Papers ».
Daniel Ellsberg pensait qu’il suffisait que ces documents secrets soient rendus publics, que tous les mensonges et manipulations des administrations Johnson puis Nixon sur la gestion de la guerre au Vietnam soient révélés pour que ça provoque un mouvement insurrectionnel immédiat du peuple révolté… Eh bien, il n’en a rien été. La publication de ce dossier brûlant a pu avoir lieu grâce au New York Times puis aux autres grands quotidiens américains, mais ça n’a pas soulevé les foules… À la grande déception de Daniel !
Cela a tout de même provoqué la défiance de l’opinion publique vis-à-vis de Nixon. Et la presse, qui n’a guère apprécié de se faire censurer, a pris sa revanche en relayant le scandale du Watergate qui a fini par démettre Nixon. Mais de grande révolte comme espérée par Daniel Ellsberg, point.
Il semble que la colère populaire ait été épuisée par les nombreuses manifestations contre la guerre du Vietnam qui avaient eu lieu peu avant…
Les « Pentagon’s Papers »
Source http://fr.wikipedia.org/wiki/Papiers_du_Pentagone
Les Pentagon’s Papers (« papiers du Pentagone ») est une expression populaire désignant le document United States-Vietnam Relations, 1945-1967 : A Study Prepared by the Department of Defense (« Relations entre les États-Unis et le Viêt Nam, 1945-1967 : Une étude préparée par le Département de la Défense »). Il s’agit de 47 volumes totalisant 7 000 pages secret-défense émanant du Département de la Défense à propos de l’implication politique et militaire des États-Unis dans la guerre du Viêt Nam de 1945 à 1971.
Le document, rédigé par trente-six officiers militaires et experts politiques civils, éclaircit en particulier la planification et les prises de décisions propres au gouvernement fédéral des États-Unis. Il fut rédigé à la demande de Robert McNamara, alors au poste de secrétaire à la Défense, en 1967.
La majorité de ces 7 000 pages de textes et d’analyses couvrant la période 1945-1967 fut clandestinement communiquée à la rédaction du New York Times au début de l’année 1971 par Daniel Ellsberg, un ancien analyste de la RAND Corporation, avec l’aide de son ami Anthony Russo, du linguiste Noam Chomsky et de l’historien Howard Zinn.
Le New York Times consulta le cabinet d’avocats Lord Day & Lord qui en déconseilla la publication. Mais James Goodale, conseiller juridique et vice-président du journal, invoqua le droit (garanti par le Premier amendement) du public à connaître une information cruciale pour sa compréhension de la politique du gouvernement, et son avis l’emporta.
Les papiers révèlent, entre autres, que le gouvernement américain a délibérément étendu et intensifié la guerre du Viêt Nam en menant des bombardements secrets sur le Laos, des raids le long du littoral vietnamien, et en engageant les marines dans des actions offensives, avant leur engagement officiel, et alors que le président Lyndon Johnson avait promis de ne pas s’impliquer davantage dans le conflit.
Les nouveaux chiens de garde
Depuis les révélations sur la gestion de la guerre du Vietnam par les Pentagon’s Papers, les choses ont bien changé : désormais, les médias ne servent plus de contre-pouvoir, mais plutôt de gardiens du pouvoir.
Le traitement du 11 septembre illustre bien l’étendue du rôle actuel des médias. Plus besoin de censure, plus besoin d’inquisition, les médias sont là pour l’appliquer et le font très bien. Ce sont les nouveaux chiens de garde de la société.
Vous émettez un doute sur la version officielle du 11 septembre ?
Vous êtes aussitôt taxé de révisionnisme comme ceux qui remettaient en cause l’existence des chambres à gaz.
À défaut de révisionnisme, vous serez tout de même étiqueté « amateur de la théorie du complot » qui est, à l’heure actuelle, le label le plus infamant. Comme si les complots n’étaient qu’un délire d’illuminés dans notre monde de bisounours…
Si votre foi (on pourrait dire « votre soumission ») dans les approximations aberrantes de la version officielle n’est pas totale et que vous osez l’exprimer, alors vous serez moqué, ridiculisé, humilié, lynché et ostracisé le temps que vous trouviez la voie du repentir (et encore !).
Le retour des procès staliniens
On se croirait revenu à l’époque des procès staliniens où l’autocritique représentait « le clou du spectacle ». Cette hystérie autour du 11 septembre n’est pas nouvelle, on trouve des précédents cachés honteusement dans la conscience des « gens qui font l’opinion ». Sans remonter à l’affaire Dreyfus, intéressons-nous au procès de Kravtchvenko qui, le premier, dénonça les goulags staliniens dans le livre « J’ai choisi la liberté » à la fin des années quarante. L’intelligentsia pro-communiste menée par Sartre ne pouvait accepter cela !
C’était à une époque où le communisme était encore une icône intouchable.
Le procès Kravtchvenko
Source http://fr.wikipedia.org/wiki/Victor_Kravtchenko
La publication de son livre en France sous le titre J’ai choisi la liberté : La vie publique et privée d’un haut fonctionnaire soviétique (éditions Self, 1947) donne lieu à une polémique retentissante et à de nombreuses attaques des milieux communistes contre Kravtchenko, dont le texte a été réécrit par Eugene Lyons, ancien communiste, journaliste du New York Post. Dans un article signé Sim Thomas, rédigé par le journaliste André Ullmann, l’hebdomadaire Les Lettres françaises, journal proche du Parti communiste français, l’accuse de désinformation et d’être un agent des États-Unis.
Kravtchenko porte plainte contre Les Lettres françaises pour diffamation, et nommément contre Claude Morgan, directeur et André Wurmser, rédacteur. « La grande « machine » anticommuniste mise sur pied en France par le département d’Etat et la CIA fut, en 1949, l’affaire Kravchenko », indique l’historien Irwin M. Wall, qui souligne par ailleurs : « Kravchenko n’agissait pas seul. Les plus hauts responsables du département d’État et de la CIA s’occupèrent du procès […] Dean Acheson suivait l’affaire personnellement : ainsi c’est lui qui, par télégramme, demanda à l’ambassadeur américain à Paris de prévenir Maître Izard que les témoins venus d’Allemagne étaient à sa disposition ». Cela ne remet évidemment pas en cause la réalité, décriée alors par l’organisation communiste, des camps d’internement soviétiques.
Le procès, qualifié de « procès du Siècle », débute le 24 janvier 1949 devant le tribunal correctionnel de la Seine et dure deux mois. Une centaine de témoins y participent. L’Union soviétique envoie, afin qu’ils le désavouent, des anciens collègues de Kravtchenko et son ex-épouse. Les défenseurs de Kravtchenko amènent à la barre des survivants de camps de prisonniers soviétiques. Parmi eux Margarete Buber-Neumann, la veuve du leader communiste allemand Heinz Neumann, elle-même déportée dans un camp du Goulag. Après la signature du Pacte germano-soviétique, elle est livrée par Staline à l’Allemagne nazie et envoyée dans le camp de concentration de Ravensbrück. Son témoignage aide les anticommunistes à plaider l’étroite similarité entre le régime soviétique et le régime nazi.
En avril 1949, le procès est remporté par Kravtchenko. Le tribunal lui accorde un dédommagement de 150000 francs, somme symbolique en comparaison des 11 millions demandés en réparation de la diffamation, et condamne Claude Morgan et André Wurmser à cinq mille francs d’amende chacun.
Pourtant, l’histoire se termine mal pour Kravtchvenko : il se suicide quelques années après, peu avant les révélations de Soljenitsyne qui finissent de révéler la vérité sur ces fameux goulags… Trop tard pour Kravtchvenko, mais il est significatif de voir combien le microcosme peut hurler à l’unisson contre celui qui va à l’encontre de la pensée unique du moment (et même si cette pensée unique se révèle être une vaste escroquerie quelques décennies après, personne ne s’excuse !).
Amusant retour de l’Histoire, on a eu quasiment le même épisode dans les années soixante-dix. Permettez-moi de revenir sur cette délicieuse affaire… L’intelligentsia parisienne a fait des ravages pendant des décennies. Donnant le ton de la ligne de pensée du moment, un petit groupe, de Sartre à Lacan (un escroc) en passant par Deleuze et d’autres, décidait de tout pour tous.
Dans les années cinquante et soixante, cet aréopage était plutôt procommuniste. On va volontiers à Moscou visiter l’utopie soviétique, on revient déçu, bien sûr, mais on ne dit rien parce qu’ »il ne faut pas désespérer Billancourt » (Sartre, encore lui !). Et si jamais la vérité commence à percer sur la réalité de l’URSS, on fait un procès (comme on vient de le voir avec l’affaire Kravtchvenko), ah mais !
Dans les années soixante-dix, le communisme soviétique est moins à la mode. Pour être dans le coup, il faut être maoïste, rien de moins !
Peu importe que la réalité de la Chine de Mao soit encore pire que celle de l’URSS (grand bond en avant, révolution culturelle, des calamités cachées qui ont eu un impact inouï sur le peuple chinois…), on est « Mao » pour être cool et éclairé.
Donc, les intellectuels maoïstes sont tout aussi réactionnaires que leurs prédécesseurs des années « pas touche à Staline » et font des procès (si ce n’est en justice, au moins sur le plan intellectuel et en s’appuyant sur des médias complices) à ceux qui veulent dire ou écrire la vérité sur la situation en Chine : ben oui quoi, en matière de mauvaise foi, on ne change pas une recette qui marche !
C’est hélas ce qui est arrivé à Simon Leys qui a publié, en 1971, Les Habits neufs du président Mao. Chronique de la Révolution culturelle. Source, Wikipedia :
La chronique traite des événements qui se sont déroulés en République populaire de Chine de février 1967 à octobre 1969, au plus fort de la Révolution culturelle, alors que l’auteur se trouvait lui-même à Hong Kong.
Pendant la vogue du maoïsme en France, ce texte a mis en avant, comme explication de la Révolution culturelle, les luttes de pouvoir entre factions dirigeantes, et plus particulièrement la volonté de Mao de détruire le Parti communiste chinois afin de reprendre le pouvoir qui lui avait échappé depuis plusieurs années.
Le journaliste Francis Deron du Monde indique à propos des sources qu’il s’agit : « Des démarquages de poncifs sur des feuilles de papier calque fournies par des services de propagande de Pékin eux-mêmes déboussolés.[…] En fait, Leys ne faisait que lire sans lunettes déformantes la presse du régime et ses émanations, toutes bien assez éloquentes pour permettre de dresser de premiers constats. ». Simon Leys revendique, dès 1972, l’exhaustivité des sources utilisées. Dans la presse communiste chinoise, ce sont : Renmin ribao (Le Quotidien du Peuple), Hong qi (Drapeau rouge), Jiefang jun bao (journal de l’Armée populaire de libération), Wenhui bao. Simon Leys utilise aussi les publications des Gardes rouges. Pour la presse de Hong Kong, il lit Da gong bao, journal officiel du régime communiste, Ming bao (Gauche indépendante), Xingdao ribao (droite)… Simon Leys cite aussi les sources des annexes, avec de nombreux documents relatifs à l’affaire Peng Dehuai. Pour les biographies, Simon Leys utilise le Biographical Dictionary of Republican China de Boorman, le Who’s Who in communist China, Huang Zhenxia , Zhonggong junren zhi, China News Analysis. Pour le sinologue Jean Daubier : « C’est une anthologie de ragots circulant à Hong-Kong depuis des années et qui ont une source américaine très précise. Il est significatif que l’auteur n’ose guère citer ses sources […] Cela frise le charlatanisme ». Le journaliste Alain Bouc considère : « Une nouvelle interprétation de la Chine par un « China watcher » français de Hongkong travaillant à la mode américaine. Beaucoup de faits, rapportés avec exactitude, auxquels se mêlent des erreurs et des informations incontrôlables en provenance de la colonie britannique. Les sources ne sont d’ordinaire pas citées, et l’auteur n’a manifestement pas l’expérience de ce dont il parle. La Révolution culturelle est ramenée à des querelles de cliques ».
Quand on compare les commentaires des critiques à la réalité désormais connue, on mesure l’immense mauvaise foi des zélateurs du président Mao !
Mais ces chiens de garde maoïstes ont désormais été remplacés par d’autres, dont la mauvaise foi est à la mesure de leur nocivité…
Les médias modernes, nouveaux chiens de garde (suite)…
Ce rôle de chien de garde ne s’exprime pas seulement comme une inquisition surveillant l’application de la pensée unique et du politiquement correct. Il s’illustre aussi dans le formatage systématique de la mentalité ambiante. Un exemple : un matin, nous avons eu une brillante démonstration de la vraie nature de la principale radio nationale (France Inter) : un instrument de propagande au service de la technostructure. Je m’explique…
Après une chronique intelligente de Jean Claude Carrière sur « comment gérer son temps », Stéphane Paoli (l’animateur principal à cette époque) a conclu en disant « vous avez de la chance de pouvoir vivre ainsi ! ».
Cette conclusion tombait à plat, sonnait faux et était en complète contradiction avec la démonstration du chroniqueur. Est-ce à dire que Stéphane Paoli n’avait rien compris au message de Jean Claude Carrière ?
Hélas non, ce serait trop simple !
On pourrait croire que cet animateur n’est que le digne représentant de la partie la plus « moyenne » de son audience. Mais non : sa remarque était voulue, réfléchie, logique même (bien qu’elle apparut comme précipitée et maladroite).
Dans cette société où l’irresponsabilité est la démarche comportementale la plus encouragée, il est dangereux de laisser croire que les gens peuvent se prendre en main par eux-mêmes. Donc, combattons le pouvoir de la volonté et prônons plutôt que tout dépend du hasard, ce sera plus égalitaire !
Ce n’est pas votre mérite ou votre inconduite qui a généré votre situation, c’est la chance ou le manque de chance, voilà l’explication…
C’est ainsi que votre entourage dira « tu as de la chance d’avoir arrêté de fumer » (rien à voir avec de la volonté appuyée par une démarche adaptée) ou encore « tu as de la chance de pouvoir vivre en province » (il est bien connu que les bords de la région parisienne sont hérissés de barbelés et de miradors et qu’il faut un permis spécial pour avoir le droit d’en sortir, ledit permis n’étant attribué que par tirage au sort).
Dans le cadre de la grande irresponsabilité orchestrée et encouragée, il est important de persuader la population que son triste sort est uniquement dû aux aléas du destin. Du coup, une certaine logique s’ensuit : il est juste de s’en prendre à ceux qui s’en sortent mieux que les autres puisque leur aisance n’est pas le résultat de leurs mérites (z’ont eu de la chance ces salauds-là, vl’à tout !). De même, il est normal que tout un chacun se tourne systématiquement vers la technostructure (vous avez remarqué, on ne dit plus « état providence », mais cela revient au même) pour tous ses besoins.
Il est bon que le loto (et autres jeux de hasard, de plus en plus nombreux d’ailleurs, vous avez remarqué ça aussi ?) soit vu comme la seule échappatoire au marasme ambiant.
Voilà pourquoi la remarque à contre-pied de Stéphane Paoli n’était pas une bourde malheureuse, mais bien un contre-feu rapide à l’effet pernicieux que pouvait avoir le message de Jean Claude Carrière. C’est ici qu’on voit le rôle de France Inter dans la propagande en faveur de la technostructure : persuader les auditeurs que rien ne peut changer et qu’il faut déléguer son bien-être au « système » dont les visées sont bienveillantes et éclairées, forcément.
Ce rôle de « chien de garde » dans les médias va se multiplier puisque la technostructure a décidé de gommer la possibilité de progresser au mérite (forcément puisque le mérite implique de prendre son destin en main et d’assumer ses responsabilités… Pas vendeur vis-à-vis des gens ça !) et d’accentuer au contraire le rôle de la chance dans ce qui nous arrive. Car la chance est un facteur majeur de démobilisation. En effet, si tout repose sur la chance, pas besoin de me démener, j’ai juste à attendre que ça tombe tout seul. Pareil pour la malchance, si tout dépend du hasard, je dois être fataliste et accepter mes malheurs…
Cette démobilisation fait partie du plan : laissez faire le destin et laissez-nous prendre en main tout le reste, c’est pour votre bien !
Les médias : actualité (un peu) ET distraction (beaucoup) !
Le pouvoir – de nuisance – des médias s’exprime aussi à travers les productions dites de distraction (comme les films au cinéma ou les séries à la TV) et ça, c’est moins connu. Pourtant, l’industrie du cinéma utilise à fond le principe du « debunking » (ou démystification en bon français)… Qu’est-ce donc ?
De nos jours, quand on veut cacher quelque chose, on n’essaye pas de le garder secret, car ça ne marche pas et ça attire même l’attention. Non, la meilleure démarche, c’est au contraire de l’étaler au grand jour, mais en le rendant improbable.
Pour le décrédibiliser, c’est tout simple : vous le montrez dans une œuvre de fiction.
Quand vous mettez en avant l’élément sensible dans un film de science-fiction à grand budget (ou un film d’espionnage, d’aventure, choisissez votre genre !), plus ou moins expliqué, plus ou moins déformé et ainsi, dans une certaine mesure, tourné en ridicule (mais en évitant la caricature). Si ensuite, tel ou telle essaye de dénoncer l’usage d’une nouvelle arme (par exemple) qui est bel et bien en préparation, mais qui a été exposée auparavant dans un film ou une série TV, il ou elle sera taxé de délire de science-fiction, de théorie du complot, d’affabulations ridicules ou tout autre prétexte à nier la réalité…
L’exposition préalable dans une production de distraction aura servi de procédé de désamorçage et de meilleure couverture possible du secret qu’on cherche à protéger. C’est employé très largement, c’est insidieux et ça passe quasiment inaperçu : on n’a pas du tout l’impression qu’il s’agit de propagande et de manipulation et ça l’est pourtant au premier degré !
Le debunking, c’est comme le placement publicitaire : c’est la forme d’exposition la plus subtile et la plus efficace. Quand c’est bien fait, les retombées formidables. Le placement est utilisé de plus en plus souvent par le cinéma et, forcément, vous avez pu le constater. Mais c’est justement quand vous ne le remarquez pas trop que cela a le plus d’impact. Par exemple, Aston Martin est une marque de voitures dont l’image est associée à celle de l’agent secret James Bond, car ce dernier utilisait une voiture de cette marque dans ses aventures filmées des années soixante. C’est resté même si BMW a essayé de prendre la place par la suite.
L’efficacité est telle qu’on voit de façon ostensible les héros des films utiliser des ordinateurs Dell ou Apple sans ambiguïté possible…
L’exemple d’Euronews
On va croire que j’exagère et que je vois le mal partout… Il existe bien des médias honnêtes et diffusant des contenus informatifs avec objectivité, non ?
Non. Les médias ne sont pas là pour délivrer une information honnête et objective, ils sont dévoués à combler les attentes fixées par leurs propriétaires (magnats des médias quelquefois, groupe d’actionnaires le plus souvent). La plupart du temps, la finalité est simple : gagner le plus d’argent possible (genre TF1), mais, pour certains, l’agenda est plus subtil…
Prenons un exemple avec Euronews. Cette chaîne spécialisée dans l’information 24 heures sur 24 a été présentée comme le CNN européen. En surface, Euronews est plutôt un canal assez sympathique qui délivre des reportages de qualité sur des sujets divers, centrés souvent sur l’Europe (d’où le nom), mais pas seulement.
Euronews, source http://fr.wikipedia.org/wiki/Euronews
Euronews est une chaîne de télévision internationale d’information lancée en 1993 et basée à Lyon, en France. Lors de sa création, elle était la première expérience de chaîne d’information multilingue au monde. Euronews se bat pour diffuser une information juste, vraie et détachée de toute opinion politique, permettant à chaque individu de se forger sa propre opinion sur le monde. La chaîne est diffusée simultanément en 10 langues, présentant les informations d’un point de vue européen. Elle était l’une des rares chaînes d’information à n’avoir aucun présentateur sur le plateau. En 2011, la chaîne se réorganise et place désormais un plus grand nombre de reporters au centre de l’action afin d’offrir une couverture éditoriale plus efficace des grands événements. En 2011, la chaîne est reçue par 350 millions de foyers, répartis dans 155 pays. Avec 6 millions de téléspectateurs chaque jour, il s’agit de la première chaîne internationale d’information en Europe, devant CNN International, BBC World News, CNBC Europe3 et France 24.
La SECEMIE (Société éditrice de la chaîne multilingue d’information Euronews) était le consortium d’actionnaires composé de vingt et une chaînes de télévision. Elle disposait (jusqu’en décembre 2008) du contrôle éditorial de la chaîne.
L’Assemblée générale des actionnaires qui s’est tenue le 19 décembre 2008 à Lyon, a approuvé la fusion des sociétés SECEMIE SA (société éditrice) et SOCEMIE SAS (société opératrice) en une seule entité juridique : Euronews SA, elle aussi de droit français.
Actionnaires les plus importants par leurs parts dans le capital
• France Télévisions (23,93 %)
• Rai (21,54 %),
• RTR (15,98 %).
• TRT Türkiye Radyo Televizyon Kurumu (14.81 %)
• SRG SSR idée suisse (9,15 %)
Généralement, l’examen du panel d’actionnaires est tout ce qu’on veut sauf palpitant, mais là, c’est différent !
France Télévisions et la RAI, on connaît, rien de nouveau sous le soleil et il n’y a rien de surprenant à les retrouver au capital d’Euronews… Mais qui est donc le numéro trois, RTR ?
En fait, le nom complet de RTR est VGRTK…
VGTRK (en russe : Всероссийская государственная телевизионная и радиовещательная компания, abrégé en ВГТРК, signifiant Compagnie panrusse d’État de télévision et de radiodiffusion) est un groupe russe de médias fondé le 14 juillet 1990.
Voir à http://fr.wikipedia.org/wiki/VGTRK
Tiens donc, mais que fait la télévision russe d’État dans le capital d’Euronews ?
Simple, Poutine s’est acheté une part d’Euronews pour que la Russie soit omniprésente dans les programmes de la chaîne !
Et pourquoi fait-il cela ?
Pour ancrer la Russie à l’Europe dans l’esprit des téléspectateurs. Une manipulation lente, douce, mais efficace avec le temps et Vladimir n’est pas pressé. Maintenant que vous savez cela, vous ne verrez plus Euronews avec le même œil et vous allez constater, ô surprise, qu’effectivement, jour après jour, on parle toujours au moins une fois de la Russie dans les journaux de ce canal. Pas forcément pour en dire que du bien, mais on en parle. Ainsi, la Russie n’est pas un pays lointain et sans importance, c’est au contraire un puissant voisin qui mérite qu’on s’y intéresse… Un investissement dans la durée, c’est bien vu camarade !
Bref, la gentille petite Euronews est en vérité un diffuseur de propagande à la gloire de la Russie moderne et démocratique.
Et c’est vrai que, lorsqu’on regarde Euronews régulièrement (ce que j’ai fait avant d’élaborer cette théorie), on se rend compte d’une « anomalie » : tous les jours (je dis bien « tous les jours »), on parle de la Russie sous un prétexte ou sous un autre. La présence de la Russie dans les journaux d’Euronews est tout simplement disproportionnée par rapport à son importance réelle. On n’évoque pas la Chine ou même les USA « tous les jours » sur Euronews… La Russie, si. Et cela peut passer par n’importe quel biais : un voyage de Poutine, une inauguration de Medvedev, un crash aérien d’un Tupolev, le naufrage d’un bateau sur la Volga, etc.
Vous allez me dire, avec l’exemple récent du naufrage sur la Volga en tête, « oui, mais les autres en parlent aussi quand c’est suffisamment grave ou important ». Certes, mais trois jours après, c’est déjà oublié. Pas sur Euronews. Trois jours après, quand on inculpe finalement l’armateur du bateau, on a le droit à des images sur l’arrestation. La veille, c’étaient les témoignages des familles éplorées et ainsi de suite.
Quand je parle de présence disproportionnée, je n’exagère pas et il suffit de suivre les journaux d’Euronews pendant une seule semaine pour s’en rendre compte à coup sûr. Et la présence importante de RTR est bien la seule explication rationnelle…
Les micros-trottoirs, macro-exemple de manipulation permanente
Les radios et les télévisions du paysage audiovisuel français font un abondant usage de la pratique dite des « micros-trottoirs » : on interroge les passants dans la rue sur un sujet d’actualité. C’est ainsi que nos médias sont censés (en dehors des sondages) recueillir à chaud l’opinion du bon peuple…
Louable dans son intention, cette pratique ne produit habituellement que des résultats désastreux. En effet, il est plutôt pénible de voir ou d’entendre de pauvres quidams incapables d’aligner trois mots sans trébucher, bafouiller lamentablement pour débiter des banalités que vous et moi serions incapables de proférer sans mourir de honte ou éclater de rire !
Loin de moi l’idée de se moquer de ces malheureux, c’est plutôt aux médias que j’en veux : pourquoi choisir systématiquement les témoignages les plus crasses, les plus larmoyants ou les plus imbéciles ?
Il se trouve que je connais un peu la partie. Dans les années quatre-vingt, j’ai travaillé pour une radio, j’étais animateur d’une émission (NDLA : sur les sports mécaniques) et j’ai vu comment on montait les bandes issues de ces prises faites dans la rue, sur le vif. On a toujours la possibilité de choisir dans la matière que font remonter les reporters et, dans le tas, il y a de tout.
Or, curieusement, on n’entend jamais le haut de panier, mais plutôt toujours le fond du vase. Jusqu’à récemment, je croyais que cette pratique discriminatoire se limitait aux stations populaires du genre TF1, Europe1 ou RTL et que ce comportement était naturel : on choisit forcément les témoignages qui ressemblent le plus au public que l’on a, de façon à éviter une distorsion insultante.
Quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’une station jusque-là épargnée commençait elle aussi à sélectionner les mini-interviews les plus misérables pour les diffuser sur ses ondes, je veux parler ici de France Inter. Oui, même France Inter (et France Info, son émanation) s’est mise à verser dans la beauferie la plus éhontée à travers l’évolution de ses micros-trottoirs, pourquoi ?
Non pas que la proportion de beaufs en tous genres ait augmenté au sein de la population de notre beau pays (difficile de faire grossir encore une part déjà largement majoritaire) et qu’on ne trouve plus que des lobotomisés et des subcatatoniques à interroger dans la rue. Non, la terrible vérité c’est que, comme les responsables des autres médias, les dirigeants de France Inter se sont aperçus que favoriser la beauferie était bon pour eux…
Les responsables de médias sont comme nos gouvernants : mieux vaut régner sur une masse de moutons dociles (et qu’importe si, pour les rendre dociles, il suffit de leur donner « du pain et des jeux ») qu’essayer de canaliser des groupes d’intellectuels qui remettent continuellement tout en cause.
Le vrai rôle de la publicité
Toute la publicité d’aujourd’hui est basée sur le mensonge. Et il ne s’agit même pas d’un mensonge subtil, astucieux et distillé d’une manière insidieuse (voire même subliminale). On est plutôt face au mensonge énorme, éhonté et incroyable s’il n’y avait la crédulité sans borne de nos contemporains. Et d’ailleurs non, c’est encore pire : il ne s’agit pas de crédulité (sauf pour les plus abrutis de ceux qui vous entourent), mais plutôt d’une passivité et d’un abandon accepté depuis longtemps.
Revenons au mécanisme du mensonge dans la pub. La pub vous fait miroiter ce qui est rare aujourd’hui : principalement la pureté, la tranquillité et la beauté. Dans ce monde pollué et saturé, il est devenu quasi-impossible d’avoir un trajet fluide avec un véhicule en milieu urbain, n’est-ce pas ?
Et bien si. Il vous suffit d’acheter une nom-de-la-marque-de-votre-choix et, miracle, les autres voitures, sales et bruyantes, vont se dissoudre dans l’environnement (sale lui aussi). J’exagère ?
Même pas, c’est bien ce qu’affichent les spots télévisés pour cette voiture miracle (ces spots se ressemblent tous au final). Peut-on y croire ?
Évidemment non, mais ce n’est pas le but, l’objectif est de projeter une image positive, même avec des arguments aussi improbables. Et ce procédé est utilisé à l’infini, à croire que les « créatifs » regardent autour d’eux dans l’enfer urbain en s’interrogeant simplement : « qu’est-ce qui manque au quotidien des gens qu’on pourrait mettre en avant pour faire vendre nos tristes produits ? ».
C’est ainsi que l’argument de la pureté est autant utilisé, justement parce que la pureté est devenue si rare de nos jours. Ce que les créatifs ne disent pas, c’est que ce qui est ressenti comme attirant (comme la pureté) est précisément devenu inaccessible. Plus que rare, inaccessible, j’insiste.
Même avec de l’argent, vous ne pourrez tout simplement pas acheter la voiture qui supprime les embouteillages parce qu’elle n’existe pas. Les produits de beauté qui rendent beau sont, eux aussi, du domaine de l’utopie et la liste est longue. Dans cette société de cauchemar, les bateleurs ne font même plus l’effort d’être crédibles, il faut avant tout faire rêver. Le rêve étant devenu le substitut généralisé pour canaliser la population.
Il y a encore quelques années, je n’avais pas compris la fonction sociale de la publicité et je trouvais qu’elle était proprement insultante. Exciter ainsi nos bas instincts et nous faire désirer l’impossible me paraissait tout bonnement ignoble, mais j’étais dans l’erreur. Les publicistes ne font que répondre à la demande, pas seulement de leurs commanditaires (les industriels prêts à adopter n’importe quel emballage s’il fait vendre), mais aussi de la cible. La terrible vérité c’est que c’est la cible elle-même qui réclame du mensonge, des grosses ficelles et du fantasme.
Le rêve comme instrument de propagande, ce n’est certes pas nouveau. Ce qui est nouveau en revanche c’est la sacralisation de cette part de rêve. Le fameux argument de Jean-Paul Sartre (« il ne faut pas désespérer Billancourt », expliquant qu’il valait mieux cacher la vérité aux masses sur la réalité du régime communiste suite à son voyage à Moscou…) est devenu la justification ultime : « vous voulez priver les gens du seul espoir qu’il leur reste ? » (sous-entendu « le rêve ») est l’injonction hargneuse proférée par les tenants du système afin de condamner celui ou celle qui pense encore que la vérité est préférable à l’infantilisation systématique.
Le traitement de l’actualité sportive
La coupe du monde, c’est comme les Jeux olympiques : tous les quatre ans, c’est la même comédie avec ses rites et ses zélateurs. Mais ce rendez-vous obligé du conformisme généralisé est aussi l’occasion de tirer le niveau moyen vers le bas toujours un peu plus. Et c’est logique.
C’est comme le bac, si vous abaissez le niveau de cette épreuve scolaire phare, il devient plus facile à chaque individu de l’atteindre. L’effort est moindre, mais la gratification reste la même puisque tout le corps social fait pression dans cette direction. Pour la coupe du monde de foot, c’est pareil : pas besoin de connaître les subtilités du jeu pour apprécier puisque les modèles mis en avant sont plus qu’ordinaires. Du coup, il y a bien plus de chances que chacun puisse s’y reconnaître… C’est toute la logique des sports de masse d’aujourd’hui, comme l’expression l’indique, c’est pour la masse, il faut donc y gommer tout ce qui pourrait apparaître comme élitiste. D’où la désignation d’entraîneurs et de sélectionneurs qui sont de parfaits crétins afin de ne pas risquer d’entraver la projection d’identification.
En voyant un Roger Lemerre s’exprimer, le subcatatonique de base n’a aucun mal à croire que « ça pourrait être lui »…
Puisqu’on vient d’évoquer les JO, autant en parler vraiment :
La terrible vérité sur les Jeux olympiques
Disons-le tout net : je n’aime pas les Jeux olympiques (surprenant hein ?) !
Mais pourquoi, pourquoi bouder sa joie et ne pas communier tous ensemble à l’occasion de ce grand rassemblement sportif et politique ?
Parce que les jeux ne sont pas ce qu’ils prétendent être. La terrible vérité c’est qu’ils ne l’ont jamais été, même pendant l’antiquité. À l’ère de la Grèce antique, les Jeux olympiques s’apparentaient davantage à une parade militaire qu’à une épreuve sportive. Les disciplines retenues ne l’étaient pas parce qu’elles représentaient un idéal de vertu, l’esthétisme ou l’esprit d’équipe, mais plutôt l’efficacité au combat… Hé oui.
De nos jours, ce n’est plus vraiment une parade militaire, ça reste une version moderne des jeux du cirque (romain), en pire. Corruption et dopage en sont les deux travers les plus visibles, mais pas les seuls et pas les plus graves. Plus pernicieux que la corruption des membres du CIO (dont les voix sont facilement achetables, on l’a encore vu dernièrement), c’est la soumission aux sponsors qui est le vrai cancer du CIO et qui sera sa perte. Déjà, d’après Reuters, les JO n’ont plus la cote auprès des publicitaires : « Les Jeux olympiques et les valeurs qu’ils véhiculent ont perdu de leur superbe aux yeux des publicitaires du monde entier, à en croire un sondage d’Icom, qui fait néanmoins apparaître de grandes différences d’un pays à l’autre. »
Si l’argent déserte, alors vous pouvez être certain que c’est la fin de ce rendez-vous. Car, soyons clairs, les JO ne servent à rien. Ils n’ont jamais servi les causes qu’ils prétendaient défendre. Les JO n’ont pas aidé à la paix, même en les attribuant à Berlin en 1936, ni à la réconciliation entre les peuples après la Seconde Guerre mondiale puisque les Allemands (et les Japonais) étaient exclus des jeux de Londres en 1948. Les JO n’ont pas plus aidé à l’établissement de la démocratie comme les massacres d’étudiants l’ont prouvé en 1968 à Mexico et ce n’est pas parce que Pékin a accueilli le grand cirque en 2008 que le PC chinois est devenu d’un coup un exemple d’ouverture et de liberté (et que pour ceux qui croient encore le contraire, moi je dis qu’un tel niveau de crédulité mérite d’être enregistré dans le livre des records…).
Le salut nazi était de rigueur en 1936, lors des JO de Berlin…
Même sur le plan économique ou de l’urbanisme, les JO sont plus nocifs que bénéfiques : les grands travaux menés en mode panique n’aident pas à moderniser les villes hôtes. En revanche, les dettes restent pesantes longtemps après les « festivités » (comme Grenoble ou Montréal ont pu s’en rendre compte…).
Alors si le bilan est aussi négatif, pourquoi s’acharne-t-on à organiser cette comédie ?
Pour le plaisir du « bon peuple » pardi, mais aussi pour les profits des médias. Pensez au milieu de l’été où il ne se passe rien et où le « bon peuple » aurait éventuellement l’occasion de se détourner des écrans pour aller bronzer, voilà qu’on a un prétexte au-dessus de tout soupçon pour les scotcher devant leurs postes…
La loi de la proportionnalité inversée
Le « spectacle » des Jeux olympiques ne m’inspire pas l’admiration ou la surprise (en fait, cette « grand-messe » ne m’inspire que du rejet), mais il m’a permis de comprendre une loi fondamentale de notre monde moderne : le niveau de l’audience est inversement proportionnel aux moyens employés pour ledit spectacle (sa conception, sa réalisation et sa diffusion) regardé par ces adeptes (qu’il s’agisse d’une épreuve sportive, d’un concert ou autre manifestation : cette loi concerne tous les rassemblements où s’exerce une relation acteurs/spectateurs).
Par exemple, une pièce de théâtre demande des moyens relativement modestes : un texte, une troupe (éventuellement avec très peu d’acteurs) et une scène (éventuellement avec très peu de décors)… Voilà tout.
Cependant, l’audience qui assiste à la représentation doit avoir un bon niveau pour saisir le message du texte et la subtilité du jeu des acteurs. Attention, je ne suis pas en train de faire l’apologie systématique de TOUTES les pièces de théâtre !
Là comme ailleurs, le sublime côtoie facilement le ridicule, surtout en ce qui concerne le théâtre dit « moderne ». C’est juste un exemple pour me faire comprendre.
À l’inverse, une course de F1 exige des moyens autrement plus coûteux et compliqués : un circuit permanent avec toutes ses infrastructures, un plateau composé des écuries habituelles avec leurs voitures hypersophistiquées et une multitude d’acteurs très spécialisés (des pilotes aux commissaires de piste). Et je ne parle même pas des moyens employés pour retransmettre la course en direct à la télévision (nombreuses caméras, y compris embarquées sur les voitures, liaisons satellites, commentateurs en plusieurs langues, etc.).
Les moyens sont là, mais le niveau de l’audience est déjà beaucoup plus bas… En effet, comment peut-on justifier d’apprécier la F1 de ces dernières années ?
Le spectacle est inexistant (non, je n’exagère pas et c’est bien cela qui est triste) tout comme le suspense. On pourrait me rétorquer que les fans de F1 sont des esthètes capables d’apprécier la pureté mécanique et la vitesse extrême procurée par le pinacle du sport auto… Même pas. Pour ce qui est de la vitesse, les 500 miles d’Indianapolis sont bien plus impressionnants et le suspense est plus souvent présent aux 24 heures du Mans. Alors comment comprendre que la F1 draine de telles audiences (en volume plutôt qu’en qualité) ?
Tout simplement parce qu’on a dit et répété à ces amateurs de sport auto « voici le sommet du sport automobile : ici sont réunis les meilleurs pilotes et les voitures les plus rapides jamais construites. C’est la pointe absolue de cette discipline… ». Prosternez-vous et appréciez, point.
Remarquez bien que ce type de raisonnement s’applique tout autant à d’autres sports comme le foot ou le rugby où le spectacle peut être absent, mais qui rassemble quand même les foules simplement parce que « c’est la coupe du monde »…
C’est là où c’est vraiment triste : ces gens ne vont pas apprécier tel ou tel spectacle en fonction de leurs critères personnels, mais en fonction de ce qu’on leur dit. Ceci explique une bonne part de la popularité endémique du football… Nombreux sont ceux qui suivent les championnats de foot simplement « pour faire comme tout le monde » (n’oublions pas que la pulsion d’intégration est un puissant moteur à l’œuvre en permanence dans l’immense majorité des cas… On imagine les ravages dans le cas des « supporters » !).
Bref, on l’aura compris, tout ce qui est universel est inévitablement médiocre. Et cette médiocrité convient parfaitement aux médias, car elle leur permet de mieux faire passer leur propagande. Et la propagande moderne ne se contente plus d’envoyer les citoyens à la guerre. C’est devenu un instrument de formatage des esprits par associations d’idées. L’exemple le plus criant est la façon dont est « vendue » l’idée même du bonheur : le bonheur, c’est de partir en vacances ou d’arriver enfin à la retraite… Triste ambition.
Le vrai travail de la propagande : faire accepter l’inacceptable
Terminons cette section par l’évocation d’un « grand sujet » : la lutte contre le cancer (afin d’y démontrer que, là aussi, la propagande est omniprésente). À ce propos, il suffit de lire un livre : La société cancérigène. De quoi s’agit-il ?
Déjà, ce n’est pas un livre « médical » et c’est heureux. Le livre commence par poser les bonnes questions sur la notion même de lutte contre le cancer (qui est aujourd’hui la deuxième cause de mortalité en France) : pourquoi la lutte, qui s’est concentrée sur les soins, la recherche de nouveaux traitements et le tabac, connaît-elle un tel échec, malgré l’énormité des sommes engagées ?
Et si l’on se trompait de cible ?
Et si le cancer n’était pas seulement une maladie (qu’on peut donc traiter), mais plutôt une conséquence des multiples sources d’empoisonnement que génère notre société ?
Ainsi posé, le problème change de perspectives. Et ce nouvel angle explique bien des choses, à commencer par la propagande, intense, qui est faite autour des causes du cancer…
Le livre en fait la démonstration à travers un exemple significatif. Qui n’a pas déjà entendu, à propos de la terrible maladie, « le cancer ? Oh, ça a toujours existé ! ». Ben non, c’est faux !
C’est la propagande qui a intérêt à vous faire croire cela, ancrant ainsi le cancer dans un contexte d’inévitabilité propre à le banaliser (et ainsi, on évite de se poser la vraie question : si le cancer n’existait pas avant, qu’est-ce qui a changé depuis ?). Le livre démontre de façon éclatante la propagande à l’œuvre pour enfoncer cette idée reçue dans l’esprit d’une population-victime-consentante. Cette démonstration de la propagande au travail est vraiment une des fulgurances de cet ouvrage.
On passe ensuite en revue les différents poisons qui sont les vraies causes des principaux cancers. Ici aussi, le ton est juste, l’argument précis, les faits nombreux. Sur ce point, c’est encore bien plus percutant que 60 millions de cobayes qui, lui aussi, répertoriait les poisons banalisés de notre civilisation des loisirs et de la consommation (ce n’est plus « dormez tranquilles braves gens », c’est devenu « consommez tranquilles pendant vos RTT »).
La seconde partie de l’ouvrage s’attaque, explique et démontre le « business » du cancer. Le cancer, c’est aussi un marché ma brave dame !
La disparition du cancer serait préjudiciable à des pans entiers de notre économie. Car, il ne faut pas l’oublier, le cancer est indirectement un des premiers employeurs du pays : si le cancer coûte 15 milliards d’euros par an, c’est qu’il rapporte aussi 15 milliards d’euros à ceux qui en vivent, qu’il s’agisse du dépistage, des soins, du médicament ou de l’imagerie médicale.
À ce stade, on commence à percevoir pourquoi aucune véritable politique de prévention du cancer n’est engagée en France. Le récent rapport de la commission d’orientation sur le cancer est un document rédigé pour endormir la population sur un constat autiste qui oublie l’essentiel, à savoir que notre société est cancérigène et ne veut pas le voir.
Le rapport entre le cancer et le pouvoir des médias ?
Toujours le même : l’utilisation massive de la propagande afin de faire accepter l’inacceptable à une population passive, inerte et hébétée (et on a tout fait pour).
J’accuse donc les médias de diffuser sciemment des contenus débilitants et destinés à abaisser le niveau intellectuel du public visé (et on va voir les effets de cette « politique » dans la troisième partie de ce livre). Les programmes, émissions et magazines en cause contiennent explicitement des textes, images et sons mettant en avant l’égoïsme, la stupidité et l’irresponsabilité.
Quand un dirigeant bien connu d’une chaîne de télévision dominante dit « mon métier c’est de mettre à disposition de – ici pensez à une marque de boisson gazeuse délibérément trop sucrée – le cerveau de notre audience », il omet de dire qu’il a d’abord tout fait pour préparer ces mêmes cerveaux (ou ce qu’il en reste…) dans la disposition favorable à l’achat de ladite substance.
On est donc en présence d’une transgression caractérisée de l’ordre moral (car, qui contesterait que la promotion de l’égoïsme, de la stupidité et de l’irresponsabilité ne soit pas contraire à la plus élémentaire morale ?) avec des circonstances aggravantes : l’acte est non seulement volontaire, mais il est même prémédité (préparé de longue date, affiné jour après jour et ourdi en complot).
La suite => Section 3 – le niveau du citoyen moyen