Après mon essai de la BSA, dans le garage de Jared. Et, rassurez-vous, je porte toujours un casque en roulant (on peut le voir, à l’arrière-plan, sur le carton).
Tout d’abord, l’ami de Jared était là pour m’expliquer comment démarrer le moteur au kick : en premier, noyer le carburateur en le titillant (eh ouais, c’est le terme), quand l’essence vous coule sur les doigts, c’est que c’est bon (car il n’y a pas de starter sur ce carbu Amal…) !
Ensuite, descendre le kick jusqu’à trouver le point-mort-haut et là, donner le coup de jarret qui va bien. Surprise, en appliquant la procédure à la lettre, j’y suis arrivé du premier coup et là, tout de suite, on tombe sous le charme du bruit du moteur qui se fait entendre avec un son régulier. Nouvelles explications sur le maniement de la boite. Le sélecteur se trouve à droite, mais l’étagement est le même que sur une Japonaise : première en bas, les autres en haut.
Bien sûr, le fait d’avoir le sélecteur à droite est une source d’appréhensions, voire d’inquiétudes quand c’est vraiment la première fois que vous êtes confrontés à une moto qui vous impose cette disposition des commandes… Mais, en fait, comme souvent, on s’inquiète pour rien, car cela ne pose pas de difficultés majeures.
Je sors du garage avec prudence et j’ouvre franchement une fois sur la route : le bruit est vraiment magique, rien à dire. En fait, le bruit est tout à fait dans le même ton que la Bonneville de Jean-François essayée dernièrement. En revanche, j’ai eu un peu l’impression que la BSA poussait moins fort que la Bonnie… Mais la réponse à la poignée est tout de même franche et virile : le vertical twin est bien là !
Le gros point noir de cette machine, ce sont les freins : le frein arrière répond correctement mais alors, le frein avant, faut vraiment pas trop lui en demander, hein… Les rétros ne servent à rien, brouillés qu’ils sont par les vibrations (pourtant pas gênantes par ailleurs). La forme du guidon est tout à fait ridicule quand on la regarde à l’arrêt mais la position de conduite est bonne, bien droite, à l’anglaise. La machine est maniable car très légère (ma Kawa est une vraie enclume à côté !). Je n’ai pas pu rouler longtemps mais c’était tout de même intéressant de pouvoir faire plus ample connaissance avec cette BSA d’un autre temps. C’est dans les détails qu’on voit qu’elle vient tout de même d’une autre époque : pas de voyant de point par exemple, rien. Quand on met le contact (la clé est sous le phrare… encore un détail absurde), rien n’indique qu’il est mis : aucun voyant ne s’allume au tableau de bord. Pas de clignotant non plus. En fait, c’est une machine qui était destinée à ceux qui savaient ce qu’ils faisaient : si tu n’es pas capable de la démarrer au kick, passe ton chemin. Si tu as besoin d’un voyant vert pour savoir que tu es au point mort, passe ton chemin et ainsi de suite…
Une autre époque. Quand on supposait naturellement que les hommes étaient bien des hommes… ça semble bien loin désormais !
9— Services publics
Les organisations et structures redondantes et inutiles sont supprimées. Une seule agence sanitaire de contrôle des médicaments et non deux par exemple.
10— Enseignement
Les universités sont le parent pauvre de l’enseignement supérieur depuis des décennies. On privatise les universités. Seules les meilleures vont subsister et les filières débiles et inutiles vont disparaître.
Commençons par les agences publiques. Il y en a beaucoup trop, tout d’abord. Ce n’est même pas moi qui le dit mais l’IGF !
Le rapport achevé par l’inspection générale des finances (IGF) en mars 2012, mais publié le 17 septembre 2012, recense 1244 agences au total (p. 1). Ce rapport démontre que les agences ont été un « point de fuite » budgétaire, et ont été utilisées pour contourner les restrictions budgétaires de l’État. Il dénonce par ailleurs leurs effectifs pléthoriques, l’absence de tutelle effective de l’État, s’interroge sur l’efficacité de certaines d’entre elles et sur la légitimité de la rémunération de leurs dirigeants. Dans ce cadre, il formule plusieurs recommandations visant à rationaliser l’usage des agences et à réaliser des économies.
Vous ne trouvez pas que ça fait un peu beaucoup, surtout en regard de leur efficacité !
Noyautées par les lobbies, diffusant une propagande qui frise le ridicule (rappelez-vous l’affaire des coûteux vaccins pour le H1N1…), ces agences méritent un nettoyage qui est devenu plus que nécessaire.
Là au moins, c’est simple : on privatise tous les établissements (oui, ça va faire pleurer les gauchistes, mais ces pauvres petits choux n’auront qu’à se plaindre au Raptor Dissident !). Du coup, seuls les plus valables vont trouver preneurs, on ferme les autres et voilà, problème réglé. Car, croyez-vous vraiment que la France ait besoin d’offrir des études « voies de garage » à des jeunes qui ne savent pas encore quoi faire de leur vie adulte ?
Vous voulez étudier une grosse connerie inutile et sans aucun débouché ?
Pas de problème, vous le faites à vos frais et tout le monde est content !
Continuons le cours de notre énumération des « dix mesures si j’étais président », avec la mesure concernant la Police… Celle-là au moins, elle est simple et simple à comprendre :
8— Police
La Gendarmerie est supprimée. Ses effectifs sont versés dans la Police nationale. La distribution des effectifs est revue : moins en zone rurale et plus en zone urbaine.
La première terrible vérité c’est que les Gendarmes ne sont pas là pour le bien du public; ils sont présents dans leurs casernes partout en France pour nous surveiller et nous maintenir au pas. Car, rappelons qu’il s’agit d’une armée de l’intérieur dont la mission principale est d’abord et avant tout de prévenir tout mouvement de révolte qui viendrait de la “populace”, comme au moyen âge où l’on nettoyait dans le sang la moindre jacquerie.
Bon, comme les communistes ont renoncé au “grand soir”, il ne reste plus beaucoup de révolutions à endiguer et nos “chers” pandores secontentent donc de verbaliser les excès de vitesse au bord de la route. C’est plus rentable et c’est moins risqué que de vraiment maintenir l’ordre là où il serait nécessaire d’intervenir…
Il y aurait pourtant un domaine où les Gendarmes pourraient être utiles et serviraient vraiment la société plutôt que de faire les zouaves sur les bords des routes (mais seulement là où on peut piéger facilement le contribuable motorisé, pas là où c’est vraiment dangereux). Je veux parler des zones de“non-droit” où plus personne (médecins, pompiers, etc.) ne veut aller. Pourquoi ne sont-elles pas investies par les forces de la Gendarmerie ?
Mais non, les Gendarmes ont compris qu’il valait mieux coller à l’esprit du temps et laisser tranquille les plus violents pour ne s’en prendre qu’aux plus dociles. C’est ainsi qu’on a vu les Gendarmes, qui pour une fois étaient sur le lieu du délit et dans les temps, laisser tranquillement les chasseurs de palombes pratiquer leur massacre habituel alors que la Loi l’interdit. Mais les chasseurs sont armés eux aussi, ça fait réfléchir !
La seconde terrible vérité, c’est cette nouvelle version de la “loi du plus fort” qui est encouragée aujourd’hui par les institutions de notre société : soyez violent et on vous laissera tranquille ou soyez nuisible et on vous donnera satisfaction. Ce n’est pas exactement la vision que j’avais de l’état de droit…
Bref, la Gendarmerie a prouvé mainte fois qu’elle ne servait pas nos intérêts, donc, on la supprime et on la fusionne avec la Police, ça sera plus simple et plus clair pour tout le monde. On en profite aussi pour redistribuer les effectifs : plus en zones urbaines (où ils sont nécessaires et moins en zones rurales (où ils ne servent à rien ou presque mais où c’est plus tranquille, pas fous !).
Continuons le cours de notre énumération des « dix mesures si j’étais président », avec la mesure concernant la Justice… Ah, voilà un sujet polémique, voilà un sujet qui enflamme !
7— Justice
Les prisons sont vidées et supprimées. Les peines lourdes (plus de trois ans d’emprisonnement) sont envoyées en Guyane dans un périmètre spécial. Les peines légères sont assignées à résidence avec bracelet électronique (avec localisation GPS et camisole chimique si nécessaire) pour la nuit, aux travaux d’intérêts généraux pour la journée. Les détenus vont servir à quelque chose : nos espaces seront propres désormais.
Alors, tout d’abord, un constat : la Justice fonctionne mal, elle est lente (pas bien, mais on est habitué…), elle laisse passer beaucoup de choses (ah ça, par contre, pas bien du tout !) et, enfin, la situation de la population carcérale est tout sauf satisfaisante.
Alors que la proportion de nos concitoyens emprisonnés est faible par rapport à notre population globale (au contraire des USA, par exemple, où la part de la population carcérale frôle 1% de la population totale !), nous n’arrivons pas à les héberger correctement puisque, de façon systématique, le nombre d’incarcérés dépasse la capacité d’hébergement (58 587 places pour 68 253 personnes écrouées, au 1er septembre 2016).
La solution est-elle de construire plus de prisons ?
De privatiser ce secteur afin que ce soit des sociétés qui gèrent le problème (comme, en partie, aux USA justement, avec tous les effets pervers qu’on a pu constater depuis cette innovation brillamment mise en place par l’administration Reagan !) ?
Non et non, certainement pas. Vous me connaissez, je propose quelque chose de plus radical !
1) On supprime les prisons et on s’appuie bien plus sur le concept de « personnes suivies en milieu ouvert » comme le dit si bien notre ministère de la Justice actuel. Cela veut dire le recours (massif !) aux bracelets électroniques et, oui, à la camisole chimique pour certains cas. Mais ça, c’est seulement pour les délits mineurs, ceux qui auraient écopé d’une peine de prison de moins de trois ans. Et pour les autres alors ?
2) Pour les autres, c’est direct la Guyane !
Ah, tu vas restaurer le bagne ?
Pas exactement, je pense à un truc encore plus radical encore !
Le « périmètre spécial » auquel je pense ferait dix kilomètres carré, entouré de grillages électrifiés et gardé par la Légion qui aurait ordre de tirer à vue. Les types envoyés là devraient se débrouiller pour survivre pendant la durée de leur peine. Si ce n’est pas le cas, eh ben tant pis, fallait pas déconner et se faire choper les gars. Je pense que ça serait assez dissuasif en fait et assez économique au final. Et, actuellement, ça ne concernerait que 40% des condamnés.
Pour celles et ceux qui ne savent pas l’état de déliquescence de notre système pénal, je renvoie vers cette étude : La délinquance de 1975 à 2000, évolutions des chiffres et des concepts. Par Sebastian Roché, chargé de recherche au CNRS, CERAT-Grenoble,secrétaire général de la société européenne de criminologie.
Bien sûr, ça date un peu, mais un coup de sondage rapide montre que ça ne s’est pas vraiment arrangé (effet Taubira ? Un peu, oui !). Pour les pressés, j’en ai fait un résumé succinct ci-dessous :
La meilleure explication de l’augmentation de la délinquance tient en un constat simple : lafacilité grandissante, pour les délinquants, d’accomplir des méfaits et la faiblesse de la réaction de la société et des institutions pénale.
L’augmentation de la délinquance n’est pas un phénomène récent. Elle a crû considérablement depuis 1960, et les agressions, elles, ont décollé depuis 1985.
L’explication ne saurait être celle d’un meilleur enregistrement des faits par la police de proximité du fait des réformes : la comparaison de deux enquêtes nationales sur lesvictimes montre que le taux de plaintes des particuliers pour agression baisse entre 1985 et 1995.
Si les délits ont à ce point augmenté, c’est que les délinquants ont de moins en moins de risques d’être pris…
Face à cette vague délinquante, comment le système pénal réagit-il ?
La vérité est qu’il réagit peu ou pas du tout. Et que son efficacité est déclinante au moment où l’on en aurait le plus besoin. La plupart de ses forces sont localisées dans les départements où les délits sont le moins nombreux.
De plus, les taux d’élucidation des délits chutent. Suite de l’extrait :
Les taux d’élucidation varient énormément suivant la nature des actes : plus de 80 % des meurtres sont élucidés, contre à peine plus de 10 % des cambriolages. Cependant, des tendances lourdes sont facilement décelables : en moyenne, les taux d’élucidation en France sont passés de 51 % en 1950 à 27,5 % en 2000.
Le risque pris par le délinquant a presque été divisépar deux. Au total, le risque réel d’être pris est d’environ 23% pour les atteintes aux personnes et il est seulement de 6% pour les vols.
Que le taux d’élucidation soit faible n’est pas le plus grave, car la situation se dégrade encore dans la suite du système…
En moyenne, au cours des années 90, la justice a classé sans suite de 77 à 78% des affaires portées à sa connaissance. Seules un peu plus de 20% d’entre elles ont été traitées.
Pourquoi la justice reste-t-elle inerte si souvent ?
Il peut s’agir d’une question de procédure (la police n’a pas réuni les éléments suffisants), d’une volonté du magistrat de « laisser prescrire » (c’est souvent le cas pour les mineurs).
Mais, surtout, cette inefficacité est due à la saturation du système pénal. Ce qui dicte le comportement du juge, ce sont les ressources dont le système dispose. Concrètement, dans les tribunaux des grandes agglomérations, le vol est dépénalisé : on ne traite plus les vols d’un montant inférieur à 100, voire à 250 euros.
Et même lorsque la justice donne une réponse, celle-ci n’est pas nécessairement exécutée. D’après les chiffres publiés par le ministère de la Justice lui-même, 37% des peines de prison, 52% des peines d’emprisonnement avec sursis total et mise à l’épreuve et 43% des travaux d’intérêt général ne sont pas exécutés.
Et l’étude se conclut sur ces tristes et édifiantes questions : à quoi sert d’élucider les délits si une large part des affaires sont classées ?
À quoi sert de dépenser de l’énergie pour juger quelqu’un si, au bout du compte, on ne peut faire exécuter le jugement ?
Oui, en effet, on peut légitimement se demander à quoi sert un système pénal aussi peu efficace, aussi peu dissuasif avec une police dépassée, des tribunaux engorgés et des prisons saturées. En gros, on se retrouve dans la situation où les délinquants sont de moins en moins souvent arrêtés, quand ils sont arrêtés, ils ne sont pas jugés et quand ils sont jugés, ils ne sont pas emprisonnés…
On est bien loin de “l’impunité zéro” chère à notre cher-président-sauveur-de-la-république (Chirac à l’époque où j’écrivais ces lignes…), on est plutôt proche de la “sanction zéro” !
Mais comment en est-on arrivé là ?
Pourquoi notre système pénal est-il dans un tel état ?
Imaginez un opérateur de téléphonie mobile qui installe ses magasins et ses meilleurs vendeurs dans les zones rurales tout en sachant que ses relais et ses clients se trouvent dans les villes. Que penserait-on ?
Qu’il cherche à aller à la faillite.
C’est exactement ce que fait le système pénal. Les causes du dysfonctionnement du système pénal sont nombreuses et connues. Le mystère est donc qu’elles perdurent. Comment l’expliquer ?
D’abord, l’insuffisante évolution de la carte policière et de la carte judiciaire.
La répartition des forces publiques dans la France urbaine du début du 21ème siècle date d’il y a 50 ans. Elle est organisée pour un pays encore largement rural à l’époque. Or, la population a augmenté de moitié depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et surtout l’urbanisation n’a pas cessé au point que les villes avalent les campagnes environnantes.
La principale modification de la carte judiciaire, en un siècle, aura été en 1958 la suppression de plusieurs milliers d’établissements – les justices de paix et les tribunaux cantonaux – et des tribunaux de première instance. Bref, ona détruit la justice de proximité. En regard, la création de quelques poignées de maison de justice et du droit ces dernières années ne sont rien.
Bref, on est face à un système qui est en bout de course, parce que figé sur des données qui n’ont plus cours…
Et pourquoi ne fait-on rien pour changer cela ?
Pour des raisons idéologiques d’abord : il y a une vingtaine d’années, la gauche voyait dans la police un outil d’oppression au service du capitalisme, et, enconséquence, ne percevait pas l’urgence de sa présence dans les villes et les quartiers populaires.
Corporatistes ensuite : les élus locaux ruraux craignent toute rationalisation qui ferait partir des emplois de policiers ou gendarmes et contribuerait à désertifier leurs campagnes. Ils forment un lobby très puissant.
6— Défense
La France doit-elle se doter de moyens de projection pour pouvoir intervenir comme une puissance coloniale qu’elle n’est plus ?
Non. Plus de porte-avions couteux et fragiles du coup. Notre effort de défense est concentré sur la protection du territoire. C’est tout et c’est déjà beaucoup. Du coup, forcément, on se retire aussi de l’OTAN…
Parlons sérieusement. Trump parle de faire payer les pays qui profitent du « parapluie » de l’OTAN… ça tombe bien, on va en profiter pour en sortir justement !
Car ce « parapluie » n’est déjà pas gratuit. Si nous avions des soldats français qui se battent actuellement en Afghanistan (voir à https://fr.wikipedia.org/wiki/Forces_fran%C3%A7aises_en_Afghanistan), c’était « grâce » à l’OTAN… Moi qui croyais que cette organisation devait juste servir à nous protéger des Russes, m’aurait-on menti quelque part ?
Le drapeau de l’OTAN pour ceux qui débarquent…
Que l’OTAN serve les visées impérialistes des Américains, je n’ai rien contre, du moment que je ne suis pas obligé d’y contribuer… Soyons sérieux pour une fois et admettons l’évidence : nous ne sommes plus une grande puissance mondiale et nous ne sommes plus (non plus) une puissance coloniale. Donc, ajustons nos moyens de défense à notre statut réel, pas à notre statut imaginaire…
Devons-nous défendre notre territoire ?
Absolument !
Devons-nous attendre que d’autres le fassent pour nous (façon OTAN avec son agenda qui peut surprendre…) ?
Absolument pas !
Donc, on fait ce qu’il faut : on donne les vrais moyens à notre armée, on se dote d’une vraie infrastructure de renseignements (sans laquelle l’armée est sourde et aveugle) et on compte sur nous-mêmes, comme les Suisses (qui le font fort bien soit dit en passant).
Pas d’attentat chez les Suisses, pas de drame, pas de visée inconsidérée, rien que du concret et du raisonnable. Le bon exemple n’est pas loin, il suffit de s’en inspirer.
J’aime bien aborder tous les genres littéraires et voilà que j’ai eu l’occasion, dernièrement, d’imaginer cette courte fable… Aussitôt imaginé, aussitôt rédigé !
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Un jour, un homme donna à une montre à son fils.
« Je n’en veux plus » lui dit-il, « peut-être pourras-tu en faire quelque chose, si elle te plaît. »
Le fils était ravi de ce cadeau, car la montre lui plaisait beaucoup. Elle était moderne, très design, très belle en fait.
Il porta donc cette montre avec fierté et plaisir pendant des années. Mais, bien sûr, l’usure du temps fit son œuvre et le bracelet s’avéra être fragile. Voilà le fils avec sa belle montre au rebu, le bracelet cassé. Il alla à la ville afin de faire réparer l’objet chéri. Mais, hélas, aucun bijoutier n’était capable de remettre en état ce bracelet qui n’avait pourtant rien de particulier.
Le fils tempêta et se plaignit amèrement de tant d’incompétence des gens du métier : eh quoi, s’ils ne peuvent prendre soin d’un objet aussi simple, ils ne servent à rien !
Le père lui dit : tu peux continuer à te plaindre ou tu peux essayer de faire quelque chose par toi-même puisque ces gens en sont incapables. Le père suggéra de séparer le bracelet du boitier afin de pouvoir lui trouver un remplacement. Avec l’aide de tout petit tournevis, cela fut fait rapidement. Peu après, le père partit en voyage et le fils dut se débrouiller seul.
Il finit par trouver une partie de la solution : un cordonnier habile répara promptement le bracelet. Il suffisait de le remettre en place et la montre pourrait alors retrouver le poignet du jeune homme.
Celui-ci retrouva les petits tournevis et se mit à l’ouvrage, seul, sans l’aide habituel du père. Il parvint à remonter le tout, mais, horreur, la montre était à l’envers. Il ne se découragea pas et recommença.
Finalement, la montre retrouva son bracelet et sa bonne place.
Le fils était très content et très fier d’avoir abouti. Il envoya une photo au père de la montre de nouveau à son poignet. Le père, tout aussi fier, lui dit ceci : cette fois, cette montre est bien la tienne, car tu y as investi du temps et des efforts dans cet objet. L’argent ne suffit pas. En fait, il ne suffit jamais. Pour que les choses nous appartiennent vraiment, pour de bon, il faut toujours y mettre un peu du sien.
Tu verras qu’il en est de même pour beaucoup de choses. Cette montre t’a enseigné une leçon utile. Penses-y la prochaine fois que tu seras confronté à l’adversité, quelle que soit sa forme.
Je suis allé voir le type (c’est tout près de chez moi) et j’ai pu prendre sa superbe BSA en photo :
BSA A65 de 1966
Le propriétaire en demande $6500 mais ça me parait justifié, tellement l’état général de la moto est vraiment impec (et c’est encore mieux en vrai, croyez-moi !).
C’est toujours agréable d’avoir raison, surtout bien avant le moment de vérité et contre l’avis de (presque) tout le monde !
Oui, j’avais prévu l’élection de Trump (voir cet article) et j’ai même parié avec un ami (US) là-dessus. Mais je n’en tire aucune gloire car il m’arrive aussi de me tromper lourdement (alors que j’avais bien pronostiqué la réélection d’Obama en 2012, j’ai cru et annoncé que Sarkozy allait faire de même…).
Bref, la leçon du jour, c’est plutôt que les instituts de sondage se sont encore lourdement plantés : après le brexit, Trump !
Cela commence à faire beaucoup et l’image de ces instituts rejoint désormais celle des agences de notation (vous vous souvenez des AAA des banques américaines avant 2008 ?), au moins dans l’esprit du public américain…
Et en France, cela va-t-il faire pareil ?
Va-t-on vers un triomphe inattendu de Marine Le Pen ?
En tout cas, le facteur décisif aux USA a été le rejet des politiciens traditionnels, un élément pas assez perçu par l’establishment et c’est ce qui a causé sa perte. Je ne peux m’empêcher de penser que c’est sans doute ce dont nous avons besoin, nous aussi…
J’aime bien mettre en ligne des extraits de mes livres car ça m’oblige à choisir. Et cela révèle quelque chose sur ce qu’on ressent pour tel ou tel ouvrage. Dans le cas des extraits que je vous propose aujourd’hui, sans le faire vraiment exprès, j’ai choisi des passages qui sont plutôt des descriptions que des dialogues alors que mon style penche nettement en faveur des seconds au détriment des premiers. Mais, justement, peut-être est-ce pour cela que j’aime particulièrement ces passages : ils prouvent (à moi-même d’abord) que je ne suis pas limité aux (bons) dialogues, je sais aussi écrire des descriptions, des atmosphères mais seulement quand c’est nécessaire, seulement quand ça apporte vraiment quelque chose !
Bon, commençons par « Perdu dans le temps« . Cet extrait provient du chapitre où Vincent va enfin pouvoir rencontrer Tamara de Lempicka :
Alors que nous tentions de nous frayer un passage jusqu’à Tamara, Adrienne nous désignait les invités de marque qui occupaient les allées : le docteur Voronoff (un grand admirateur de Tamara), le peintre Maurice Denis (le maître de Tamara), le baron Raoul Kuffner, la duchesse de Valmy (Tamara a peint son portrait), la duchesse de la Salle et sa fille Romana (Tamara a peint leurs portraits à toutes les deux), les marquis de Sommi et d’Afflitto (eux aussi, Tamara a peint leurs portraits et sans doute un peu plus…), la comédienne Suzy Solidor et, bien sûr, la famille Boucard (Monsieur, Madame et leur fille Arlette).
On se serait crû dans les pages du Bottin mondain. Toute cette foule était composée des mêmes figures stéréotypées : hommes en smokings, femmes en robes longues et dos nus très prononcés. Bijoux voyants, cigares et monocles. Rires discrets et sourires ravageurs. Je me sentais de plus en plus mal à l’aise…
Bon, c’est vrai, c’est un peu court comme extrait… Allez, en voilà un autre, quand Vincent se retrouve prisonnier des « spéciaux » pour la première fois :
Je restais prostré un bon moment dans un coin de ma cellule. Et puis, j’entendis quelque chose… Un chuchotement. Oui, c’était bien cela, un appel articulé tout doucement par un autre. Pas une voix déformée comme dans la pièce d’interrogatoire, non, un autre prisonnier comme moi, sûrement dans une cellule voisine et qui essayait d’entrer en contact avec moi !
Cet événement inattendu me fit sortir de ma torpeur : je n’étais pas tout à fait seul, il y en avait d’autres comme moi, d’autres êtres humains prisonniers de ce centre métallique. Je tendis l’oreille afin de capter ce que l’autre me disait… Au bout d’un moment, je finis par comprendre qu’il fallait s’allonger au ras du sol pour mieux entendre. C’est ainsi que, à mon tour, je me mis à chuchoter aussi :
VINCENT. — Oui, je t’entends, qui es-tu ?
L’AUTRE. — Je m’appelle Manuel, je suis ici depuis une semaine et toi ?
VINCENT. — Je viens d’arriver, je m’appelle Vincent, sais-tu où nous sommes ?
MANUEL. — Comment ça « où nous sommes » ?
Mais t’es chez les spéciaux mon p’tit gars, t’as pas encore compris ?
VINCENT. — Écoute-moi, j’ai besoin d’aide, même si cela te paraît absurde, je ne sais même pas ce que sont « les spéciaux ». Tu peux m’en dire plus ?
MANUEL. — Tu me fais marcher ! Pourquoi est-ce que tu es là ?
Moi, c’est pour du trafic de limos, avec l’Ukraine… Et ils veulent connaître toutes mes connexions…
VINCENT. — Manuel, s’il te plaît, crois-moi, explique-moi d’abord ce que sont ces « spéciaux » et je te jure que je… euh, que je t’en dirai plus sur ma situation !
MANUEL. — Mais tu sais que t’es un zarbi toi !
Allez, comme tu m’amuses, je vais jouer le jeu : les spéciaux, c’est comme cela qu’on appelle les membres des services spéciaux, tout simplement…
Contre-espionnage, surveillance du territoire, contrôle des trafics illicites et tous leurs bazars. En fait, ces gars-là sont au-dessus de la police avec un seul mot à la bouche : secret.
Bon, à ton tour, pourquoi t’es là ?
VINCENT. — En fait, je ne sais pas vraiment pourquoi je suis là…
MANUEL. — Ah, t’es une enflure : tu tiens pas ta parole, je parle plus avec toi !
VINCENT. — Non, non, attends, je vais te dire ce que je sais !
Je tenais à ne pas à rompre le lien avec ce Manuel. Dans cette prison moderne, il représentait le seul lien que j’avais avec le monde réel, il fallait absolument que je me serve de lui pour en savoir plus. Il fallait que je lui donne ce qu’il attendait, quitte à inventer une histoire bien tordue…
VINCENT. — Voilà, je me suis fait coincer par les flics dans un appartement, un appart où j’étais entré par effraction, évidemment…
MANUEL. — Allez, tu vas pas me faire croire que les spéciaux s’intéressent à toi pour une simple affaire de cambriole ?
Tu as forcément quelque chose de spécial, dis-moi quoi…
VINCENT. — Oui, j’ai utilisé un appareil spécial pour forcer la porte de l’appart, un décodeur qui peut forcer toutes les serrures et je pense que c’est ça qui les excite…
MANUEL. — Et ce décodeur, tu te l’es procuré où, hein ?
VINCENT. — Tu es bien curieux, je te demande moi quel est le nom de ton revendeur ?
MANUEL. — Bof, tu pourrais : j’ai plus rien à perdre, plus rien à cacher !
Ça fait une semaine qu’ils m’interrogent et que je répète la même chose alors, une fois de plus ne me gênera pas !
VINCENT. — Si tu es là depuis une semaine, tu sais comment cela se passe alors… On peut faire appel à un avocat ou quelque chose dans ce goût-là ?
MANUEL. — J’crois bien que t’as pas compris où tu es là !
T’es dans le centre des spéciaux mon p’tit père, ça veut dire « au secret » : pas de contact avec l’extérieur, rien. Tu peux oublier ton avocat : tu pourras pas l’appeler et il pourra pas te trouver, même la localisation exacte du centre est secrète !
VINCENT. — Mais alors, ça veut dire qu’on ne sortira plus d’ici ?
MANUEL. — Non, j’crois pas, en une semaine, j’ai rien vu qui ressemble à un centre de détention longue durée… Ici, ils doivent faire que les interrogatoires.
VINCENT. — Et après, on va où, tu as une idée ?
MANUEL. — J’suis pas trop pressé de l’savoir si tu vois c’que j’veux dire !
Attends…
Brusquement, Manuel fit silence et cette interruption me terrifia… Je restai figé quelques minutes avant d’appeler de nouveau Manuel en chuchotant, mais le contact était rompu et il ne me répondit plus, sans doute n’était-il déjà plus dans sa cellule. Je restai de longues heures dans le coin de ma cellule sans rien faire, incapable d’aligner deux pensées cohérentes. Je finis par m’endormir sur le matelas, dans un état lamentable, en sanglotant pitoyablement sur mon sort.
Passons à PMC maintenant, voici un extrait du tome 1 quand Felice Pajera croit pouvoir faire un « tour de manège » en se faisant injecter dans un simuli de l’institut PMC… Mais une mauvaise surprise l’attend :
RONALD HOBBS. — Alors Monsieur Pajera, toujours prêt à faire le « grand saut » ?
FELICE PAJERA. — Plus que jamais !
RONALD HOBBS. — Bien, très bien. Je vais vous confier aux mains expertes de Bernard Bousson qui va superviser votre transfert. Je resterai ici tout le temps, ainsi, nous sommes deux à veiller sur vous…
FELICE PAJERA. — Trop aimable, je me place désormais entre vos mains…
Tu ne crois pas si bien dire, connard, pensa Ronald esquissant un sourire. Une fois le transfert terminé, Felice gisait inconscient sur le plan du scanner. Bernard Bousson se tourna vers son chef pour lui demander ce qu’il devait faire ensuite…
RONALD HOBBS. — Balance-le directement dans le simuli de navigation aérienne.
BERNARD BOUSSON. — Celui de Qantas ?
RONALD HOBBS. — Non, on va lui offrir le grand frisson d’entrée de jeu… Injecte-le sur celui d’Aeroflot plutôt !
BERNARD BOUSSON. — Ah ouais, carrément ?!
Felice se réveilla péniblement. Il était encore en pleine torpeur, incapable de se rappeler où il était et ce qu’il faisait avant de s’endormir… Mais, à en juger par le bruit autour de lui, il était évident qu’il n’avait pas dormi dans son lit.
Il réalisa qu’il était assis dans un siège avec une ceinture au niveau de l’estomac et un dossier juste devant lui… Un siège d’avion, il était donc dans un avion !
Oui, ce ne pouvait être qu’un avion de ligne, mais il ne comprenait rien aux voix qu’il entendait… En écoutant plus attentivement, il comprit que ses voisins immédiats parlaient russe.
Tout le monde était très agité ; les hôtesses passaient d’un rang à l’autre, criant ce qui semblait être des ordres, mais quels ordres ?
Tout était dit en russe et même si Felice reconnaissait la langue, il n’y comprenait rien. Au bout d’un moment, il réalisa qu’elles vérifiaient les ceintures de sécurité des passagers. Les hôtesses paraissaient très tendues. Il en vit même une qui se passait la main dans les cheveux avec un air hagard… Cette vision provoqua une angoisse sourde chez Felice.
Les lumières du couloir s’éteignirent en provoquant quelques cris. Soudain, une explosion déchira l’air derrière lui… Cela se passait tout au fond de l’avion, mais c’était comme si le bruit avait rempli tout l’espace. Alors que la déflagration paraissait déjà énorme, le bruit du vent qui suivit semblait encore plus important. Les hurlements remplacèrent les cris et tout le couloir de l’avion semblait avoir basculé dans la panique la plus primaire.
Felice se retrancha dans son siège et prit sa tête entre ses mains, non dans un geste de protection, mais pour essayer d’atténuer le bruit ambiant. Alors que le niveau sonore semblait déjà à son maximum, la tempête enfla encore lorsque l’avion fit un piqué très accentué. Toute la carlingue vibra et le sifflement aérodynamique monta dans le suraigu. Dans cette ambiance dantesque, Felice put tout de même percevoir que le pilote venait de sortir le train d’atterrissage et que les portes du train venaient d’être arrachées par la vitesse… Les masques à oxygène tombèrent du plafond, mais Felice n’arriva pas à attraper le sien tant il était plaqué sur son siège par l’accélération continue de l’appareil.
À chaque instant, il semblait que le paroxysme était atteint, mais non, puisque cela montait encore d’un cran l’instant d’après. Felice ne pouvait plus se contenir, il était totalement terrifié et il devait extérioriser sa peur, il fallait qu’il puisse exprimer à son tour ce qui grandissait au fond de lui : il ouvrit la bouche et se mit à crier comme jamais de sa vie. Il hurlait sans même reprendre son souffle, il criait comme si cela allait lui permettre de se sentir mieux. En fait, il réalisait qu’il était en train de perdre tout contrôle de lui-même et qu’il n’aurait pu s’arrêter de vociférer même s’il l’avait voulu !
Il ne savait même pas si un cri sortait de sa gorge tellement l’air était saturé de bruits qui remplissaient tout. Les vibrations commencent à me brouiller la vue, pensa-t-il, mais non, il était simplement en train de s’évanouir…
RONALD HOBBS. — Alors, ça vous a plu ?
FELICE PAJERA. — Espèce de salopards ! Qu’est-ce que vous m’avez fait ?
Jamais je n’ai eu aussi peur ; je ne sais même pas si je vais pouvoir effacer cela un jour !
RONALD HOBBS. — Croyez-moi, ça va rester, bien profond et bien présent. Vous savez désormais ce que c’est que de ressentir vraiment la peur… Voulez-vous y retourner ?
FELICE PAJERA. — NON !
Vous allez me libérer immédiatement et vous pouvez dire adieu à votre autorisation, je vais arranger votre dossier, vous pouvez me croire !
RONALD HOBBS. — Bernard, que peut-on proposer à notre hôte pour l’amuser encore un peu ?
On ne va pas le renvoyer dans un Tupolev 154, la seconde fois on commence à s’habituer au stress… Mais des situations bien flippantes, on en a un paquet, non ?
BERNARD BOUSSON. — Il suffit de demander ! Que penserais-tu de la rupture du grand barrage de Roselend ?
RONALD HOBBS. — Ah oui, c’est bien ça, notre ami va adorer…
FELICE PAJERA. — Attendez, attendez quoi, merde !
D’accord, j’ai compris. Je ferai ce que vous voudrez, mais ne me renvoyez pas là-dedans…
RONALD HOBBS. — On devient raisonnable tout d’un coup… C’est bien. Alors voilà, Monsieur le fonctionnaire, je vais vous expliquer les règles du jeu : on tient un pion, vous. Et on peut lui faire ce qu’on veut, vous en avez eu un petit aperçu. Donc, vous allez nous fignoler un dossier impeccable, vous assurez qu’aucun de vos collègues ne vienne nous voir et que notre autorisation soit valide en permanence… Sinon, votre double va subir les pires tourments, vu ?
FELICE PAJERA. — Compris.
Mais comment puis-je être sûr que vous allez bien traiter mon… « double » ?
RONALD HOBBS. — Mais vous pouvez revenir nous voir quand vous voulez et Bernard pourra vous donner un aperçu des conditions de vie de votre double… Vous allez être une addition utile à nos systèmes, mais nous allons vous placer dans une situation confortable, n’ayez crainte !
Bernard, tu as une idée du meilleur endroit pour notre invité ?
BERNARD BOUSSON. — Je pense qu’une place de conseiller auprès d’un chef d’État pourrait lui plaire, non ?
RONALD HOBBS. — Ah oui, c’est bien, ça !
Qu’en pensez-vous cher ami ?
FELICE PAJERA. — Promettez-moi qu’il ne subira pas de situation stressante et ça me suffira.
RONALD HOBBS. — Tant que nos rapports avec votre administration seront satisfaisants, votre double mènera une vie de rêve dans les alcôves du pouvoir… Mais à la moindre incertitude venant de votre côté, il tombera aussitôt dans un abîme de chaos et de souffrances !
FELICE PAJERA. — Je… je vais voir ce que je peux faire… Je vais faire de mon mieux.
RONALD HOBBS. — Veillez bien à ce que votre « mieux » soit à la hauteur. Car n’imaginez même pas que faire fermer l’institut soit une solution : nous allons injecter une copie dormante de votre double dans tous les systèmes qui sont connectés aux nôtres. Il suffit que nous arrêtions de lui envoyer régulièrement un certain code pour que les copies se réveillent et prennent conscience… N’importe où, cela va de soi. Et là, les mauvaises surprises peuvent être nombreuses.
FELICE PAJERA. — Ça va, j’ai compris. Vous ne serez pas déçus.
RONALD HOBBS. — Bien, très bien. Alors, je pense que la visite est terminée, Monsieur le fonctionnaire ?
L’extrait du tome 2 que je vous propose, se déroule pendant la chasse à l’homme organisée par Don Vesco avec les spéciaux dans le but d’attraper Vincent et ses compagnons. Mais l’embuscade tourne mal…
AJAX. — Don Vesco, je crois que ça bouge sur le réseau !
DON VESCO. — Aha, je savais bien qu’il suffisait de surveiller cette console. Bien, on ne perd pas de temps, on y va direct. Héraclès, rassemblez vos hommes et réglez tous vos modules sur le chiffre que vous voyez ici.
Don Vesco et le groupe d’Héraclès se préparèrent en quelques minutes et sautèrent tous ensemble vers la destination pointée par la console. Ils se matérialisèrent aux abords du camp CP8 et ne furent pas longs à repérer le groupe composé du Colonel, Simon, Vincent et des autres…
DON VESCO. — Souvenez-vous que je les veux vivants. On les encercle, on leur saute dessus et on les capture, pas d’impairs hein !
HÉRACLÈS. — Bien compris Don Vesco, on va leur tomber dessus avant qu’ils aient le temps de comprendre leur douleur…
Ajax, Achille et les autres tacticiens se mirent à ramper vers le feu de camp autour duquel Vincent et les autres discutaient bruyamment sans se soucier du reste. Soudain, le Colonel se figea, tendit l’oreille et fit signe de faire silence. Abel, Simon et Topper se regardèrent, se demandant ce qu’entendait le Colonel. Ce dernier sortit un pistolet et, tout à coup, l’atmosphère changea du tout au tout.
Un premier coup de feu claqua. C’est le Colonel qui venait de tirer et, aussitôt, Hector, Persée et Ulysse répliquèrent. La nuit était zébrée de courtes flammes jaillissant des armes, le bruit était terrible, la fumée et l’odeur de la poudre commençaient à se faire bien présentes. Vincent s’était jeté au sol en prenant Vincent senior par la manche. Le Colonel tirait toujours alors que Simon tombait lentement au sol en se tenant le ventre à deux mains. Abel se dirigea aussitôt vers lui, mais, atteint à son tour, il s’effondra sur Garfunkel déjà à terre.
Allongé dans la poussière, Vincent montra son module à Vincent senior et à Topper, leur faisant comprendre qu’il était temps de sauter ailleurs…
Le reste du petit groupe s’éclipsa ainsi alors que Don Vesco hurlait « Cessez le feu ! » pour reprendre le contrôle de la situation. Ne restaient sur place que les corps de Simon et d’Abel. Ce dernier était déjà mort et Simon ne valait guère mieux. Il râlait doucement en se tenant le ventre tout ensanglanté. Don Vesco était écœuré par ce désastre et sa rage se retourna contre le groupe d’Héraclès :
DON VESCO. — Mais vous êtes vraiment trop cons !
« Tirer dans le tas », c’était ça votre plan pour les cueillir en douceur ?
HÉRACLÈS. — Mais ce sont eux qui ont tiré en premier, voyons !
On n’allait pas rester là sans rien faire pendant que le grand moustachu nous canardait, non ?
DON VESCO. — Mais vous n’avez pas vu qu’il tirait sans même viser ? Et d’ailleurs, nous n’avons aucun blessé de notre côté, c’est bien la preuve ! Il fallait se jeter sur eux, pas tirer sur eux, bande d’incapables ! Allez, disparaissez, retournez au camp… Je ne veux plus vous voir.
Pour le tome 3, j’ai choisi le passage où Don Vesco explique l’origine des simulis Vincent et Vincent senior. C’est plus un monologue qu’un dialogue d’ailleurs…
DON VESCO. — EPFL pour école polytechnique fédérale de Lausanne. Donc, j’étais avec Didier Carron en 2012 quand il était mon maitre de thèse. J’ai travaillé pour lui et avec lui par la suite, quand nous avons consacré tout notre temps à parfaire les simulations existantes. Elles étaient déjà très utilisées dans de multiples contextes et le milieu universitaire évoquait déjà l’idée de les relier entre elles. Avec Didier, nous formions le binôme idéal : il avait des intuitions géniales et moi j’avais la volonté et l’énergie pour les concrétiser. C’était le maitre et l’élève dans ce que cela avait de mieux. Nous avons vite compris que si nous voulions sortir du lot et être publiés, il fallait se consacrer à un domaine en particulier. Nous avons choisi l’immersion totale et nous n’avons plus jamais dévié de notre but : être capables de s’injecter dans une simulation et y interagir comme si c’était une réplique du monde réel.
Vincent et senior se regardaient, les deux avaient sursauté quand Don Vesco avait évoqué l’année 2012… Mais ce dernier ne changea pas de ton même s’il remarqua la surprise de ses auditeurs.
DON VESCO. — Nos premières tentatives n’ont pas été formidables : nous étions tombés dans le panneau de vouloir rester conscients tout en s’imposant une immersion traumatique dans un environnement simulé. En clair, ça donnait l’impression d’être enterrés vivants !
On a vite compris que c’était une impasse et on a décidé de faire le grand saut : le transfert synaptique. On a bien fait parce que, finalement, ça s’est avéré bien plus facile que l’on ne pensait au départ… Mais nous étions les premiers à aller dans ce sens et les seuls à réussir. Une partie de cette réussite venait du fait que j’étais toujours partant pour jouer les cobayes alors que les autres équipes, plus prudentes ou plus timorées, faisaient appel à des volontaires qui variaient continuellement. En nous basant sur mes seuls relevés, nous avons pu avancer beaucoup plus vite que les autres… La vérité, c’est que j’adorais cela !
Chaque expérience d’immersion était comme une bascule dans un monde conçu sur-mesure par nous et pour nous. J’en profitais pour y réaliser tout ce qui restait hors de portée dans le monde réel. Il est difficile de dire si j’ai vraiment été le tout premier à explorer ce monde, en revanche, je suis certain d’être le premier à y avoir accumulé autant d’heures. J’étais comme les cosmonautes des années 60 sauf que notre travail n’était pas télévisé, lui.
Notre recherche commençait à avoir un certain retentissement, mais les critiques ont commencé à pleuvoir aussi. Les neurologues, en particulier, nous reprochaient de jouer avec le feu. Ils insistaient sur le fait que le cerveau n’était pas adapté au fait d’être « mis en stase » comme nous le faisions pendant l’immersion. Didier Carron était sensible à ces critiques alors que je voulais aller de l’avant. Par prudence, il a décidé de limiter radicalement nos temps d’immersion. Cela ne me convenait pas, j’étais sûr qu’on pouvait les augmenter sans problème.
En 2018, j’ai décidé de quitter Carron, l’EPFL, et de voler enfin de mes propres ailes. J’avais fait quelques rencontres intéressantes à Genève et j’avais la confiance d’un fonds d’investissements.
C’est comme cela que j’ai pu créer l’institut PMC. On l’a appelé ainsi avec mes actionnaires, car ça faisait plus sérieux que « simulations en tous genres ». PMC veut dire Prévision, Maitrise, Contrôle, c’est discret, un peu abstrait, mais ça a tout de suite plu aux grands clients qui adorent procéder à des études de comportements. On a installé PMC à Bruxelles pour des questions de réglementation : les Suisses étaient potentiellement plus restrictifs que les Belges de l’Union, ça nous convenait tout à fait. Hum, je vois que je vous ennuie avec ma boîte… Ok, j’avance.
Au moment où j’ai créé PMC, la recherche en matière de simulis avait déjà beaucoup avancé et on commençait le fonctionnement en réseau qu’on connait aujourd’hui. Officiellement, je n’effectuais plus de recherche à proprement parler, mais uniquement des mises en application. J’avais tout de même un contrat de collaboration avec l’EPFL, afin d’avoir accès au réseau universitaire des simulis qui était le premier à être opérationnel. Je consacrais une partie de mes ressources à faire tourner des simulations historiques pour l’EPFL, mais ça plaisait beaucoup à mes clients qui y voyaient une preuve que mes réalisations étaient au top niveau.
Très vite, j’ai eu envie d’une présence permanente au sein de notre simuli de base et pas seulement des petites périodes d’immersion de quelques heures par jour. La solution, c’était de me dupliquer et j’ai sauté le pas. C’est comme cela que je suis devenu Don Vesco.
VINCENT sENIOR. — C’est quoi votre vrai nom en fait ?
DON VESCO. — Dans le monde réel, je suis Ronald Hobbs. Enfin, « il » est Ronald Hobbs, car nous sommes deux désormais. Un peu comme vous deux… Mais nous, nous avions pile le même âge quand j’ai décidé d’appliquer la duplication afin de pouvoir rester dans le simuli en permanence. Bien entendu, depuis, je vieillis deux fois plus vite que Ronald et, aussi, je me suis laissé pousser la barbe afin de ne pas avoir d’effet miroir quand il venait me voir dans le simuli. Bref, tout allait bien jusqu’à « l’accident ».
VINCENT sENIOR. — Quel accident ?
DON VESCO. — Nous avions l’armée comme client. Un jour, le général Féraud me fait une demande qu’on ne refuse pas : procéder au scan de deux cents hommes d’un coup !
C’était une grosse affaire, un contrat juteux. On s’est évidemment jetés dessus même si on n’avait pas vraiment les capacités pour l’accomplir dans de bonnes conditions : on n’avait que deux matrices pour les scans et on traitait tout ce petit monde à la chaine. On n’aurait jamais dû faire cela et ce qui devait arriver arriva : une des matrices s’est déréglée et, avant qu’on s’en rende compte, nous avions opéré des transferts destructifs pour une grosse vingtaine de militaires… Une grosse catastrophe !
Encore heureux qu’il s’agissait de l’armée… le général Féraud a pris les choses en main, il a étouffé l’affaire, il a fait croire aux familles qu’il s’agissait d’un exercice sur le terrain qui avait mal tourné. En un sens, c’était vrai.
VINCENT sENIOR. — Et qu’avez-vous fait de ces gens de votre côté ?
DON VESCO. — Ah mais pour nous, c’était différent. Pour nous, ils étaient toujours bien vivants, mais coincés dans le simuli. On ne pouvait plus les faire remonter dans le monde réel, car leurs corps physiques étaient détruits. Leurs cerveaux ne pouvaient plus recevoir les consciences après le séjour dans le simuli. Le scan avait tout grillé. Et encore, on s’en aperçut au bout de vingt, ça aurait pu être pire !
VINCENT sENIOR. — Vous me paraissez bien léger face à cet accident. Votre truc, c’est l’équivalent d’un naufrage pour ce nouveau domaine !
DON VESCO. — Raison de plus de ne pas vouloir l’ébruiter… Nous avions besoin d’un flux constant de volontaires afin d’alimenter nos simulis avec des nouvelles consciences. Car, j’étais le seul à le faire, mais je n’hésitais plus à pratiquer les duplications systématiques : tous ceux qui passaient par un transfert synaptique, ça engendrait des consciences permanentes pour nos simulis. Très vite, on s’est retrouvés avec une population de « permanents » significative. Dans un sens, c’était bien : ça nous permettait des simulations bien plus précises qu’avec des IA qui étaient encore bien trop imparfaites et rigides. Mais dans l’autre, nous avions un sérieux problème à gérer : comment tenir cette population sous contrôle ?
C’est pour cela qu’on a mis en place notre système de camps que vous connaissez.
VINCENT. — Et nous, nous venons d’où ?
Nous sommes issus de votre lot de militaires malheureux ou des volontaires que vous avez trompés ?
DON VESCO. — Comme vous pouvez vous en douter, le Colonel est un militaire. Les autres viennent surtout des volontaires. Je pense que c’est ce dernier cas pour vous deux.
Je viens de récupérer ma Z1000 qui sort juste de sa phase V de restoration (voir la phase IV ici et, pour vraiment comprendre d’où on vient, voir là !). Cette fois, c’est le moteur qui a été peint en noir (plus des détails comme les fils de bougies en rouge).
Voici quelques photos prises sous le soleil de la Floride (ce qui ne gâte rien, n’est-ce pas ?) :
Et voici le 5ème et dernier chapitre de ce tome « saison 1970 » des aventures de Dr Miracle !
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5— Enzo Ferrari
Alors que je séjournais à Paris, Gérard Crombac me contacta pour me présenter quelqu’un de « spécial ». Au téléphone, il ne voulut pas en dire plus, mais je savais que je pouvais lui faire confiance : s’il disait qu’il fallait que je le rencontre, c’est que ça en valait la peine…
C’est ainsi que je me rendis au restaurant « Le racing » sans savoir qui était ce mystérieux personnage. Crombac était là et, à côté de lui, un jeune homme. Je me suis d’abord dit qu’il devait s’agir d’un jeune pilote, mais Gérard dissipa le doute en faisant les présentations :
– Je te présente Piero Lardi qui est venu spécialement de Maranello à Paris pour te voir !
Piero Lardi, ce nom ne me disait rien, mais la seule mention de Maranello suffisait à m’électriser instantanément… C’est une petite ville de l’Émilie-Romagne, mais c’est surtout là que sont situés le siège et l’usine historique de Ferrari. Piero s’exprimait dans un anglais médiocre, mais tout de même compréhensible.
– Monsieur Lefranc, je sais que ce que vous avez fait pour Porsche. Je ne suis pas ici pour vous le reprocher, bien joué de leur part. Mais, désormais, mon père aimerait pouvoir, lui aussi, bénéficier de vos services.
Quand il m’a dit « mon père », je n’ai pas compris tout de suite et il m’a fallu le hochement de tête de Crombac pour piger : Piero était bien en train d’évoquer le commendatore Enzo Ferrari. Gérard Combac m’expliqua ensuite que Piero était bien le fils d’Enzo Ferrari, mais illégitime. C’est pour cela qu’il avait gardé le nom de sa mère, Lardi. À cette époque, il s’agissait encore d’un secret (mal gardé) et ce n’est que plus tard que Piero prit le nom de son père sans pour autant effacer celui de sa mère (Piero Lardi Ferrari).
Piero Lardi me proposait de venir à Maranello rencontrer le commendatore en personne. J’aurais bien voulu accepter l’invitation sur-le-champ, mais je lui expliquais que j’étais encore en mission pour Piech à ce moment-là. Il me fallait donc son autorisation… Je retournais voir Piech à Stuttgart afin d’arranger cela. À ma grande surprise, il accepta presque tout de suite. Il me chargea même de porter un message à Ferrari : il préparait un moteur à 16 cylindres pour la saison prochaine afin de rendre sa 917 définitivement inaccessible !
Piech ne me confiait pas tous ses secrets, mais je soupçonnais qu’il y avait effectivement des choses inédites en préparation avec ses équipes de techniciens… En vérité, ce n’était pas de décourager Ferrari que Piech visait, mais plutôt d’aller conquérir de nouveaux territoires : la Can-Am aux USA. J’en parlerais plus tard.
Fort de cette autorisation facilement obtenue, je prenais la route de Maranello après avoir convenu d’un rendez-vous avec Lardi. Je dois avouer que j’étais très impressionné par cette perspective : rencontrer Enzo Ferrari dans son antre, c’était à peu près l’équivalent de rencontrer le Pape en audience privée au Vatican !
Déjà à cette époque, Ferrari avait une stature exceptionnelle : en plus de ses nombreux titres et victoires, c’était aussi l’homme qui avait osé dire « non » à Henri Ford II (l’épisode de la proposition de rachat de Ferrari par Ford était encore dans toutes les mémoires). Je retrouvais Lardi directement à l’usine de Maranello et il m’annonça que je pourrais voir Ferrari dès le lendemain midi au restaurant « Cavallino » dans le salon privé qui lui était réservé.
À l’heure dite, je me présentais au restaurant et on m’accompagna dans l’arrière-salle où se trouvait la porte qui donnait dans le salon privé. Avant même d’être en présence du commendatore, on sentait déjà tout un cérémonial digne d’un chef d’état. J’entrais enfin et je le vis attablé avec ses fameuses lunettes noires. Piero vint à ma rencontre et tenta de me mettre à l’aise. C’est lui qui allait nous servir de traducteur lors de ce déjeuner. Des pennes m’étaient déjà servies et je tentais de faire bonne figure en mangeant aussitôt. Le commendatore prit la parole avec sa curieuse voix, un peu gutturale pour un italien.
– Aider Porsche à battre ma scuderia vous a sans doute rendu fier, mais je suis assez lucide pour savoir que nous nous sommes battus nous-mêmes en vérité. Et c’est justement de cette saison frustrante que je veux vous entretenir. Pour une fois, nous avions les moyens de bien faire et, en plus, cette année, il y a moins de grèves que l’année dernière. Et pourtant, tant en Sport qu’en Formule un, nos résultats sont loin d’être là où ils devraient.
Je concédais d’un hochement de tête, conscient que ce n’était pas encore à mon tour de parler.
– Je veux que cela cesse. Je veux mettre fin à ce gâchis. Je veux que notre potentiel puisse s’exprimer et que la scuderia soit de nouveau à la première place. Je sais que votre spécialité est justement de donner de bons conseils aux gens de la course. Piech vous a écouté et pas Lagardère. On voit aujourd’hui ce que cela a donné. Je ne veux pas être le dernier à profiter de vos talents… Voulez-vous devenir notre consigliere ?
C’est comme ça que je me suis rendu compte que Ferrari était bien renseigné. Sans doute que Crombac avait briefé Lardi avant de venir me trouver. Gérard aimait bien jouer le rôle d’entremetteur plus ou moins occulte. Quand Ferrari évoquait les « moyens de bien faire », il faisait référence aux millions investis par FIAT pour moderniser ses installations (FIAT venait de prendre 40% du capital !). Cette manne bienvenue était également source de tension, car Ferrari avait désormais des comptes à rendre même s’il n’aurait jamais admis cette contrainte publiquement. Avant d’accepter sa proposition, je posais mes conditions à Ferrari : un accès sans restrictions au personnel de la scuderia (y compris les pilotes) ainsi que de l’usine et la possibilité d’accompagner le team sur les courses en tant qu’observateur. Ferrari opina brièvement. L’entretien était déjà clos et je compris que c’était Lardi qui était chargé de me « traiter » lors de ma mission.
En sortant du Cavallino, Piero me proposa de nous rendre à Monza où Reggazoni et Giunti allaient tester cet après-midi la toute nouvelle version de la voiture de sport-prototype : la 512M (M pour modificata). Ce serait aussi l’occasion de rencontrer Mauro Forghieri, l’homme orchestre de la scuderia, le vrai patron sur le terrain.
Une fois à Monza, je pus voir tourner le nouveau proto, les pilotes se relayant à son volant et Forghieri animant tout ce petit monde. Je l’avais déjà vu à l’oeuvre au Nurburgring et au Mans. Il était clair que Mauro était partout à la fois et qu’il aimait cela. Je demandais à Lardi qui était le directeur sportif en titre actuellement. Piero, un peu gêné, me répondit que c’était toujours le vieux Dragoni, mais que celui-ci ne se montrait plus guère sur les circuits, laissant ainsi toute la place à Forghieri qui l’occupait allégrement. Jacky Ickx était là aussi, mais en civil : il n’était pas prévu qu’il tourne cet après-midi sur la 512M, mais seulement demain sur la 312B (la monoplace de F1). J’en profitais pour commencer avec lui la série d’interviews propre à ma méthode d’investigation. Le contact se fit facilement avec le jeune pilote belge. Réputé pour être aussi calme que rapide (et encore plus sous la pluie), Ickx était incontestablement une des grandes vedettes du moment.
– Ah, c’est donc toi le « porte-bonheur » de Ferdinand Piech ?
Depuis qu’il a mis la main sur toi, il peut enfin en remontrer à Wyer. Je connais bien John et il doit bouillir… Ne lui dit pas ton rôle ou « death ray » va te foudroyer !
– Tu peux me dire ton sentiment sur la situation de la scuderia depuis que tu y es revenu ?
– Hum, c’est la vraie question !
Les Italiens ne sont pas faciles à décoder, encore moins que les Anglais. Les teams britanniques travaillent quasiment en silence et accueillent la victoire comme si elle allait de soi. Les Italiens, ça n’a rien à voir : tout est drame avec eux et ils font beaucoup de bruit, dans la défaite comme dans la victoire. Mais croire qu’ils sont juste des bouffones, c’est se tromper profondément. Ils ont autant de « will to win » que les britanniques, ils l’expriment différemment, voilà tout.
Pour en revenir à ta question, si Ferrari faisait comme Brabham ou Lotus, en se concentrant sur la F1, on gagnerait tous les grands prix, je peux te le dire !
La 312B est bien meilleure que la monoplace de la saison précédente, mais elle est aussi toute neuve… Il faut prendre le temps de la peaufiner. Mais là, tu vois, la priorité, c’est encore la 512 de sport, hélas. Déjà, les manches du Championnat du monde des voitures de sport nous ont accaparés et, en plus, il y avait Le Mans en plein milieu qui demandait des versions spécifiques (les fameuses longues queues, Ferrari en a même aligné encore plus que Porsche aux dernières 24 heures du Mans…).
– Tu penses que s’aligner en proto et en F1, c’est trop ?
– C’est sûr que ça fait beaucoup de travail. Mais, il faut être juste, c’est aussi ce que nous voulons, nous les pilotes. Si on ne devait faire que de la F1 comme Stewart, on ne roulerait pas assez souvent !
Et même lui, il participe aux courses F2, alors… Je suis justement retourné chez Ferrari parce que c’est la seule équipe capable de me proposer des voitures compétitives dans les deux catégories, à part Matra peut-être et encore. Regarde Siffert qui a renoncé à aller chez Ferrari pour ne pas couper ses liens avec Porsche, mais, du coup, c’est Piech qui lui paye sa saison chez March. Donc, non, la solution n’est pas de renoncer aux voitures de sport, mais plutôt de savoir définir les bonnes priorités au bon moment. Là, on vient encore de se prendre une raclée à Watkins Glen en sport, il est temps de se consacrer à la F1, car la dernière course du championnat des grosses voitures n’est plus qu’en octobre, c’est loin (nous sommes à mi-juillet au moment de cette conversation, juste avant le grand prix de Grande Bretagne).
J’aimerais bien avoir un peu plus de fiabilité, car, côté vitesse, la 312B est déjà bien. En Hollande, j’aurais pu gagner sans cette crevaison. Bon, on vadire que c’est la faute à pas de chance, hein. Au moins, je termine tout de même 3e. En France en revanche, j’aurais vraiment dû gagner et mon moteur m’a lâché. J’espère enfin avoir plus de veine à Brands Hatch pour le prochain grand prix.
– Mais ces problèmes de fiabilité, ça vient de quoi d’après toi ?
– C’est toujours difficile à dire, je ne suis pas ingénieur !
Pourtant, ce qui est sûr, c’est que j’aimerais qu’il y ait une équipe de mécaniciens dédiée à la F1 et seulement à ça. Cela permettrait de consacrer plus de temps et donc plus de soins au montage des moteurs.
– Et le rôle de Forghieri dans tout cela ?
– Moi, j’aimerais qu’il soit moins seul : il fait tout !
Mais je le connais assez pour savoir qu’il aime cela. Il veut être partout, car, techniquement, il ne fait pas confiance aux autres. Donc, il ne veut pas déléguer. Moi, je considère que c’est un génie au niveau conception, mais j’aimerais avoir autre chose qu’un génie persuadé d’avoir toujours raison comme ingénieur de piste… Tu vois ce que je veux dire ?
– Parfaitement !
Mais il arrive vraiment à tout mener de front ?
– En apparence, oui. Mais tu ne m’ôteras de l’idée que toute la scuderia serait plus efficace si Forghieri se contentait de concevoir des nouvelles voitures et de corriger les défauts des actuelles. Là, en ce moment, il en train de finir la conception d’une nouvelle barquette 3L qui utilisera le moteur de la F1, mais sera bien plus légère que la 512. C’est plus ou moins inspiré de ce qu’a fait Porsche avec la 908/3. C’est une bonne idée, il faut faire cette voiture, mais pas au prix de négliger les actuelles sur lesquelles il y a encore beaucoup de travail.
La discussion avec Jacky fut très éclairante. Je n’ai pas réussi à avoir la même qualité de contact avec Clay Reggazoni et Ignacio Giunti ne parlait que l’italien. Je me suis donc tourné vers le gros morceau : l’ingénieur Forghieri en personne. Avec lui, l’interview fut difficile à mener, c’était à la limite de la confrontation…
– Si vous êtes venus m’expliquer comment faire mon travail, vous pouvez repartit d’où vous venez !
– Allons, ai-je jamais prétendu quelque chose d’approchant ?
Je voulais simplement comprendre comment vous faisiez pour mener de front autant de tâches… Et, croyez-moi, j’ai le plus grand respect pour vos réalisations.
– Admettons. Mais si on faisait l’inverse ?
Si c’était vous qui m’expliquiez ce que vous allez nous apporter, hein ?
– Pourquoi pas !
Après tout, si je demande de la transparence, je dois aussi donner l’exemple. Donc, mon rôle est simple : c’est d’accompagner les équipes vers le succès. Je mets le doigt sur les raisons pour lesquelles le potentiel de tel team ne se traduit pas en victoires. Voilà ce que je fais et je crois que je le fais bien.
– Et modeste avec cela !
– Allons mister Forghieri, vous n’allez pas prétendre que vous êtes satisfait par les résultats de la scuderia cette saison, tout de même !
C’est bien la preuve qu’il y a quelque chose qui coince, non ?
Et vous n’avez pas envie que je mette le doigt dessus, que je dise au commendatore ce qu’il faut faire pour améliorer les choses ?
– Mais je vais vous dire ce qui coince moi, c’est le temps !
Oui, depuis un an, nous courrons après le temps perdu et, croyez-moi, c’est plus difficile à rattraper qu’une Lotus ou une Porsche…
– Le temps perdu, quel temps perdu ?
– Ah, vous débarquez chez nous en voulant tout régenter, mais vous ne savez rien en fait !
– Et si vous m’expliquiez, avec vos mots, per favore, ingegnere…
– En fait, ce sont vraiment les grèves de 1969 qui nous ont plombés. L’année dernière, j’avais déjà terminé la conception de la 512S et du moteur boxer 3L pour la F1, mais je n’ai pu mettre les pièces spéciales en production que très tardivement. Du coup, au lieu que le nouveau moteur de la F1 puisse être éprouvé lors des derniers grands prix de la saison 69, il a fallu attendre le début de la saison 70, avec les mauvaises surprises qu’on a toujours dans ces cas-là. Pour la 512S, cela a été encore pire : à part quelques tests sommaires, la voiture n’avait presque pas roulé avant d’arriver à Daytona en février dernier. Je vous rappelle que Porsche a passé presque toute la saison 69 à dompter sa 917 et à arriver à en faire quelque chose de correct. Et encore, in extremis !
Mais les Allemands ne font pas de F1 eux, et ils n’ont pas été embêtés par les grèves de syndicalistes irresponsables. Il faut dire que leurs communistes sont bien à l’est alors que les nôtres sont en plein milieu du pays… Il faudrait tous les envoyer en Sicile !
Bref, le retard de mise au point dont on souffre encore aujourd’hui, il faut comprendre qu’il vient de l’année dernière qu’on a passé à attendre que les sous-traitants puissent enfin travailler. C’est là toute l’histoire.
– Je vois. Et, à propos de VOS méthodes de travail, vous pouvez me dire pourquoi vous ne voulez pas déléguer votre présence sur les circuits à des ingénieurs de piste qui seraient vos yeux et vos oreilles sur le terrain… ça vous permettrait de passer plus de temps à la conception, non ?
– Ah parce que vous croyez que ça m’amuse de gérer les pilotes et des me taper des milliers de kilomètres en déplacement tout au long de la saison ?
Mais voilà, si je veux récolter des vraies données pour faire progresser mes voitures, il n’y a pas d’autre choix possible. Un ingénieur de piste qui ne sait pas, qui ne comprend pas pourquoi j’ai choisi telle ou telle option technique sur le châssis ou le moteur ne me sert strictement à rien. Il va simplement faire comme les pilotes : se plaindre sans cesse que la voiture ne se pilote pas toute seule et ainsi de suite.
Non, si je veux que mes réalisations soient bien utilisées sur le terrain, il faut que ce soit moi qui en définisse les réglages, point.
Tout le reste de l’échange fut à l’avenant. Je crus à tort que Forghieri m’avait détesté dès le premier regard, mais Lardi m’expliqua vite qu’il était comme cela avec tous.
Je pus revoir le commendatore dans la semaine qui suivit et je lui exposai mon diagnostic en peu de mot : il faut contraindre Forghieri à rester sur sa planche à dessins et nommer des vrais ingénieurs de piste ainsi qu’un vrai team manager qui joue le rôle de directeur sportif laissé vacant trop longtemps. Ferrari m’écouta et resta silencieux un bon moment…
– Croyez-vous que je ne me doutais pas que Forghieri était la clé du problème ?
Mais il est aussi la clé de voute de ma scuderia. Dix fois j’ai tenté de le mettre au placard. Je l’ai même muté au département production des voitures pour les clients !
Mais dix fois je suis venu le chercher pour remettre les choix techniques du reparto corse sur des rails. Il est comme cela, c’est un génie, je suis bien placé pour le savoir, mais c’est aussi un type impossible. Seulement, si je veux bénéficier de son génie, je suis aussi obligé de le supporter, pas de lui couper les ailes.
Nous en restames sur ce constat et il était temps de s’envoler pour Brands Hatch. Le grand prix de Grande-Bretagne fut le théâtre d’un nouveau triomphe de Jochen Rindt (le troisième d’affilé !), même s’il eut sa part de chance (Brabham aurait gagné si sa voiture n’avait pas été un peu courte en essence dans le dernier tour…), et ce fut une nouvelle déconvenue pour Jacky Ickx : parti en tête, il renonça rapidement suite à une panne de transmission. Encore un ennui mécanique alors que Rindt s’envolait au championnat avec sa Lotus.
Cette déception supplémentaire fit déborder le vase, un conseil de crise mené séance tenante à Maranello permit à Ferrari d’imposer une décision qui était pile dans la ligne de mes recommandations : Forghieri était tenu de rester cloitré dans son bureau d’étude afin de trouver les solutions propres à fiabiliser la 312B de formule un.
Et le miracle se produisit : en à peine deux semaines, Forghieri mit en place des procédures de montage des moteurs, de la boite de vitesse et de l’assemblage de la monoplace qui portère leurs fruits. C’est Forghieri lui-même qui m’avoua qui voulait faire cela depuis bien longtemps sans pouvoir vraiment s’y mettre faute de temps. Mais là, sous la pression du patron, il put enfin s’y consacrer et résoudre le problème.
Du coup, le grand prix suivant (à Hockenheim en Allemagne de l’Ouest) fut l’occasion d’une résurrection de la scuderia : après avoir signé la pole position aux essais, Ickx batailla avec Rindt pendant toute la course pour échouer d’un souffle (mais terminer tout de même à la seconde place). Personne ne le savait encore, mais c’était aussi la dernière fois que Rindt terminait un grand prix…
Sur sa lancée, Jacky fit encore mieux en Autriche (à Zeltweg à la mi-août) en enlevant sa première victoire en F1 de la saison, il était temps !
Mieux encore, la scuderia fit un doublé inespéré avec Reggazoni qui terminait second derrière son chef de file (avec le record du tour en prime !). Un triomphe de bon augure avant le grand rendez-vous de Monza début septembre. Cette fois, le commendatore se déplaça en personne pour assister aux premiers essais (un geste rare de sa part qui ne restait jamais pour les courses). Il avait déjà quitté le circuit lorsque Jochen Rindt eut son accident… Mais il en fallait plus que le décès du leader du Championnat du monde pour gâcher la fête des Italiens : les bolides rouges dominaient la première ligne et s’offraient un nouveau doublé en course avec Reggazoni devant Ickx cette fois. À Monza, c’était du délire.
À Maranello, je sentis aussi le changement : même Forghieri sollicitait mes conseils désormais. C’est moi qui lui soufflai de laisser tomber le développement de la 512M pour se consacrer à la barquette 3L qui commençait à émerger pour de bon. En effet, les 917 me paraissaient déjà hors d’atteinte et, pour les battre, il fallait employer une arme différente, une voiture bien plus légère qui serait très à l’aise sur les circuits sinueux. C’est d’ailleurs ce que Porsche avait réalisé avec la 908/3, mais cette dernière devait être facile à vaincre, car son moteur était au bout de son potentiel alors que le Boxer qui équipait la F1 et la barquette n’était qu’au début de son développement.
Mauro n’eut pas grand mal à vendre le concept au commendatore tant la 512S avait déçu les espoirs placés en elle tout au long de l’année. Pourtant, la 512M fit bonne figure à Zeltweg en octobre pour le dernier meeting du championnat du monde des voitures de sport : parti de la pole position, Ickx s’envolait à un bon rythme à son volant avant que la mécanique mette fin à la belle histoire. Mais cette prestation permit tout de même de vendre des voitures aux écuries privées pour la saison 71 ainsi que des kits de conversion afin de transformer une 512S en 512M.
Pendant ce temps, Ferrari faisait pression sur la FIA afin de bannir les protos 5L du Championnat du monde… Ce qui fut acté pour la saison 72 : les grosses 917 et 512 n’avaient plus que la saison 71 pour dominer les circuits d’endurance avant que les trois litres puissent imposer leur règne.
Ma saison 70 s’achevait sur une bonne note puisque j’avais réussi à ajouter Ferrari comme client satisfait après Porsche. Je n’avais pas tout à fait réussi à mettre en oeuvre toutes mes idées, mais je commençais à avoir une bonne vision de mon rôle et de ma capacité à influencer les équipes afin de les mettre ou les remettre dans le chemin du succès.
71 s’annonçait bien également, car Piech voulait absolument me confier une nouvelle mission : trouver la bonne équipe à qui confier ses futures voitures afin de conquérir la Can-Am et le marché américain…
5— Politique étrangère
à quoi set l’ONU ? À rien !
La France se retire de l’ONU.
Ah, l’ONU !
« Le machin » comme disait De Gaulle (une fois de plus, il avait juste sur ça aussi…).
Comme le disait un expert de la question « les vents de la critique sont infatigables quand il s’agit de l’ONU ! ». Il est clair qu’il s’agit d’une organisation à qui on demande beaucoup et à laquelle on accorde peu de moyens…
Organisation sous-dimensionnée :
Opérations de maintien de la paix, budget entre 7 et 7,5 milliard de $, soit même pas le budget de la ville de Paris.
Secrétariat général, 80 000 personnes, soit 1,5% de la fonction publique française.
Mais ne sommes pas là pour sauver le monde, il s’agit juste de redresser la France. Et, en attendant que la 3ème mouture d’une organisation internationale (après tout, la défunte et tout à fait inefficace « société des nations » a précédé l’ONU…) voit le jour et soit enfin efficace, la France donne le signal du changement en se retirant du machin.
Comme vous le savez (mais, en fait, peut-être n’en savez-vous rien !), je pratique la simulation automobile depuis maintenant vingt ans (ça passe vite !), j’ai même publié un livre à ce sujet !
Dernièrement, un ami m’a indiqué les bons réglages de volant à appliquer pour une de ces simulations : Assetto Corsa. Effectivement, avec ces réglages, le feeling au volant change du tout au tout. Jusque-là, j’étais plutôt déçu par AC qui était une simulation magnifique sur le plan graphique mais donnant peu de sensations au volant… Bref, beau à regarder mais plat à piloter, pas vraiment mon truc. Project Cars souffre plus ou moins du même défaut. Reste rFactor2 qui fait un peu du surplace depuis trop longtemps et Automobilista qui est la petite dernière qui monte…
Avant d’aller plus loin, ne confondez pas « simulation automobile » avec « jeux vidéo », ça n’a rien à voir : on joue aux jeux vidéo, on pilote les simulations, nuance…
Bref, grâce à ce déblocage, j’ai pu redécouvrir et apprécier AC que j’avais un peu laissé de côté…
Ce qui est bien avec les simulations, c’est que vous pouvez explorer les époques afin de voir « comment ça se pilotait ? » en prenant le volant des voitures les plus célèbres. Bien évidemment, j’ai systématiquement essayé les différentes reproductions des Porsche 917 et, grâce à ma connaissance du sujet, j’ai pu faire le tri entre ce qui était (sans doute) fidèle et ce qui ne l’était pas.
Grâce à AC, j’ai pu revisiter un autre monstre sacré de l’Histoire du sport-auto : la Maserati 250F avec laquelle Fangio a été champion du monde en 1957. Comme on peut le voir dans la vidéo ci-dessous (qui n’est pas de moi), j’ai moi aussi testé cette voiture mythique sur le circuit de Monza (le grand tracé de 10 km, avec le vieux banking où la voiture fait des ruades incroyables…).
C’est tout à fait fascinant de pouvoir se rendre compte combien ces voitures (qui représentait tout de même le top du top de l’époque) sont peu comparables à l’image qu’on se fait d’un véritable engin de course : pour autant que je puisse en juger (car, soyons lucide, je ne suis ni Moss ni Fangio, je ne saurais donc jamais comment se comporte vraiment cette Maserati…), ces voitures sont très rapide en ligne droite (presque 300 à l’heure à Monza !) mais sont quasiment arrêtées dans les virages. Pas beaucoup de freins et encore moins de grip : avec des pneus à peine plus large que ceux d’une moto, la voiture est presque continuellement en glisse, même à des vitesses (relativement) réduite. Il faut la piloter avec beaucoup de douceur, ne jamais la brusquer sous peine de la « perdre » assez vite…
On peut se demander pourquoi les ingénieurs de l’époque ne montaient pas des pneus plus larges pour lui donner plus de grip et mieux l’assoir sur ses roues ?
Vous vous imaginez au volant d’un tel monstre ? Avec la simulation, c’est possible !
Simple : avec cette architecture de roadster à moteur avant (dont la Maserati est bien le modèle emblématique), la voiture est trop haute, trop lourde (à cause de l’arbre de transmission qui passe sous le pilote) et mal équilibrée. Il a fallu attendre les monoplaces à moteur centrale arrière pour avoir enfin une formule qui permettait les vrais progrès. J’ai pu le vérifier en testant ensuite la Lotus 25 (la F1 championne du monde avec Jim Clark en 1965) à Silverstone : bien que dotée d’un petit moteur (1,5 L) peu puissant, la voiture est agile, bien équilibrée, plus légère et, du coup, bien plus rapide sur un tour alors qu’elle rend presque 100 ch à la Maserati !
La Lotus 25 reproduite par Assetto Corsa.
Si on poursuit notre investigation historique avec la Lotus 49, on commence à entrer dans les choses sérieuses : pas encore d’aileron mais des pneus larges et un gros moteur (la première version du Cosworth 3L). La 49 est évidemment plus rapide que la 25 mais elle est aussi plus délicate à piloter : pas aussi bien équilibrée, elle demande plus de finesse et pardonne moins que la petite monoplace…
Juste avant le début de l’ère des ailerons, la Lotus 49 préfigurait les monoplaces modernes.
Terminons ce tour d’horizon avec la Lotus 72 qui est déjà bien représentative des monoplaces modernes : bien plaquée au sol par ses ailerons, on peut enfin attaquer et adopter une conduite plus agressive (sans exagérer bien sûr). Bon, il y a encore du chemin à faire avant de se prendre pour Peterson mais sinon, tout est là !
La Lotus 72, avec sa fameuse livrée noire et or (JPS).
Pour conclure, il suffit de tester une monoplace récente pour se rendre compte des progrès hallucinants fait par ces dernières dans tous les compartiments du jeu mais, surtout, au freinage !
Avec ces antiquités, il faut bien prendre ses distances et décomposer le rétrogradage. Avec les F1 modernes, pas besoin de prendre des précautions : on freine hyper-tard (ce sera toujours trop tôt !) et on rétrograde à la volée avant d’enquiller les virages à fond. La version 1967 de Silverstone est avalée presque sans ralentir : on comprend pourquoi il y a des chicanes partout désormais !
Avec cette possibilité de revisiter le passé glorieux du sport-auto (un vrai âge d’or en fait !), la simulation vous offre ce qu’aucun musée traditionnel ne pourra jamais approcher : des sensations (à condition d’y croire, évidemment…).
On va faire une petite pause dans l’énumération de mes dix mesures car je suis en train de lire un (petit) livre sur l’ONU… Et comme, justement, une de mes mesures concerne l’ONU, autant attendre un peu sur ce point, non ?
En attendant, je voudrais évoquer deux héros du XXème siècle dont on ne parle pas assez, selon moi : Guy Debord et Richard Feynman. Pas de lien entre les deux : le premier était un philosophe ou, au moins, un penseur (situationniste) alors que le second était un (brillant) physicien. Rien à voir donc sinon l’époque.
Guy Debord est surtout connu pour son livre : la société du spectacle. Cet ouvrage majeur est le meilleur livre qu’on ait écrit jusqu’ici sur la société moderne. Debord avait tout compris avant les autres et en profondeur. Vingt ans après ce livre, Debord récidive avec « Commentaires sur la société du spectacle » un peu plus abordable que l’original. Il faut le dire, Debord n’est pas très « accessible » et ne fait aucun effort dans ce sens. Pire, il aime bien être hermétique comme le démontre son documentaire « La société du spectacle » qui n’est carrément pas regardable (et là, vous pouvez me croire sur parole !).
Heureuseument, Yann Kerninon nous propose cette excellente vidéo qui fait une bonne synthèse des concepts de « la société du spectacle ». Ne vous formalisez pas des 30 premières secondes, c’est Kerninon qui tente de faire de l’humour…
Merci Yann.
Voyons maintenant le cas de Feynman. Bien moins connu qu’Einstein, c’est pourtant un type considérable dans l’Histoire moderne de la science car, en dehors des ses contibutions (très importantes mais difficiles à saisir…) à la physique quantique, ce Monsieur est à l’origine de la nanotechnologie et des ordinateurs quantiques (sans doute l’avenir technique de l’informatique), rien que cela !
C’est lui qui imagina les nanotechnologies le tout premier (en 1959 !) avec une conférence restée célèbre : There is Plenty of Room at the Bottom(« Il y a plein de place au fond »).
Un savant sympathique à découvrir séance tenante moi je dis :
Continuons notre revue de détails de mes dix mesures… Aujourd’hui, les médias.
4— Médias
à quoi servent les médias dits de service public ? À rien !
France Télévisions et Radio France sont privatisés. Ça ne changera rien à l’offre de contenus et ça sera plus cohérent. La redevance audiovisuelle est supprimée pour les mêmes raisons.
Privatiser Radio France et France Télévisions est, aujourd’hui, la seule chose logique à faire puisque ces organisations n’essayent même plus de faire semblant d’être différentes. Le trop fameux « mieux-disant culturel » et la non moins fameuse « exception culturelle française » ne sont plus aujourd’hui que des notions vides de sens qui laissent un goût amer à tous ceux qui ont entendu ces promesses creuses pendant trop longtemps.
De plus, quand on voit à quel niveau de bêtise et de beauferie sont tombées ces chaines « populaires », ce sera une punition bienvenue. Même France Culture ne ressemble plus à rien de nos jours. C’est le dernier média où le freudisme peut s’exprimer sans être aussitôt étouffé par le ridicule. Là aussi, la punition sera justifiée.
Hier, j’ai loupé l’occasion d’arriver à publier un article sur mes dix mesureschaque jour… Pas grave, on continue aujourd’hui !
3— Santé
On consomme beaucoup trop de médicaments en France (surtout quand on compare à nos voisins…) !
Les médicaments inutiles, inefficaces et dangereux se voient retirer leur AMM et, pour les autres, seuls ceux qui n’ont pas de génériques alternatifs sont encore remboursés.
Il suffit de lire le livre Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux de Philippe EVEN etBernard DEBRÉ pour se rendre compte qu’on marche sur la tête en France, sur ce sujet !
Cet abus de médicaments est non-seulement dangereux mais, en plus, il nous coûte très cher… En dehors de remplir les poches de « big pharma », je ne vois pas l’intérêt de continuer dans cette voie.
Bien entendu, le lobby de la mine d’or des médicaments s’est crispé lors de la publication de ce livre vérité :
Dans leur livre, ils étaient loin d’être tendre avec leurs collègues. Et c’est ce qui leur a porté préjudice. Deux ans après la publication du controversé « Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux », les médecins Philippe Even et Bernard Debré ont été sanctionnés par l’Ordre des médecins. Une décision à laquelle ils ne s’attendaient pas : un an d’interdiction d’exercer la médecine dont six mois avec sursis. Une sanction à portée symbolique, puisque les deux auteurs n’exercent plus.
On continue les explications de mes dix mesures. Après l’emploi hier, le logement aujourd’hui. En vérité, ça me fait drôle d’avoir à expliquer ces mesures tant elles me paraissent évidentes !
2— Logement
On doit pouvoir expulser des locataires indélicats. La loi concernant le logement est modifiée et simplifiée dans ce sens.
Dans une large mesure, cette décision repose sur la même logique que la précédente : remettre en place la liberté d’agir afin de libérer une situation bloquée. Et, une fois encore, on tourne autour du pot depuis trop longtemps dans ce cas : si les propriétaires demandent autant de garanties, c’est justement parce que, en cas de défaillance du locataire, ils vont se retrouver quasiment sans recours pour un bon moment.
La trêve hivernale des expulsions locatives a commencé dans toute la France le 1er novembre, offrant un sursis à plusieurs milliers de locataires pendant quatre mois et demi. Pendant cette période, les locataires ne peuvent se faire expulser, même si leur propriétaire a engagé une procédure et que l’expulsion est confirmée par un tribunal.
Ne cherchez pas ailleurs le succès actuel de https://www.airbnb.fr/ !
Avec ce site, vous ne louez qu’à des conditions précaires bien plus faciles à faire valoir.
La mesure est également symbolique. Le but est de marquer le fait que, enfin, ça bouge dans le bon sens. Que les profiteurs du système ne vont plus avoir toujours raison et que le marché va pouvoir de nouveau fonctionner normalement. Les principaux bénéficiaires ne vont pas être les propriétaires, mais bien les locataires : du jour au lendemain, le marché locatif va croitre de 10% !
Cela signifie plus de choix, donc des meilleures conditions (plus de compétition sur les loyers) et qui ne voudrait d’une évolution pareille sur ce plan ?
1— Emploi
Sans liberté de licencier, il n’y a pas d’embauche !
Le Code du travail est nettoyé et la liberté de licencier restaurée.
Le tableau actuel des types de licenciements autorisés par le Code du travail.
Bon, pourquoi est-il si important de restaurer la liberté de licencier ?
Eh bien, on peut dire qu’on tourne autour du problème de l’emploi et du chômage depuis plus de quarante ans et que les mesures diverses et variées n’ont pas manqué. Mais, avouons-le, sans aucune efficacité à part faire gonfler inutilement la fonction publique (seule option que peuvent utiliser les politiques, en désespoir de cause…). Alors, veut-on rester ainsi encore quarante ans de plus avec un système bloqué ?
Non, il faut regarder les choses en face : en dépit de toutes les incitations qui sont faites, les patrons (surtout les petits patrons) sont réticents à embaucher. Pourquoi ?
Tout simplement parce qu’ils savent (souvent par expérience) qu’ils n’ont presque aucune possibilité de licencier si le nouvel employé ne fait pas l’affaire (et, souvent, il faut plus que la période d’essai pour s’en rendre vraiment compte… Et ceux qui nient cela ne savent pas de quoi ils parlent, point). Pareil si votre société est contrainte d’alléger ses effectifs, vous ne pourrez le faire (et encore !) qu’au dernier moment, obligé de vous placer dans une situation d’urgence genre « redressement judiciaire »… Super !
Si on veut être honnête, on est obligé d’admettre que c’est là le noeud du problème. Mais les voix qui réfutent cette thèse (avec la plus parfaite mauvaise foi, caractéristique de base du gauchiste bon teint) sont nombreuses et bruyantes en France.
Avec cette attitude jusqu’au-boutiste, les syndicats bloqueurs préfèrent « pas de travail pour tous » plutôt qu’un travail un peu plus précaire que celui actuellement garantit par le Code du travail. En fait de garantie, la seule qu’on a, c’est de savoir que le système est figé et qu’il va le rester. Voilà pourquoi remettre en avant et dans les faits, pratiquement, la liberté de licencier est la seule mesure qui permettra vraiment de libérer l’emploi en France.
Pareil pour la fameuse notion « d’emplois jeunes » qui refait surface tous les dix ans dans notre pays et qui est à chaque fois enterrée par les mêmes bloqueurs (ainsi que tous les jeunes « idiots utiles » qui manifestent dans ce sens…) : plutôt pas de travail pour tous que de réformer un cadre trop rigide et qui a prouvé, maintes et maintes fois, qu’il ne marchait pas.
Suite à une discussion avec mes grands fils, nous nous sommes lancé un défi tout à fait dans l’air du temps (alors que la présidentielle US ne fait que devancer la française…) : quelles seraient les dix mesures que tu voudrais mettre en place si tu devenais président ?
Tout de suite, une précision : je ne crois pas que le président de la République française ait vraiment le pouvoir de changer les choses, tout du moins, pas rapidement ET en profondeur (les vrais changements demandent du temps). Le vrai pouvoir est très fragmenté, même en France où la présidence est pourtant une des plus puissantes au monde.
Donc, notre exercice avait juste pour but de confronter nos idées sur la façon de « débloquer le pays » une bonne fois pour toutes !
Ben oui, on est ambitieux ou on ne l’est pas. Et quitte à avoir la présidence, autant que ça serve à quelque chose, hein !
Bien évidemment, la principale difficulté résidait dans cette limite à dix… Des mesures importantes, à prendre d’urgence, on pourrait en trouver facilement vingt ou plus !
Bref, voici les dix mesures que j’ai proposées aux regards critiques de mes fils (et ils ont fait de même) :
1— Emploi
Sans liberté de licencier, il n’y a pas d’embauche !
Le Code du travail est nettoyé et la liberté de licencier restaurée.
2— Logement
On doit pouvoir expulser des locataires indélicats. La loi concernant le logement est modifiée et simplifiée dans ce sens.
3— Santé
On consomme beaucoup trop de médicaments en France (surtout quand on compare à nos voisins…) !
Les médicaments inutiles, inefficaces et dangereux se voient retirer leur AMM et, pour les autres, seuls ceux qui n’ont pas de génériques alternatifs sont encore remboursés.
4— Médias
à quoi servent les médias dits de service public ? À rien !
France Télévisions et Radio France sont privatisés. Ça ne changera rien à l’offre de contenus et ça sera plus cohérent. La redevance audiovisuelle est supprimée pour les mêmes raisons.
5— Politique étrangère
à quoi set l’ONU ? À rien !
La France se retire de l’ONU.
6— Défense
La France doit-elle se doter de moyens de projection pour pouvoir intervenir comme une puissance coloniale qu’elle n’est plus ?
Non. Plus de porte-avions couteux et fragiles du coup. Notre effort de défense est concentré sur la protection du territoire. C’est tout et c’est déjà beaucoup. Du coup, forcément, on se retire aussi de l’OTAN…
7— Justice
Les prisons sont vidées et supprimées. Les peines lourdes (plus de trois ans d’emprisonnement) sont envoyées en Guyane dans un périmètre spécial. Les peines légères sont assignées à résidence avec bracelet électronique (avec localisation GPS et camisole chimique si nécessaire) pour la nuit, aux travaux d’intérêts généraux pour la journée. Les détenus vont servir à quelque chose : nos espaces seront propres désormais.
8— Police
La Gendarmerie est supprimée. Ses effectifs sont versés dans la Police nationale. La distribution des effectifs est revue : moins en zone rurale et plus en zone urbaine.
9— Services publics
Les organisations et structures redondantes et inutiles sont supprimées. Une seule agence sanitaire de contrôle des médicaments et non deux par exemple.
10— Enseignement
Les universités sont le parent pauvre de l’enseignement supérieur depuis des décennies. On privatise les universités. Seules les meilleures vont subsister et les filières débiles et inutiles vont disparaître.
À ma grande surprise, c’est la mesure N°2 qui a provoqué le plus de débats !
Je l’ai défendue, car elle me parait tout aussi cohérente que la mesure N°1 même si, objectivement, elle est moins importante.
J’avoue que certaines de mes mesures sont « symboliques » : elles visent aussi à faire évoluer les mentalités et pas seulement le cadre qui régit notre pays. Car l’une (les mentalités) entrainera sûrement l’autre (le cadre juridique et sociale).
Dans les jours qui viennent, je vais détailler chacune de ces mesures sur mon blog, car, énoncer ainsi, ça fait un peu court… Je sais bien que certaines de ces mesures vont me faire passer pour le dernier des fachos, mais je préfère encore cela à être vu comme un bien disant politiquement correcte parfaitement inutile.
Ce week-end, j’ai eu l’occasion d’apprécier une journée entière de roulage sur le tracé du « driving center » du circuit Paul Ricard. Avec mon fils Val, nous avions loué deux Ducati : une Monster 821 pour moi et une Panigale 959 pour lui. Le matin, la piste était encore humide, mais, dès après la pause déjeuner, le circuit était parfaitement sec et nous avons pu piloter « libérés ». Val est bien plus rapide que moi, mais, cette fois, grâce à l’agilité de la « petite » Monster, j’ai pu rester quelquefois avec lui parce que le tracé du driving center est très sinueux et vraiment pas rapide (pour des raisons évidentes de sécurité… si vous voulez aller très vite, privilégiez le vrai tracé du circuit, là vous aurez de quoi faire !).
En arrière-plan, le grand tracé du Paul Ricard, sous un beau soleil en plus !
Cette agréable journée de roulage était également l’occasion pour moi d’essayer enfin une Ducati. En effet, avec KTM, c’était la seule marque dont je n’avais jamais essayé de moto. Alors, la légende Ducati est-elle à la hauteur de sa réalité ?
Ai-je été sensible à la « magie des motos rouges » ?
Dans l’ensemble, on peut dire que oui. Entendons-nous bien, je ne suis pas un fan-boy. J’ai essayé et apprécié des Harley, mais jamais je ne tomberais dans le travers de dire « une Harley ou rien ». Pareil pour BMW, Triumph et d’autres marques à la forte identité. Ce qui m’intéressait ici, c’était de comprendre pourquoi ces machines pouvaient susciter la passion.
Lui sur la Panigale, moi sur la Monster… ça va !
Je n’ai roulé qu’avec la Monster. La Panigale, avec sa position de conduite sportive radicale, ne m’intéressait pas. Le feeling avec une moto repose aussi sur des points importants comme celui-là : rouler quasiment à plat ventre sur le réservoir, ça me rebute même si c’est efficace (heureusement, sur le tracé du driving center, ce n’était pas un handicap). Je dois avouer que j’ai été très séduit par cette moto qui m’a vraiment facilité les choses : souple (à condition de ne pas exagérer) et puissante (et avec un très beau bruit, ce qui ne gâche rien), la Monster est aussi redoutablement facile à placer, car elle freine bien (avec l’ABS qui se déclenche quand il faut) et tourne sans rechigner, sans que son pilote ait besoin de faire un effort pour la placer sur l’angle ou la relever. Le seul défaut que j’ai réussi à trouver, c’est juste un détail : j’aurais bien aimé avoir un indicateur de rapport engagé (j’en profite pour signaler que la boite est vraiment bonne à condition de bien appuyer sur le sélecteur pour rétrograder : j’ai eu quelques loupés à ce niveau-là, car je me contentais de « caresser » le sélecteur au lieu de bien faire le geste), ça m’aurait évité quelques erreurs dans les virages lents du tracé.
Val s’est vite bien entendu avec la Panigale !
Val a moins d’expérience que moi de la diversité des machines et il n’avait que la Honda CBR 600 (un peu) et la Yamaha R6 (surtout) comme points de référence. Mais il a beaucoup apprécié la facilité de la Panigale qui semble moins exigeante que la R6 : la souplesse et la disponibilité du bicylindre desmo permettent d’éviter d’avoir à cravacher comme avec la R6.
La Monster est tellement « facile », qu’on est vite à l’aise dessus…
Au final, nous avons passé une journée sublime, sous le soleil et avec des machines envoutantes. Rouler sur circuit est quand même la meilleure façon de découvrir des motos sportives, sans conteste.
Cette journée de roulage était encadrée (très bien) par 4G moto. Nous avions déjà fait un stage avec l’école De Radigues qui est également très bien. Voilà des adresses que je vous recommande…
Voici un extrait de la conclusion de « Cette révolte qui ne viendra pas« . Mon livre « sur les questions de société » qui est déjà en quatrième édition…
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La grande inversion
Ce qui a changé fondamentalement dans notre rapport à la bêtise c’est l’inversion de la diffusion. Je m’explique : auparavant, les moyens de diffusion étaient principalement réservés aux élites. Peu importe ce qu’on a comme définition au mot élites, en gros il s’agissait de peu de gens qui s’exprimaient sur quelques sujets avec un niveau de qualité relativement élevé. On pouvait ne pas être d’accord avec ce qui était exprimé, il y avait également un filtre politique qui faisait que toutes les idées ne pouvaient pas s’exprimer mais, d’une façon générale, l’expression était d’un niveau assez bon.
À l’inverse, l’idiot du village, lui, n’avait pas accès à ces moyens d’expression. À cette époque, le pire qu’on puisse imaginer, c’était les chansonniers de cabarets. Ceci correspondrait au niveau d’expression le plus bas qu’on pouvait trouver à la naissance des médias de masse, puisque ces chansonniers de cabarets pouvaient passer à la radio, mais leur temps d’antenne était minoritaire par rapport aux autres contenus de qualité. Ce qui a changé fondamentalement avec notre époque c’est que justement, les moyens d’expression ont été mis à disposition des masses. On peut même dire, on doit même dire « ont été abaissés » jusqu’aux masses et les masses s’en servent.
On le constate également au sein de ses médias, on va inviter et mettre en avant, voir même glorifier dans une certaine mesure des gens qui ont un niveau bien plus réduit voire même pas de niveau du tout. Et ce même par rapport aux chansonniers d’avant-guerre. Ceux-ci n’étaient pas des références, n’étaient pas formidables, mais se tenaient quand même à peu près. Par exemple, j’ai toujours détesté Maurice Chevalier, mais finalement, Maurice Chevalier n’était jamais qu’un chanteur de variétés, comme il en a existé beaucoup d’autres. Dans les années 70-80, il y avait des artistes à peu près corrects, et il y en avait plein d’autres dont on devrait avoir honte encore aujourd’hui. Mais il y avait quand même un relatif équilibre dans la mesure où la médiocrité n’était pas omniprésente.
Aujourd’hui en matière de variété ou tout du moins dans ce qu’on appelle être l’équivalent de la variété, c’est presque invariablement d’un niveau très bas. Quand on voit le niveau de certaines personnalités mises en avant on est même très loin du talent des chansonniers d’avant-guerre. On peut même s’interroger sur la compétence ou le talent de base qui justifie qu’on invite, qu’on donne une tribune, qu’on donne une voix à des gens qui, il faut bien reconnaître, n’ont rien à dire. Sans avoir besoin de chercher très loin on a tous en mémoire les absurdités proférées à l’antenne par telle ou telle de ces personnes qui ont pour seul le mérite d’avoir faire rire (grassement) les plus abrutis d’entre nous.
C’est avec les réseaux sociaux qu’on a l’illustration la plus éclatante de cette grande inversion. La masse s’est emparée de ces services et en fait un usage intensif pour partager et diffuser largement les contenus les plus désolants.
Donc, nous sommes en présence d’une inversion. Il s’agit bien d’une inversion des contenus qui sont diffusés : auparavant des moyens de diffusion qui étaient rares et qui, du coup, étaient réservés aux gens qui avaient quelque chose à dire. Ça ne veut pas dire que c’était tout le temps excellent et que c’était tout le temps diversifié, comme on l’a vu plus haut, il y avait des filtres et il y avait des inégalités. Mais, dans l’ensemble, les contenus étaient de qualité et la médiocrité était relativement rare. Aujourd’hui c’est radicalement différent, c’est comme si il n’y avait plus aucun filtre, et qu’on donne la parole même à ceux, et j’ai envie de dire surtout à ceux, qui n’ont rien à dire, qui n’ont absolument rien à faire valoir et qui sont simplement des bouffons. Des bouffons au sens originel du terme c’est-à-dire des gens qui sont censés amuser les puissants. Mais justement, c’est là où la notion de puissants a changé, autrefois le puissant c’était le prince, le capitaine, le tyran, etc. Aujourd’hui le puissant, c’est la foule. C’est l’opinion publique, c’est la masse. C’est dans ce changement qu’on trouve et qu’on comprend ce phénomène d’inversion.
Cette conclusion est sombre, tout autant que le contenu de cet ouvrage. Pourtant, il ne tient qu’à nous, de changer les choses et d’abord à notre propre niveau. Voici donc mon plan pour que vous tous, vous redeveniez des êtres humains pleins et entiers : debout, dignes, fiers et autonomes.
Mon plan pour redevenir un être humain
Étape 1 : éteignez la télé. Oui, il le faut et définitivement. Non, il n’y a pas une seule chaîne qui mérite d’échapper au couperet. Éteignez la TV, débranchez le cordon et rangez-la à la cave sinon à la déchetterie.
Étape 2 : éteignez la radio. Mais oui, elle aussi. Non, il n’y a pas non plus, hélas, une seule station qui mérite d’échapper au couperet. Même France Culture est en chute libre et les exceptions genre « Là-bas si j’y suis » sont trop rares pour que le « poste » mérite d’échapper à la casse.
Étape 3 : si vous le faisiez encore, arrêtez de lire les journaux. Là encore, hélas trois fois hélas, rien ne mérite d’échapper au feu ou, au moins, à la poubelle. Quand on voit où sont tombés des quotidiens comme « Le Monde » ou des hebdos comme « L’Express », ça permet de comprendre où nous sommes rendus, tout en bas. Inutile donc de perdre du temps avec ces torchons.
Pareil pour les sites Web, même des nouveaux titres comme Rue89. Ils ont montré maintes fois leur collusion avec les organes de propagandes officiels et ne servent donc qu’à relayer la pensée unique et le politiquement correct, à fuir !
Étape 4 : refusez les contraintes obligatoires genre vaccinations, habituez-vous à appliquer la désobéissance civile quand c’est nécessaire (et ce réflexe risque de se multiplier à l’avenir).
Étape 5 : remettez en cause les évidences qu’on vous a inculquées pendant des années, habituez-vous à penser par vous-mêmes (sinon, d’autres le feront à votre place… Pour la plupart, c’est déjà en cours). Revisitez l’histoire (qui est une sorte d’actualité passée, une analyse correcte de l’histoire passée permet de mieux comprendre l’actualité présente) et vous percevrez mieux combien les mensonges d’hier ressemblent à la propagande d’aujourd’hui.
Une fois que ces cinq étapes seront franchies, respirez à fond et souriez : vous êtes redevenu un être humain, un vrai. Et personne, aussi habile et mal intentionné soit-il, personne ne pourra vous retirer cela.
Comme souvent, je suis allé retrouver Cyrus à Helice Motos pour encore essayer des modèles de la gamme du constructeur allemand. Après la mémorable Nine T ou le scooter C650, cette fois, je voulais vraiment tester l’un des modèles équipés du bicylindre Rotax.
Car je me suis toujours demandé pourquoi BMW avait ajouté ces machines à sa gamme, surtout avec un moteur étranger. Du coup, je voulais voir ce que ça donnait comparer à la récente série des MT de Yamaha ou les NC de Honda. Pour m’accompagner, Cyrus prit une grosse R1200RT en me disant « tu essayeras celle-là aussi, tu vas voir… ».
Et nous voici sur notre terrain de jeu habituel, celui de Cyrus plus exactement. Et, comme à chaque fois, j’ai du mal à le suivre. Du coup, ça m’oblige à tirer sur la F800R qui répond bien. Cette machine est très facile à prendre en main : la position de conduite est bonne bien meilleure que sur la MT07 !), elle freine bien et supporte sans broncher mes erreurs et corrections de trajectoires alors que je tente de garder Cyrus en ligne de mire !
Le moteur pousse bien aussi. Il est annoncé pour 90 ch mais, surtout, il pousse dès les bas régimes, j’aime ça !
En revanche, il ne semble pas trop apprécier d’aller haut dans les tours : dès qu’on passe 6000 tr/mn, il commence à vibrer. Manière de vous dire « hé, ça y est, je t’ai donné tout le couple que j’avais, passe la vitesse supérieure maintenant ! »… Bref, une « basique » intéressante, à la hauteur de la concurrence, mais pas une machine inoubliable non plus. Ces modèles sont là pour offrir une « entrée de gamme » à prix raisonnable. Manière d’inciter le motard débutant à entrer dans la marque…
Une fois ma curiosité assouvie sur ce point, j’avais hâte de prendre le guidon du « navire amiral » !
Souvent, j’ai interrogé des propriétaires de ce « bateau » afin de savoir si le poids de la machine n’était pas trop présent… Les réponses rassurantes sont une chose, pouvoir prendre le guidon et s’en rendre compte par soi-même, c’en est une autre… Une fois en selle, tout va bien à condition de pouvoir sortir de la place de parking où j’ai trouvé la moto : en effet, dans un creux, pas facile de manoeuvrer le monstre, surtout en reculant !
Heureusement, Cyrus est venu me tirer de cette situation en poussant la moto, tout simplement. C’est là où une marche arrière (oui !) serait la bienvenue en fait…
Une fois lancé, fini les doutes et les appréhensions : la R1200RT est un vrai vélo !
Oui, je sais qu’on lit cela trop souvent, mais, cette fois, c’est vraiment l’impression que cela fait : je comprends mieux Cyrus qui me disait « tu vas voir, c’est même plus facile qu’avec la F800R ! ». Donc, non, le poids du paquebot débordant de carénage et d’équipement ne se sent pas, vraiment pas et ça, c’est la première grosse surprise. La seconde, c’est que cette débauche d’équipement a du bon : j’ai adoré les poignées chauffantes (et la selle aussi !). L’ABS est bien là, mais il n’est pas trop intrusif. Et puis, cerise sur le gâteau, le pare-brise remonte assez haut (commande électrique au guidon), pas comme sur la FJR1300. Il n’est pas non plus affecté par des reflets gênants comme sur la Kawasaki 1400GTR.
Non seulement la R1200RT est très à l’aise dynamiquement (maniabilité, tenue de route, freinage), mais le moteur déborde de santé aussi. Et là, deux points à noter : tout d’abord, ma machine était équipée d’un « shifter » qui permet de monter (mais aussi de descendre !) les rapports sans débrayer et même sans couper les gaz !
Du coup, on ne perd rien quand on veut accélérer et ça m’a bien aidé pour rattraper la F800R à chaque sortie de virage. Et puis, pour une fois, le bruit est très sympa. Là encore, l’équipement fait la différence : ma machine était dotée d’un pot spécial qui ajoutait vraiment à l’ambiance, rien à voir avec le bruit de « bouillotte » qui m’avait tant déçu lors de mon essai de la R1200R (version dépouillée du flat-twin).
Objectivement, la R1200RT est une superbe machine, très réussie, très aboutie en fait. J’ai même poussé le vice jusqu’à la mettre sur la béquille centrale. Un test en apparence anodin mais qui en dit long sur l’équilibre atteint ou pas… Et là, 10 sur 10 !
Oui, on peut mettre ce paquebot sur la centrale sans effort ou presque. C’est un test que je vérifie souvent, car il en dit long sur comment les aspects pratiques ont été traités par le constructeur…
On sent les années d’expérience de BMW sur ce genre de moto. C’est que la saga des RT remonte à 1978 déjà avec la R100RT dotée d’un carénage intégral, comme la R100RS, mais plus grand tourisme avec un pare-brise plus haut, entre autres.
Depuis cette époque, cette machine n’a pas arrêté d’évoluer (alors qu’elle-même venait déjà d’une longue tradition). En 87, elle passe au monoamortisseur à l’arrière.
En 95, grosse évolution avec le passage au boxer à quatre soupapes par cylindre et refonte du carénage. C’est la R1100RT.
En 2001, petite augmentation de cylindrée avec la R1150RT et un carénage encore évolué.
La première version de la R1200RT apparait en 2005 avec un carénage complètement refondu (et pas très réussi sur le plan esthétique… ça s’est arrangé par la suite).
Les machines exceptionnelles se reconnaissent facilement : elles ne sont pas éphémères, elles creusent leur sillon et marquent le paysage du marché de la moto. Elles ne sont pas nombreuses à avoir réussi cela. La R1200RT en fait partie, je le sais maintenant.
Cet extrait de mon livre « Hacking » se situe au moment où l’équipe chargée de pénétrer les serveurs de la DGSE (et missionnée par la DGSE elle-même, une mission de type « attaque préventive ») se réunit pour la première fois…
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6- L’équipe est constituée
Après-midi du mardi 3 avril 2009. Local d’Office Magenta.
Clément, Bertrand et Thierry se retrouvent pour leur première réunion de travail…
Clément- Thierry, comme tu es le dernier arrivé aujourd’hui, tu pourrais peut-être nous dire comment tu comptes t’y prendre pour rassembler des informations sur l’informatique de la DGSE ?
Thierry- Mais certainement Boss… Pendant que vous étiez tous les deux en train d’essayer de connecter vos portables de frimeurs au réseau miteux de cette boutique, moi j’étais sur le terrain et je sais déjà comment pénétrer les locaux de l’adversaire… Et j’ajoute que j’y serais déjà parvenu si je n’avais pas été obligé d’assister à votre réunion pourrie où je ne vais rien apprendre vu votre niveau d’ignorance totale sur la cible !
Bertrand- Thierry, tu ne peux pas nous parler comme cela; sinon, ça marchera jamais et on a besoin de se coordonner tous les trois…
Thierry- Ah pardon, moi, je n’ai pas besoin de votre coordination moisie. Je travaille en solo comme j’ai toujours fait… Et de toute façon, qu’est-ce que vous pourriez m’apporter ?
Rien, zéro, nada : vous ne savez rien, vous n’avez pas d’idée, vous attendez que je vous mâche le boulot !
Voilà en quoi ça consiste votre gestion de projet et coordination à la mords-moi-le-nœud !
Clément- Bon, je vois que les échanges vont être super-constructif avec le petit génie que tu nous as amené là, Bertrand; on va bien s’amuser tous les trois !
Mais en dehors d’afficher ton mépris pour les abrutis qui vont t’aligner 1 000 euros avec le sourire, en quoi ta supériorité manifeste est-elle justifiée, Môssieur le génie ?
Thierry- Je vous aurais déjà expliqué ce que j’ai réussi à savoir si vous ne m’interrompiez pas toutes les deux secondes avec vos pleurnicheries de donzelles vexées. Donc, j’étais ce matin 141 bd Mortier, adresse officielle du siège de la DGSE, pour constater que l’entrée est bien gardée mais le contraire aurait été étonnant. J’ai pu soudoyer le planton qui était dans le sas, en lui racontant que je préparais un reportage pour une chaîne de la TNT. On a déjeuné ensemble au moment de sa pause et je sais qu’il faut un badge même pour passer l’entrée principale. Même le nettoyage des bureaux n’est pas confié à une société extérieure, tout est traité en interne, pas moyen de passer par ce biais.
En fait, le planton n’est là que pour compter les entrées et les sorties ainsi que de vérifier le bon fonctionnement du système de caméra de surveillance interne.
Bertrand- Et ce fameux badge, tu sais de quel type il est ?
Tu crois qu’on peut le reproduire ?
Thierry- Pas besoin de le reproduire car j’ai volé celui du planton !
Clément- Hein ?
C’est pas malin ça : le type va s’en apercevoir et donner l’alerte… Ton badge va être invalidé et ils vont être deux fois plus sur leur garde… Dans ces conditions, tu vas jamais pouvoir y entrer…
Thierry- Quand vous aurez enfin compris qu’il vaut mieux me laisser parler, j’aurais le temps de vous dire que j’ai au moins une semaine devant moi avant que le planton ne s’en aperçoive et éventuellement signale la disparition du badge en question… En effet, le garde en faction change tous les jours et le roulement se fait à partir de la garnison des cadets qui sont stationnés au Val de Grâce… Donc, j’ai au minimum une semaine pour faire le boulot, pas d’affolement. Mon type en question en avait fini avec sa garde, juste au moment où j’ai pu l’aborder; j’aurais quasiment pu le raccompagner au Val de Grâce.
Bertrand- Donc, tu peux y aller dès demain alors ?
Thierry- Oui, je ne vais pas tenter d’y aller le soir et me faire remarquer comme un nigaud que je ne suis pas. Je vais me glisser dans le flux normal des horaires habituels. Normalement, dès demain je passe la matinée là-bas. Je vous retrouverai demain après-midi pour une nouvelle réunion de coordination pourrie que vous aimez tant, bande de lamers.
Clément- Profite-en pour changer de ton avec nous car je ne vais pas supporter tes remarques désobligeantes très longtemps… En attendant le récit de tes prochains exploits, je vais te dire ce qu’on cherche en priorité…
Thierry- Oui, ça au moins cela me serait utile…
Clément- Il nous faut les adresses IP des serveurs, n’importe quels serveurs, il nous faut rien qu’un point d’entrée… À partir de là, on pourra commencer à se débrouiller.
Bertrand- Essaye aussi de savoir quelles sont les applications utilisées, les annuaires d’utilisateurs ou la config réseau… Tout ce qui peut nous servir à nous orienter; une fois connectés sur leur intranet, le moindre truc sera utile.
Thierry- Eh, vous ne voulez pas que je vous rapporte un de leur serveur pendant qu’on y est ?
Une fois dans la place, je vais voir ce que j’y trouve : je ne peux rien promettre à l’avance… Attendez au moins jusqu’à demain et là, je pourrai vous en dire plus.
Voici un extrait de mon livre « Racing ou le parcours tardif d’un passionné« . J’ai choisi ce passage parce qu’il me parait significatif d’une certaine ambiance au tout début des années 80 (cet épisode se déroule en mai 1979). J’arrive à Montlhéry pour la 3e manche du Challenge Honda 125…
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Je prends le temps de faire le tour du « camp » et je retrouve mes camarades. C’est que, lors des deux dernières courses, j’ai eu le temps de lier quelques connaissances. Nous formons un petit groupe homogène de débutants sans prétention et aux résultats limités.
La compétition, c’est l’aventure !
Je prends des nouvelles des absents, la plupart du temps éloignés des circuits suite à une mauvaise chute. Nous nous apitoyons brièvement sur le cas de tel ou tel, touché à la tête et qui tarde à revenir. En dehors de cette « revue des blessés », nous rions franchement à l’énumération de nos propres conditions physiques (une belle panoplie de fractures à peine ressoudées nous rend encore plus proches les uns des autres, il est étonnant de voir des garçons si jeunes déjà si marqués par les accidents). C’est moi qui décroche le pompon avec ma broche dans la cuisse, dont l’extrémité est bien visible à fleur de peau… Je suis aussitôt surnommée « brochette » par la petite bande rigolarde !
En vérité, cet épisode est significatif d’un aveuglement collectif : les concurrents disparaissaient les uns après les autres pour diverses raisons et personne ne s’en inquiétait. Pour cette jeunesse épargnée par les guerres et vivant dans un pays riche, il était naturel d’aller risquer sa santé (voire sa vie) sur des pistes de bitumes afin de décrocher un trophée en fer-blanc. Avec le recul, je m’aperçois combien la compétition mécanique a remplacé les affrontements militaires dans bien des aspects. Pour un jeune de notre temps, c’est une façon de vivre l’aventure, la vraie avec tous ces aspects et tous ces dangers.
Engagez-vous et vous verrez du pays, affrontez-vous et vous deviendrez des hommes, triompher des autres et vous deviendrez célèbre. Le champion construit son ascension sur la pile de « cadavres » qu’il laisse derrière lui. Tous ces cadavres ne sont pas seulement des morts, des blessés ou des mutilés, il s’agit aussi de destins brisés, d’ambitions contrées, de vocations déçues et d’espoirs ruinés (au sens propre aussi d’ailleurs…).
Pour chaque réussite, le démon de la compétition exige mille ou même dix mille échecs en contrepartie. Pour avoir le droit de participer au grand tirage au sort, pour avoir sa chance de sortir du lot, chacun est prêt à tout : vendre ses biens, travailler sans compter dans des emplois sans intérêt et même, affronter la douleur physique des conséquences d’une mauvaise chute. Mais, bien sûr, personne ne pense à cela au départ. Tous sont tendus vers leur unique but : la victoire, le sourire de la déesse de pierre.
Voilà un troupeau bien docile, volontaire même et à qui l’on peut tout demander (et le microcosme qui gravite autour –médias, organisateurs, préparateurs, etc.- ne manque pas d’exploiter ce filon par tous les bords).
Comme promis, voici le chapitre suivant de la saison 1970 du Dr Miracle…
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Piech & Porsche
Crombac avait raison et j’ai eu la chance d’être pile dans le bon timing lorsque je rencontrais Ferdinand Piech. Après un premier contact par téléphone, celui-ci m’invita à venir chez lui, à Stuttgart. Piech était de la famille Porsche (neveu de Ferry Porsche) et il était connu pour son ambition et sa créativité. Il parlait un anglais rocailleux et on sentait qu’il n’avait pas de temps à perdre en bavardages polis et autres conventions sociales. Il me dit tout de suite ce qui le souciait : Porsche ne gagnait pas.
— Porsche ne gagne pas ?
Pourtant, à part Sebring, vous avez largement dominé Ferrari dans toutes les manches du Championnat du monde jusqu’ici, non ?
— Ach, vous ne comprenez pas : ce sont MES Porsche qui ne gagnent pas !
Certes, Porsche est largement en tête du Championnat du monde, mais c’est uniquement grâce à Wyer. Ce que je veux, c’est lui faire ravaler son arrogance à ce vieux « death ray ».
Ferdinand Piech en 1970.
Je connaissais John Wyer de réputation et, effectivement, il était surnommé « le rayon de la mort » à cause du regard noir qu’il pouvait vous adresser quand les choses ne se passaient pas comme il le voulait. Le vieux gentleman était extrêmement compétitif… tout comme Ferdinant Piech en fait. L’allemand m’expliqua en détail une histoire que je ne connaissais que partiellement : c’est lui qui était à l’origine du projet 917, les voitures qui triomphaient désormais, mais qui avaient été difficiles à mettre au point durant la saison 69. Hélas, cette saison avait été coûteuse, car il avait été nécessaire de mener de front l’amélioration des 917 tout en continuant à travailler sur les 908 afin d’assurer la victoire au Championnat du monde des voitures de sport. Pire, la construction anticipée des 25 prototypes type 917 nécessaires pour l’homologation avait engendré des dépenses exorbitantes pour un constructeur comme Porsche qui était encore de petite taille à cette époque.
Ferry Porsche, le patriarche et président de la firme a fini par prendre peur et a voulu contenir les « ambitions délirantes » de son neveu. Le titre obtenu en 1969 avait coûté bien trop cher à ses yeux, surtout que la victoire au Mans avait de nouveau échappé aux voitures allemandes en dépit de la présence d’une véritable armada (tout comme en 1968). Ferry avait décidé de se rapprocher de l’ennemi d’hier : John Wyer. Le deal proposé était simple, habile et avantageux pour les deux parties : Porsche fournissait les voitures (des 917 principalement, mais aussi des 908 pour la Targa Florio et les 1000 km du Nurburgring où il avalait mieux privilégier la maniabilité à la puissance) et Wyer les faisait courir avec l’aide de son sponsor, le pétrolier Gulf.
Dès le début, cette « dream team » donna de bons résultats : doublé aux 24 heures de Daytona, victoire à Brand Hatch, Monza, à la Targa Florio et à Spa. Porsche dominait le Championnat du monde et Ferrari peinait à figurer honorablement avec les puissantes, mais perfectibles 512s. Bien entendu, Piech ne voulait pas laisser Wyer récolter les lauriers avec son projet, la fabuleuse Porsche 917 enfin arrivée à maturité. Il ne pouvait plus dépenser librement l’argent du département course du constructeur, mais il trouva une solution astucieuse : il monta une équipe de toute pièce avec l’argent de sa mère, Louise Piech, la soeur de Ferry. En effet, celle-ci détenait Porsche Autriche et c’est avec le nom de Porsche Salzburg que Piech avait pu s’aligner en compétition bien décidé à concurrencer les Gulf Porsche de John Wyer.
Mais, en dépit du fait qu’il avait pu garder Vic Elford, les résultats tardaient à venir. « Quick Vic », comme on le surnommait était toujours une pointure, mais une équipe ne peut reposer sur un seul pilote, aussi talentueux soit-il…
— J’ai été obligé de céder Brian Redman et Jo Siffert à Wyer, mais j’ai tout de même pu garder Elford et celui-là vaut bien les autres. Mais mon problème, ce ne sont pas les pilotes, j’en suis sûr. Mon problème, c’est que mes voitures sont toujours accablées d’ennuis alors que celles Wyer passent à travers… Je veux que ça cesse, je veux qu’on gagne enfin !
De plus, ce vieux bonhomme ose dire que c’est grâce à lui que les 917 marchent bien cette saison.
Là aussi, l’histoire était connue et représentait comme du sel sur la plaie de Ferdinand : lors d’un test à Zeltweg fin 69, John Horsman, l’ingénieur du team Wyer qui était là en tant « qu’observateur », avait mis le doigt sur le fait que l’aileron arrière semblait être mal alimenté par le flux d’air. La forme ondulante du capot déviait le flux à cet endroit critique… En bricolant un capot présentant une pente douce montant vers les spoilers, Horsman avait permis de changer radicalement le comportement de la voiture que testait alors Brian Redman ce jour-là. C’est grâce à cette découverte aérodynamique que la 917 était devenue tout d’un coup l’engin à battre. Piech n’avait pas apprécié que ce soit cet « étranger » qui contribue à la touche finale de son joyau… ça peut se comprendre.
— Bref, je veux que vous fassiez une enquête au sein de mon team afin de déterminer ce qui manque ou ce qui ne fonctionne pas. La semaine prochaine, nous serons tous aux 1000 km du Nurburgring. Elford y est déjà avec une équipe réduite afin d’évaluer si la 917 pourrait y être compétitive ou si nous devons prendre les 908-3 comme en Sicile. Ce rendez-vous est presque aussi important que les 24 heures du Mans, surtout pour nous autres Allemands !
Je veux battre Wyer dans l’Eiffel (le circuit du Nurburgring est situé dans le massif de l’Eiffel). Si vous m’obtenez cette victoire, je peux vous promettre que nous travaillerons longtemps ensemble.
Puisque j’avais décroché la mission, je me mis au travail aussitôt et je rejoignis le Nurburgring pour assister à la fin de la préparation pour les 1000 km. Je fus reçu par Helmut Bott qui supervisait cette séance étalée sur plusieurs jours. Herr Bott était le responsable du département R&D de Porsche, mais, comme il me l’expliqua lui-même, ses responsabilités pouvaient être diverses et variées…
— En ce moment, je peux dire que je supervise Ferdinand à la demande de son oncle. Ferry est très satisfait de l’accord avec Wyer et il n’a pas envie de voir son turbulent neveu tout mettre par terre alors que les résultats sont là. D’un autre côté, tout le monde chez Porsche est conscient que c’est grâce à l’ambition et à la créativité de Ferdinand si on arrivé à ce niveau de compétitivité, alors…
— Alors Ferry Porsche essaye de ménager le chèvre et le chou, c’est ça ?
— Oui, exactement, comme vous dites vous les Français !
— Mais alors, qui gère cette équipe « Salzburg » en fait ?
— Ach, c’est une partie du problème… Normalement, c’est Rico qui est en charge.
— Rico ?
— Oui, Rico Steinemann. Rico était un bon pilote qui a raccroché fin 68. Depuis, il travaille pour nous, surtout sur les aspects « relations publiques » comme on dit maintenant. C’est lui le team-manager en titre, mais, quand Ferdinand est là, c’est lui le vrai chef de cette écurie.
— Et vous ?
— Oh moi, j’ai passé l’âge d’essayer de m’imposer, surtout à quelqu’un comme Ferdinand !
Mais il est assez intelligent pour écouter mes avis quand je lui glisse qu’il faudrait faire telle ou telle chose d’une certaine manière.
— Vous disiez que la gestion de l’équipe était une partie du problème… quelle est l’autre ?
— Eh bien, Ferdinand est un innovateur, un peu comme Colin Chapman en fait. Pour lui, les choses ne sont jamais figées, il faut toujours chercher, faire reculer les limites et ça dans tous les domaines. Du coup, les voitures bougent tout le temps avec lui. Un exemple : à Monza, le moteur 4,9L était prêt, mais, bien sûr, Wyer n’en a pas voulu, car il ne voulait pas prendre le moindre risque sur la fiabilité. Du coup, on l’a mis sur la voiture d’Elford.
— Et ?
— Et c’est Wyer qui a gagné !
— Le moteur n’a pas tenu ?
— On a pas eu le temps de s’en rendre compte, car Vic est sorti de la piste à cause d’un pneu qui a éclaté.
— Pas de la faute du moteur, ça…
— En êtes-vous si sûr ?
Et si c’était le surcroit de puissance par rapport au 4,5L qui avait causé le stress du pneu ?
Bref, tout ça pour dire que si on veut aligner les résultats, il vaut mieux être conservateur comme Wyer.
— Oui, évidemment.
— Du coup, Piech et Wyer, c’est comme le feu et l’eau. Ces deux-là ne peuvent pas s’entendre, car ils ne peuvent pas se comprendre. Pour Piech, Wyer est un vieux bougon qui ne sait dire que « non » à toutes ses propositions. Pour Wyer, Piech n’est qu’un trublion qui ne connait pas les fondamentaux du sport automobile et ne sait pas gérer une écurie. Pas étonnant que Ferdinand veuille battre l’écurie Gulf à tout prix !
— Et vous arrivez tout de même à collaborer avec Wyer ?
— Oh oui, tout le monde arrive à travailler avec Horsman et Yorkes car ce sont des types intelligents et compétitifs. Eux veulent gagner et savent ce qu’il faut faire pour cela. Et nous, nous sommes contents, car ce sont des Porsche qui sont devant. Il n’y a que Ferdinand pour être frustré par la situation. Encore que je pense que sa mère, Louise, aimerait bien aussi en remontrer à son frère et c’est pour cela qu’elle a largement ouvert sa bourse pour son fils. Car tout cela coûte cher !
Et nous, chez Porsche, nous facturons tout; absolument tout, ordre de Ferry. On ne veut pas que Wyer puisse nous reprocher quoi que ce soit à propos de l’écurie Salzburg. Notre entente tient justement parce que Wyer sait que nous ne favorisons pas ce concurrent.
— Mais comment expliquer ce manque de résultat tout de même ?
— Assez simplement : manque de chance. En sport auto, c’est important la chance !
Jusqu’à maintenant, soit nous avons eu des problèmes comme à Daytona, Sebring et Monza, soit nous avons été surclassés par Rodriguez à Brands Hatch et Siffert-Redman à Spa. On peut poser la même question à propos des Ferrari : comment expliquer que l’armada rouge soit obligée de se contenter de sa victoire à Sebring jusqu’à maintenant ?
Et justement, la victoire de Sebring a été plutôt chanceuse, même eux le reconnaissent.
Et puis il faut aussi dire qu’Elford est un peu trop seul face à Rodriguez et Siffert qui sont de sacrées pointures. Siffert est secondé par Redman qui est un très bon pilote en plus. Mais nous, que nous reste-t-il ?
Herrmann, Attwood et Ahrens sont des bons pilotes, mais pas assez vites pour vraiment rivaliser avec Redman… Alors, que dire face à Siffert ou Rodriguez ?
Vic ne peut pas tout faire tout seul, c’est déjà un handicap. L’autre handicap, c’est la préparation des voitures. L’équipe de Wyer est focalisée sur la préparation, ils peaufinent les détails jusqu’à l’obsession. Y compris dans les arrêts aux stands, là aussi ils sont impeccables alors que nous… Bon, on quand même meilleurs que chez Ferrari où c’est toujours un joyeux bordel, excusez-moi de le dire ainsi !
Bref, pour en revenir à la préparation, nos voitures ne sont jamais aussi soignées que celles de Wyer et c’est normal : Ferdinand ne sait pas ce qu’est la stabilité. Il veut toujours tester des nouvelles pièces. Du coup, les mécanos passent leur temps à monter et démonter ces pièces « spéciales » au lieu de corriger les derniers défauts des châssis ou de l’habitacle.
À la fin de la journée, je pus coincer Helmut Flegl afin de l’interroger à son tour. Pas aussi décontracté que Bott, Flegl se plia tout de même à mes questions en soupirant…
— Vous voyez par exemple, Ferdinand a absolument voulu que nous fassions un test comparatif entre une 917 et une 908-3. Mais celui qui connait la Nordschleife vous dira que la 917 est bien trop lourde pour rivaliser avec la 908, surtout avec le dernier modèle qui a gagné la Targa Florio !
— Ferdinand ne connait pas la Nordschleife ?
— Si pourtant, mais il ne veut rien entendre. Il ne veut jamais se contenter de l’expérience, il veut toujours reculer les limites. Et puis, aussi, il aime tellement le projet 917 qu’il croit que cette voiture peut triompher partout.
Du coup, on a perdu du temps sur ce comparatif absurde au lieu de peaufiner les réglages de la barquette. Heureusement, Vic s’est pris un aigle dans le pare-brise avec la 917 et on a donc une bonne excuse pour la mettre de côté…
— Et c’est toujours comme cela avec Piech ?
— Oui, il est têtu comme une mule !
Et puis, c’est le patron tout de même. Enfin, le neveu du patron, mais c’est tout comme. Je crois qu’il n’y a plus que Ferry qui soit capable de faire plier Ferdinand désormais. Mais n’allez pas croire que je me plains de Ferdinand. Tout le monde l’adore en fait.
C’est grâce à lui si nous en sommes là. Et puis, pour le moment, on domine, mais rien ne dit que les Ferrari ne vont pas revenir dans la course et alors, on sera bien content que monsieur Piech ait des idées en réserve pour nous redonner l’avantage. Dans le monde de la course, faut jamais s’endormir sur ses lauriers ou les réveils sont difficiles !
Regardez Wyer qui est tout fier de sa préparation impeccable… Mais si on ne lui avait pas donné des 917, il ne serait nulle part aujourd’hui !
J’aimerais bien voir ce qu’il arriverait à faire avec des GT40 cette année… Et puis, quand il a essayé de construire ses propres voitures, les Mirages, il n’est arrivé à rien en terme de fiabilité. Donc, lui aussi en fait, il bénéficie du travail de Ferdinand.
Faut quand même avouer qu’il nous écoute, Helmut, Peter (Falk) et moi. Et ça lui évite bien des bourdes.
Pour finir, j’ai invité Vic Elford à aller boire un verre au bar du circuit. Et là, au milieu des photos de pilotes célèbres (dont pas mal se sont tués en course depuis…), Vic me donna le point de vue du pilote vedette…
— Oui, je sais, ils critiquent tous Piech, mais c’est normal : les génies sont toujours incompris. Or, c’est un génie, ce gars, rien de moins. Car il fallait du génie pour imaginer et imposer une voiture pareille !
Tiens, j’ai testé la 917 sur la Nordschleife, le circuit le plus difficile du monde… Eh bien, elle est quasiment aussi rapide qu’une légère barquette 908 qui danse facilement dans les enchainements. Et la longue queue, parlons-en de la longue queue !
En 69, plus personne ne voulait piloter la version longue de la 917, même après que nous ayons failli la faire gagner au Mans. Mais Piech ne renonce jamais et, à force de travail, il en a fait une voiture qui se pilote facilement désormais.
Lors des tests d’avril au Mans, j’étais facilement le plus rapide, mais Wyer n’en veut toujours pas. Je peux te dire que je compte bien enfin gagner Le Mans avec la longue queue après le Nurburgring. Et là aussi, ça sera grâce à Piech.
— Mais si la 917 est si bonne, pourquoi vas-tu piloter une 908 comme les autres finalement ?
C’est Falk qui m’a confirmé que vous n’alignerez pas de 917 pour les 1000 km.
— C’est vrai, sur un tour, j’arrive à aller aussi vite avec la 917 qu’avec une 908. Mais, évidemment, elle est plus fatigante à piloter qu’une barquette. Donc, le choix de la 908 est tout de même plus rationnel pour gagner sur la Norschleife. Mais ça ne retire rien à ce que j’ai dit : Ferdinand est capable de tout et je crois au génie de ce type.
Je me retrouvais un peu dans la même situation qu’avec Lagardère et Matra : un patron génial, mais dont les excès gâchaient le potentiel de l’équipe. Je ne savais pas encore comment éviter l’impasse dans laquelle je m’étais retrouvé avec la mission Matra. Mais, cette fois, ce n’est pas un rapport que je devais remettre, mais permettre à l’équipe de gagner. Comment faire ?
Finalement, je me souciais pour rien, car, cette fois, la chance a tourné et l’équipe Salzburg a triomphé lors des 1000 km. L’équipe Wyer a eu son lot d’ennuis sur ses deux 908-3 alors que Elford-Ahrens ont été épargnés. Piech et les autres exultaient et sortaient de cette épreuve avec un moral au beau fixe. La dynamique positive de cette victoire semblait ouvrir les meilleures perspectives pour l’épreuve phare de l’année : les 24 heures du Mans en juin 1970.
Vic Elford et Kurt Ahrens à l’arrivée des 1000 km.
Or, cette année, les 24 heures avaient un plateau incroyablement relevé : 51 voitures avec une majorité de prototypes 3 et 5 litres. Un affrontement au sommet entre Porsche et Ferrari qui alignaient pas moins de dix 512s (dont 5 longues queues toutes nouvelles et conçues spécifiquement pour Le Mans) et sept 917 (dont 2 longues queues très améliorées). Il y avait aussi une Ferrari 312, deux Porsche 908 (dont celle de Steve McQueen) ainsi que des prototypes 3 litres Matra (3) et Alfa-Roméo (4), etc., etc. La quantité et la qualité des voitures alignées atteignaient des sommets jamais vus, même au plus fort de la lutte Ford-Ferrari. Quel que soit le critère considéré, on pouvait dire sans exagérer qu’il s’agissait de l’épreuve du siècle !
Grâce à sa victoire dans l’Eiffel, Piech était enfin euphorique et mon aura était aussi particulièrement brillante auprès de lui même s’il était conscient que je n’avais pas eu le temps de faire grand-chose. Il m’appelait le « docteur miracle » et ce surnom m’est resté après coup. Peut-être pensait-il que je lui avais porté chance, mais, au moins, il m’écoutait.
Profitant à fond de ma crédibilité acquise par un sort favorable, j’insistais pour qu’il ne mette pas tous ses oeufs dans le même panier. OK pour miser à fond sur la performance avec la longue queue destinée à Elford-Arhens, l’équipage de pointe. Piech était d’autant plus optimiste que Wyer persistait à refuser d’aligner une longue queue et allait se contenter de courir avec trois coupés 917, dont deux équipées du moteur 4,9L. Je lui tenais ce discours qui écoutait d’une oreille distraite :
— Votre longue queue va être super performante, surtout entre les mains de Vic Elford. Vous pouvez viser la pole position et il va sans doute mener les premières heures de courses, comme en 69.
— Mieux qu’en 69 !
Nous avons beaucoup amélioré ce modèle en un an… Vic me dit qu’il est capable de prendre la cassure d’avant Mulsanne à fond désormais.
— Oui, c’est bien ce que je veux dire : vous avez un atout performance qui va vous permettre de contenir les Ferrari même si celles-ci se montrent bien plus efficaces qu’à Monza ou à Spa. Maintenant, il faut aussi vous doter d’un atout fiabilité qui va vous mettre à l’abri des mauvaises surprises…
— Le 4,9L est fiable désormais, Peter Falk me l’a garanti. Et j’ai même mis le nouveau, Norbert Singer, pour assurer que la boite soit bien refroidie. Vous voyez, j’ai tout prévu !
— Oui, sur le papier, ça semble parfait. Mais je vous suggère d’aller encore plus loin en misant sur un mulet qui fera la distance quoi qu’il arrive. Vous m’écoutez jusqu’au bout ?
— Allez-y, je sens que je ne vais pas pouvoir y échapper…
— Votre seconde voiture doit être un coupé 917, pas une longue queue. Elle sera plus facile à piloter s’il pleut. Elle sera dotée du moteur 4,5L, pas du 4,9L. Le « petit moteur » est incassable si on le manipule correctement. Et, justement, il faut lui mettre la boite à quatre rapports, pas la boite cinq.
— Et pourquoi ça ?
La boite à cinq rapports est un progrès par rapport à la boite 4.
— Oui, certes, mais c’est aussi un risque : plus vous avez à changer de rapports et plus vous risquez d’en manquer un et de faire un surrégime… Voilà pourquoi il faut assurer aussi de ce côté-là et se contenter de quatre rapports.
— Je vois… Les pilotes vont se trainer avec une telle configuration !
— J’en ai déjà parlé à Attwood et il est partant pour n’avoir que le 4,5L comme moteur. En revanche, il est plus réticent sur la boite de vitesses…
— Ah, vous voyez !
Et Hans Herrmann, que dit-il lui ?
— Il n’est pas très causant lui. Mais je pense qu’il pilotera ce qu’on lui donnera sans trop poser de questions… En revanche, il a une revendication très ferme…
— À savoir ?
— Il veut pouvoir se retirer de la compétition en cas de victoire, tout simplement. S’il gagne, Le Mans sera sa dernière course.
— Rien que cela !
Il oublie un peu vite qu’il a un contrat avec moi jusqu’à la fin de l’année…
— Je crois qu’il est important de bien motiver vos pilotes et si Herrmann sait que sa « liberté » est au bout de cette victoire, il fera ce qu’il faut pour cela.
— Hum… Vous pouvez bien lui promettre n’importe quoi, ce n’est pas avec un mulet pareil qu’ils vont pouvoir gagner la course.
La négociation avec Piech fut difficile, mais, à la fin, j’enlevais le morceau et il finit par me dire « je vous laisse la numéro 23, faites-en ce que vous voulez, mais la faute sera sur vous si elle termine dernière des prototypes ! »… J’ai ensuite été obligé d’user de beaucoup de persuasion pour convaincre Dick Attwood de se contenter de la boite à quatre rapports… Et, pendant que la bagarre faisait rage pour la pole position entre la longue queue d’Elford et les meilleures Ferrari, ma numéro 23, elle, ne se classait que 15ème. Piech me lança un regard ironique lorsqu’il consultait la feuille des temps et je dois avouer qu’à ce moment-là, je commençais moi aussi à douter du bien-fondé de ma stratégie « à coup sûr ».
La course débuta parfaitement pour Porsche : Elford était en tête devant Siffert et les Ferrari avait déjà perdu cinq 512s après seulement une heure !
Deux avaient cassé leur moteur et trois autres avaient été impliquées dans un accident après Arnage. La pluie qui était annoncée commençait à tomber et Wyer perdit deux de ces 917 : Hailwood sorti de la route alors qu’il était encore en slicks et Rodriguez grilla son moteur lorsque la turbine de refroidissement s’envola à Mulsanne. Après à peine trois heures de course, la situation était déjà bien éclaircie et beaucoup de favoris avaient disparu.
Alors que la pluie s’intensifiait, la nuit commençait à tomber et la longue queue d’Elford rentrait à son stand pour un arrêt imprévu : le moteur avait un problème !
La voiture repartit, mais elle ne marchait plus aussi bien qu’au départ. L’équipage Siffert-Redman dominait de la tête et des épaules quand Jo Siffert loupa un changement de vitesse juste en passant devant les stands. Je crois que tout le monde du entendre le hurlement du moteur à cause du surrégime qui en résulta… Siffert rentra aux stands le tour suivant avec un moteur qui crachait son huile, encore un de moins. Finalement, c’est ce vieux Renard de Jacky Ickx qui profita de la situation pour placer sa 512 survivante en tête. Le maitre de la pluie semblait apprécier les conditions qui étaient en train de devenir dantesques. Du côté de ma chère numéro 23, les choses progressaient favorablement puisque Herrmann se retrouvait second derrière Ickx peu après minuit. Mais Hans, qui en avait vu d’autres, décrivait les conditions de piste en peu de mots : « je n’ose même pas passer la 4 dans la grande ligne droite, c’est dire ! ». Ickx, pour sa part, ne semblait pas vouloir ralentir sa cadence et il était en train de prendre une grosse avance… Jusqu’à ce qu’il se fasse pièger au freinage de la chicane Ford. La grosse Ferrari était détruite et un commissaire de piste avait même perdu la vie dans l’accident alors que Jacky était seulement bien secoué.
À partir de là, tout le monde comprit qu’il s’agissait d’une épreuve de survie. Les voitures se trainaient à cause de la pluie et, à certains endroits, on voyait même les 911 aller plus vite que les prototypes !
Finalement, au matin, la pluie se calma et l’autre 917 longues queues (celle de Martini avec Larrousse au volant) remontait progressivement jusqu’à la seconde place. Le triomphe de Porsche était complet puisque c’était une 908-2L qui était solidement campée en troisième position devant les deux Ferrari 512s survivantes.
Porsche gagnait enfin les 24 heures du Mans après une course d’anthologie. Piech était rayonnant et même Ferry était ému. Bott me fit un clin d’oeil très significatif, car, en fait, c’est lui qui m’avait suggéré la configuration « super-safe » de la numéro 23. Après cette victoire, Piech voulut me confier une autre mission : vendre son écurie Salzburg à Hans Ditier Dechent qui avait réussi à se classer second avec la longue queue Martini que tout le monde appelait déjà « the hippy, car » à cause de sa décoration psychédélique très réussie.
Mais, entretemps, j’arrachais son autorisation de répondre à un appel prestigieux : le commendatore Enzo Ferrari voulait me voir…
Comme je vous l’annonçais ici, j’ai mis la main sur une Suzuki GS750 de 1976 quasi neuve. La moto a hiberné longtemps (mais dans de bonnes conditions : pas dans une grange sous la paille !) mais elle commence sa vie active pour de bon avec moi désormais.
Ma GS750 de 1976 brille au soleil !
Comme vous pouvez le constater sur la photo, la moto est magnifique et, en plus, elle fonctionne parfaitement ce qui ne gâche rien…
Je commence à m’y habituer en finissant le rodage (elle a encore moins de 2000 miles !) et, du coup, j’arrive mieux à cerner sa personnalité. Principal défaut : une poignée de gaz au tirage trop long. La commande est douce (comme toutes les autres) mais il faut vraiment essorer la poignée pour appeler tous les chevaux !
C’est dommage car, de la cavalerie, il y en a : passé 6000 tr/mn, on a l’impression d’avoir un missile entre les jambes !
La poussée change, le bruit change, la vitesse de défilement change… si vous voyez ce que je veux dire.
En dehors de cela, la principale qualité de ce moteur, c’est la souplesse : une incroyable élasticité qui fait qu’on ressort des virages lents en quatrième à moins de 2000 tours et ça enroule sans problème, sans rechigner, avec juste un sifflement qui s’amplifie au fur et à mesure qu’on monte dans les tours. Le bruit moteur n’est pas aussi beau que celui de la Z1000 et il est loin d’être aussi sourd que celui de ma Breva ou, inaccessible, celui de la Triumph Bonneville T140 essayé dernièrement, mais il a son cachet. Surtout, ce qui choque, c’est l’absence de bruit mécaniques divers : le son du moteur est très homogène, c’est l’effet Rolls que je décrivais lors de l’essai de la Honda CB1100. Cette souplesse inédite (jamais vu cela, sauf sur la Honda CB1100 mais qui a un bien plus gros moteur et l’injection…) est vraiment ce qui ressort le plus de son comportement. Cela domine tellement que cela conduit à une utilisation spécifique, tout en douceur. En fait, avec cette moto, je vais finalement bien moins vite qu’avec la Breva, plus sportive au bout du compte (car plus facile à emmener rapidement, vu la réponse de son moteur).
Comme promis, voici le chapitre suivant de la saison 1970 du Dr Miracle…
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Matra
Après cette première mission somme toute bien réussie (Daytona et la victoire de la Honda CR750), je me retrouvais moi aussi sans boulot suite au limogeage de Bob Hansen par Nakamura.
Comme travailler pour le japonais ne me disait rien, j’allais faire un tour à Sebring pour la seconde manche du championnat des voitures de sport (le 21 mars) avant de retourner en Europe pour assister au 1000 Kms de Brands Hatch (le BOAC du 13 avril) puis au GP d’espagne de F1 (qui avait lieu le 19 avril). Tout cela afin de nouer des contacts dans le milieu et me trouver une nouvelle mission.
Mais mes rencontres ne furent guère fructueuses. Mes lettres de recommandation rédigées par Gurney et Hansen n’impressionnaient personne dans le milieu européen de la course automobile. Je commençais à croire que ma carrière dans ce domaine allait être brève et que j’allais devoir rempiler dans l’industrie lorsque je reçu une invitation pour une réception à l’ambassade américaine de Paris… C’était mon vieux mentor, Thomas Watson, qui se rappelait à mon souvenir. Ravi de revoir ce vieux renard, je faisais un saut à Paris pour l’occasion.
Je retrouvais Watson avec plaisir et ce dernier me présentait à quelques personnalités importantes du monde des affaires en France. Et, parmi celles-ci, Sylvain Floirat. Floirat est charmant et connait tout le monde. Il s’intéresse à mon cas, visiblement intrigué d’être ainsi le « petit protégé » de Watson… Je lui raconte mon expérience de Daytona et il me confie qu’il aurait sans doute une mission semblable à me confier : il s’agirait d’aider Jean-Luc Lagardère à y voir plus clair dans son équipe de F1 dont les résultats en début de saison sont décevants alors que le team avait décroché le titre l’année passée.
Floirat me présenta les choses ainsi : « vous êtes le protégé de Watson et il se trouve que Lagardère est mon protégé… Rendez-moi ce service et vous ne le regretterez pas ! ». Floirat arrangea lui-même le rendez-vous avec Lagardère que je devais rencontrer à Villacoublay, à côté d’une ancienne base aérienne.
L’entretien avec le patron de Matra fut pittoresque : très bavard, Lagardère m’expliqua la situation et ce qu’il attendait de moi. De toutes évidences, Floirat l’avait déjà convaincu de me confier cette mission !
– C’est très simple, nous avons remporté les championnats du monde pilote et constructeur l’année dernière, mais j’ai perdu à la fois mon pilote vedette (Jackie Stewart) et mon team-manager (Ken Tyrrel) quand j’ai décidé de passer du moteur Ford au moteur Matra. Accumuler les titres avec un moteur anglais n’aurait eu aucun sens, nous devons faire triompher la technologie française !
Mais, ce qui marchait si bien l’année dernière avec Stewart et Tyrrel, ne semble plus du tout fonctionner cette année. J’ai besoin de savoir où se situe le problème : est-ce du côté des pilotes, des managers ou de la technique ?
– Si je puis me permettre, il n’y a encore eu que deux grands prix de disputés… C’est peut-être un peu tôt pour s’inquiéter…
– Vous étiez au grand prix d’Espagne, il me semble ?
– En effet.
– Et qu’avez-vous vu ?
– Une performance magistrale de Jackie Stewart qui a fait triompher la nouvelle March. Un accident spectaculaire qui aurait pu être fatal à Jacky Ickx et une performance solide du vieux Jack Brabham, avant son abandon.
– Et les Matra ?
– Euh…
– Vous voyez ?
Vous y étiez et, pour vous, les Matra n’étaient nulle part !
Je ne vais pas attendre la moitié de la saison pour constater que l’année est fichue… C’est maintenant qu’il faut réagir, je compte sur vous. Vous aurez accès à tout, Anne vous présentera à mes collaborateurs, elle connait tout le monde et tout le monde la connait. Je veux entendre votre rapport dans ce bureau après le grand prix de Monaco, n’écrivez rien surtout.
Je me retrouvais embarqué dans une drôle de mission, un audit en fait. Cette fois, il ne s’agissait pas de faire gagner un pilote ou une équipe, mais de comprendre pourquoi ils ne gagnaient pas… J’ai commencé une série d’entretiens sur place alors que l’équipe préparait le Grand Prix de Monaco qui allait avoir lieu dans trois semaines. J’avais été prévenu par Anne Voilard (la secrétaire administrative de l’équipe qui allait me servir de chaperon pendant ma mission) que Bernard Boyer n’était pas très causant, je me suis donc rabattu sur Gérard Ducarouge bien plus prolixe.
Ducarouge avait la langue bien pendue comme son patron Lagardère. Il m’expliqua la situation de son point de vue :
– C’est certain que Stewart est une sacrée pointure et que ça aide toujours d’avoir un pilote comme cela dans l’équipe. On s’en est rendu compte quand il roulait pour nous… Donc, le perdre n’a pas été la meilleure façon de relancer notre effort pour faire enfin gagner notre V12. Mais je peux l’affirmer tranquillement, même Stewart n’aurait pas gagné à Jarama s’il avait été au volant de notre MS120 !
– Quel est le problème alors ?
Moteur ou chassis ?
– Les deux !
Si on veut être honnête, c’est les deux qu’il faut mettre en cause. Faut pas se cacher derrière son petit doigt !
Mais c’est normal aussi : en 69, on n’a pas utilisé le V12, sauf en championnat du monde des voitures de sport, sur le proto qui est quand même très différent d’un chassis F1 où on n’a pas beaucoup de place et où tout doit rester ultraléger. Du coup, ce moteur a peu stagné sur le plan performances pures alors que personne ne nous attend sur ce point. Tiens, regardes Ferrari par exemple : ils étaient à la rue l’année dernière avec leur V12… Eh bien, cette année ils ont sorti un 12 cylindres boxer absolument superbe !
Et il va marcher d’enfer dès qu’il aura réglé ses problèmes de jeunesse. Et nous, pendant ce temps, on traine encore nos problèmes de jeunesse pour un moteur qui est disponible depuis 67… Alors qu’en endurance, il marche bien. Mais la version endurance n’a évidemment rien à voir avec la version F1, à part le bloc évidemment.
Bref, en moteur, on a fait du sur-place depuis deux/trois ans et il est temps de s’y consacrer pour de bon…
– Vous disiez que le chassis aussi avait sa part…
– Tu peux me tutoyer, allez !
Oui, le chassis aussi a sa part, tu as raison de me remettre là-dessus, car c’est plus ma partie. Encore que, côté moteur, je suis certain que Georges Martin connaisse bien sa partie !
Faut le laisser travailler sans continuellement lui demander de gagner en F1 ET aux 24H du Mans… Bref, parlons du chassis. En 69, Boyer avait conçu un truc idéal : rigide, léger, bien équilibré. Le chassis que Stewart avait adoré et qui répondait bien aux réglages.
Mais la réglementation a changé pour 70 : fini les structures cloisonnées, fallait prévoir des réservoirs d’essence déformables. On a été obligé de jeter le MS80 à la poubelle et de se rabattre sur le MS120 qu’on a conçu hâtivement et avec des options bancales.
– Comment cela ?
– Eh bien, dans l’espoir de retenir Stewart malgré tout, le patron nous a imposé de prévoir le MS120 pour les deux moteurs : notre V12 qui est long et le V8 Cosworth qui est bien plus court et plus léger. Du coup, le MS120 n’a pas les qualités d’équilibre du MS80. Pour faire léger et compenser le poids de notre V12, Boyer a aussi choisi de la tôle d’alu plus mince que pour le MS80 qui était vraiment rigide en torsion. On s’est dit qu’amincir juste un peu la tôle n’allait pas tout changer… On dirait qu’on s’est tout de même un peu planté là.
– Que faut-il faire désormais, d’après vous ?
– Faut pas s’affoler, déjà. Ensuite, faut arrêter de courir deux lièvres à la fois. Je connais le patron et, comme chaque année, va falloir tout laisser en plan pour préparer Le Mans. Je connais bien cette épreuve et, cette fois, je suis certain qu’on y a aucune chance !
On n’est pas passé loin l’année dernière, mais, cette saison, les 917 sont au point et elles vont tout rafler. Inutile de s’aligner, on pourra concentrer notre effort sur la F1. Même chez Ferrari, ils n’arrivent pas à combiner F1 et Sport-proto correctement et ça fait pourtant des décennies qu’ils font cela, c’est dire…
Si on choisissait la F1 une bonne fois pour toutes, on pourrait tester tout un tas de trucs qu’on ne fait jamais et j’ai plein d’idées !
Ça, pour avoir des idées et du bagout, Ducarouge ne craignait personne !
J’avais déjà quelques éléments de réponse, mais il me fallait creuser encore plus, du côté des pilotes cette fois. Grâce à Anne, je pus parler avec Pescarolo, ce dernier étant bien plus accessible que Beltoise qui avait des côtés un peu « diva »…
Henri Pescarolo était un type très calme, patient jusqu’à un certain point sauf avec les imbéciles m’avait prévenu Anne. J’étais sûr qu’on allait s’entendre. Et, effectivement, « Pesca » m’a eu « à la bonne » tout de suite et il profita pour s’épancher un peu :
– Toi, tu as de la chance d’avoir l’oreille du patron… Moi aussi j’aimerais bien lui en dire des trucs !
– Et tu lui dirais quoi par exemple ?
– Qu’il faut arrêter de se prendre la tête sur des chimères.
– Quelles chimères ?
– Eh bien, nous sommes sous contrat avec Shell et Goodyear (à cause de l’alliance avec Simca en fait) alors que, l’année dernière, le team était avec Elf et Dunlop… Et il faut faire avec désormais, pas chercher à revenir dans le giron de Dunlop sous prétexte que Stewart roule en Dunlop.
– Je vois. Et tu penses à qui à propos de ces chimères ?
– C’est clair que Jean-Pierre (Beltoise) est un peu pénible à ce sujet. Mais il n’est pas le seul. Pareil pour le moteur d’ailleurs…
– C’est quoi les chimères côté moteur ?
– Ben cette idée qu’il nous faudrait un 12 cylindres à plat plutôt qu’un V12 sous prétexte que Ferrari vient d’adopter ce type d’architecture.
– Pourtant, le moteur ne donne pas complètement satisfaction, non ?
Même Ducarouge semble de cet avis…
– Oui, mais c’est une question de mise au point. Si on change d’architecture, on repart pour des années de travail avant de pouvoir en tirer quelque chose.
– Tu dirais pareil au niveau du chassis ?
– Oui et non. Soit on a un problème structurel et ici, on a de quoi le mesurer une bonne fois pour toutes. Faisons les mesures de torsion au lieu d’en discuter sans fin. Et si c’est le cas, renforçons même si ça coûte un peu en poids. Soit il n’y a pas de problème structurel et arrêtons d’en parler, puis penchons-nous sur la mise au point affinée, car c’est là qu’on va progresser.
J’eus aussi quelques discussions avec d’autres membres de l’équipe, mais tous m’ont plus ou moins confirmé la même chose : l’équipe se cherchait et n’avait pas de direction vraiment bien définie. En clair, il manquait un vrai team-manager. J’assistais ensuite au GP de Monaco en me faisant le plus petit possible afin de ne pas gêner l’équipe qui travaillait dans des conditions difficiles : Monaco était le pire meeting de l’année sur le plan du confort des équipes. Lagardère n’était pas là et c’était mieux pour tout le monde.
Sur la piste, j’admirais le festival offert par Jochen Rindt, mais aussi la belle performance de Pescarolo qui termina troisième ce qui n’était pas un mince exploit au volant de la MS120 longue et lourde dans l’étroit dédale qu’était la course dans la principauté. Un véritable achèvement, mais pas apprécié par les journalistes français : certains critiquèrent Henri de n’avoir pas pu résister à Rindt (qui était derrière Henri pendant une partie de la course) et d’autres d’avoir ralenti Jochen pendant sa remontée… Qu’il est difficile de satisfaire tout le monde !
Sur les conseils d’Henri, je rencontrais Gérard Crombac, le célèbre journaliste, fondateur de Sport-Auto juste avant de faire mon rapport. Ce dernier me reçut avec un petit sourire, comme s’il savait déjà ce que j’allais lui demander…
– Oh, je ne peux pas être surpris par votre démarche, je connais trop les manies et lubies du patron de Matra !
– Comment ça ?
– Laissez-moi deviner : il vous a demandé un audit sur la situation de l’équipe F1, n’est-ce pas ?
– Je ne peux pas entrer dans les détails, mais je peux au moins vous confirmer que je suis en mission pour le compte de Lagardère, c’est vrai.
– Votre discrétion vous honore, mais je n’aurais pas les mêmes scrupules : moi aussi, figurez-vous, je suis en mission pour ce même patron… Qu’est-ce que vous dites de cela ?
– Rien, car j’ignore le but de votre mission.
– Très juste. Il s’agit de trouver un nouveau pilote pour l’équipe. Que dis-je un pilote, une pointure, un leader !
– Je vois…
– Comme vous pouvez déjà vous en douter si vous avez deux doigts de jugeote, c’est que notre sémillant patron ne s’est pas remis du départ de Stewart. Il veut que je lui trouve un remplaçant, comme si on pouvait remplacer Stewart !
Notre écossais est LE pilote de cette génération, tout comme mon ami Clark était celui de la génération précédente. On peut trouver un pilote qui soit une pointure pour Matra… Du moins, JE peux en trouver un. Mais aussi bon pilote soit-il, il ne sera pas le leader dont cette équipe a besoin.
– Je partage votre analyse : cette équipe a besoin d’un vrai team-manager, pas de faire porter le chapeau aux pilotes actuels.
– Exactement. Mais Lagardère est un patron impatient. Après avoir goûté au succès avec Stewart, il pense qu’il lui faut un pilote comparable pour en avoir encore. Ce qu’il ne voit pas, ou plutôt, ce qu’il n’a pas vu, c’est le rôle qu’a joué Tyrrel dans ses victoires. En fait, dans l’état actuel des choses, Matra a plus besoin de remplacer Tyrrel que Stewart… Mais allez faire admettre cela à Lagardère !
Je vais tout de même lui recommander d’embaucher Chris Amon puisqu’il veut un grand nom.
– Mais Amon n’a encore jamais gagné de GP si je ne me trompe ?
– Certes, c’est vrai, mais c’est un grand talent. Il suffit d’entendre ce qu’en disent Stewart et Rindt, les deux meilleures actuellement. D’après ces deux champions, Chris Amon est tout aussi rapide qu’eux, ça devrait suffire à convaincre Lagardère…
Je sortais de là un peu perplexe : Crombac pensait comme moi, mais il allait tout de même aller dans le sens du patron… Voilà une habileté qu’il me fallait encore apprendre. Je me rendais ensuite de nouveau à Villacoublay pour y faire mon rapport. Le grand patron m’écouta d’une oreille polie, mais distraite : son opinion était déjà faite et rien de ce que je pourrais dire ne pourrait l’infléchir. Je ravalais ma déception face à ce relatif échec, car Lagardère me remit une lettre de recommandation tout à fait élogieuse… C’était déjà cela.
Crombac m’avait également conseillé de prendre contact avec Ferdinand Piech, patron de la compétition chez Porsche, car il pensait que ce dernier aurait du travail pour moi…
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