Depuis quelques mois, j’écris mon autobiographie à la demande de mes fils. Je le fais très sérieusement en commençant par le début. Bien entendu, ça n’est pas destiné à être publié. Je le fais uniquement à titre privé pour transmettre quelque chose de mon parcours à ma descendance comme on dit. Ceci dit, je m’aperçois que cet exercice a bien des vertus. Pour commencer, il vous oblige à revenir sur votre parcours, à l’analyser, a essayer de le comprendre en fait. Mais c’est aussi l’occasion d’avoir un autre regard sur les époques que l’on a traversé.
Certes, une autobiographie c’est pour parler de soi, mais rien n’empêche d’en profiter pour faire un peu d’analyse sociétale et de dire, principalement pour mes fils, comment c’était “avant”…
Je conçois tout à fait combien ce genre d’ouvrage peut paraître être prétentieux quand on est pas soi-même une célébrité. Mais après tout, pourquoi donc ce type d’exercice serait-il réservé aux personnages célèbres ?
Je conçois aussi que cette écriture peut-être considéré comme intimidante voir inaccessible et c’est justement pour ça que je vous en parle aujourd’hui déjà. Si on fait ça à titre privé, inutile de se soucier du regard des autres. Après tout votre récit n’est destiné qu’aux yeux des gens qui vous connaissent et qui, espérons-le, vous apprécient. Donc, laissons-là la timidité bien connue vis-à-vis de l’éventuelle page(s) blanche(s). Je suis certain que vous aurez bien des choses à raconter et je suis également certain que cela va intéresser vos proches.
Car, combien de fois constate-t’on que les enfants ne savent finalement pas grand-chose sur leurs parents. Ce qu’ils ont fait, ce qu’ils ont surmonté, ce par quoi ils sont passés, et même combien le monde était différent alors à leur époque. C’est bien pour cela et pour d’autres raisons encore qu’une autobiographie se justifie à mon avis dans tous les cas.
Puisque nous avons réussi à justifier la démarche voyons maintenant comment on s’y prend pour arriver au bout. La première vraie difficulté que j’ai constaté, c’est de savoir faire le tri. En effet il est illusoire d’imaginer qu’on va pouvoir “tout” raconter. On est donc continuellement en train de choisir parmi les épisodes dont on arrive à se souvenir.
Or, voici quelques préambule que j’ai ajouté avant de débuter certains de mes chapitres.
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Avant de commencer ce chapitre, quelques réflexions sur ma démarche. Généralement, quand on rédige son autobiographie, c’est qu’on sent que notre temps est passé et c’est aussi l’occasion d’un retour méditatif sur ces événements et leurs déroulements. C’est aussi le cas pour moi et je m’aperçois que c’est également un exercice délicat : que prendre, que laisser ?
Faut-il détailler tel épisode ou mieux expliquer tel autre ?
Je m’aperçois que, quel que soit mes efforts en la matière, le résultat ne sera pas parfaitement équilibré, mais qu’importe, l’important est de le faire. Je m’aperçois aussi que je manque cruellement de photographie pour illustrer mes propos. Internet permet de compenser un peu, mais cela m’arrive souvent de penser “ah, c’est dommage que je n’ai pas pris cela en photo”. Mais, d’un autre côté, on traverse sa vie pour la vivre au mieux, pas pour la documenter avec précision.
Bref, reprenons le cours de ce “récit” où nous l’avions laissé…
En effet cette autobiographie est rédigée presque sous la forme d’un dialogue avec mes fils point donc je m’adresse directement à eux dans ces pages.
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L’écriture de cette autobiographie est un exercice particulier. Au début, je pensais que j’aurais du mal à me souvenir de tous les détails, mais finalement, ce n’est pas là que se situe la difficulté. Le fait de me plonger dans mes années passées fait quasi automatiquement remonter à la surface tout ce dont j’ai besoin de me souvenir, au fur et à mesure. Ce qui est difficile, c’est plutôt de choisir quoi raconter et quoi laisser de côté. Il ne s’agit pas de cacher quoi que ce soit, mais plutôt de savoir faire un tri utile : si je devais vraiment tout raconter, on y serait encore dans des années !
Tout n’est pas utile pour comprendre par quoi je suis passé. Je suis évidemment obligé de me concentrer sur l’essentiel. Mais, en même temps, je réalise que les épisodes que je choisis de laisser de côté ont compté en leur temps. Quand je les ai vécus, ça comptait même beaucoup !
Cependant, avec le recul, je m’aperçois que cela n’ajoute pas grand-chose à mon histoire (oui, ça reste une histoire même si je la raconte avec autant de sincérité que possible) et donc, sans regret ni arrière-pensée, je les garde pour moi. Car au fond, il ne s’agit plus que d’anecdotes.
Tout cela pour dire qu’écrire ces chapitres me remue pas mal et fait tourner ces souvenirs au plus profond de moi. Cela provoque forcément des questions : est-ce qu’on est défini par ses souvenirs ?
Se retourner sur sa vie passée est-il un exercice facile ?
Peut-on être satisfait de ce qui s’est passé tout en étant satisfait de la manière dont on y a fait face ?
Toutes ces questions, je me les pose tous les jours et il n’y a aucune réponse satisfaisante. Cependant, vos retours enthousiastes m’encouragent beaucoup à persister dans cette voie. Merci pour votre soutien.
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Comme d’habitude, avant de débuter ce chapitre, un peu de réflexion sur cet exercice (l’écriture de cette autobiographie). Au risque de me répéter, je réalise que cette écriture me fait réaliser, comprendre, beaucoup de choses sur mon parcours qui seraient restées enfouies sans cette démarche. Ainsi, de nombreux événements qui me paraissaient anodins à l’époque se sont finalement révélés déterminants. Et, à l’inverse, certains épisodes vécus comme très importants sur le moment n’ont pas grande importance une fois qu’on les regarde avec un certain recul (et du recul, désormais, j’en ai !).
Tout cela pour dire qu’on est malheureusement incapable d’avoir du recul sur l’instant présent. Ce serait pourtant nécessaire, il faudrait être capable de, à tout moment, d’appliquer la règle des 10/10/10 : comment vais-je voir cette situation qui vient de me frapper (la plupart du temps négativement d’ailleurs, c’est toujours les situations contraires qui nous frappent avec le plus d’impact, on ne sait mettre le curseur au même niveau pour les situations positives, hélas) dans dix heures, dix jours, dix semaines ?
Et c’est encore plus vrai si on décale encore l’ordre de mesure : dix semaines, dix mois, dix ans… Vous voyez l’idée.
Bref, ce qu’on fait dans l’instant ne semble pas toujours important et c’est pourtant cette accumulation d’actions, de choix, de décisions qui nous détermine, souvent au plus profond de nous, discrètement. Je n’ai pas de règle ou de recette à proposer à ce sujet, je me contente de le constater…
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Je me disais aussi, dernièrement, que le regard qu’on portait sur les événements passés dépendait aussi de l’humeur du moment. En particulier en ce qui concerne les personnes qu’on a croisées. Avec le temps, les différences ont tendance à s’estomper et ceux ou celles qu’on a rejetés, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, n’apparaissent plus comme si mauvaise une fois que le temps a fait son œuvre.
Tout cela fait aussi s’interroger sur ce qui nous constitue, en tant qu’individu. Suis-je vraiment encore la même personne que lors de ces épisodes ?
Évidemment non, j’ai changé bien sûr. Mais ce changement est-il de surface (je me suis adouci, ma forme physique s’est altérée et ainsi de suite) ou plus profond ?
Par exemple, prendrais-je les mêmes décisions en sachant ce que je sais aujourd’hui ?
Ces questions tournent dans ma tête aujourd’hui et je suis obligé d’admettre que je n’ai pas de réponse à ces questions… Notre passé, nos souvenirs nous définissent-ils en tant qu’individu ?
Oui, sûrement au moins en partie, mais pas totalement puisque je ne vais pas avoir le même regard sur mes souvenirs selon les époques, ma situation et/ou mon humeur. En ce moment, j’imagine souvent retourner en 1975 et vivre cette époque avec mes souvenirs actuels… Je ne sais pourquoi cette hypothèse (impossible) m’occupe, mais je n’arrive pas à m’en détacher. Peut-être est-ce tout simplement le résultat de remuer tout cela en l’écrivant pour vous !
Allez, au travail, c’est pas en rêvassant que cette autobio va s’écrire !
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Revenir sur son passé comme je le fais ici pour vous, c’est aussi s’apercevoir qu’on a manqué des épisodes !
Depuis que je pense au prochain chapitre à écrire, je me remémore sans cesse des faits plus ou moins importants qu’il faudrait raconter, même si cela implique de revenir en arrière quelquefois (je ne vais pas le faire systématiquement sinon, on n’avancerait pas !). Jusque-là, j’ai respecté l’ordre chronologique et je vais continuer à le faire, mais, certaines fois, un petit “flashback” sera nécessaire (et intéressant) afin d’expliquer comment j’en suis arrivé là.
Et cette fois, justement, j’ai un de ces épisodes à vous raconter qui nécessite un court retour en arrière.
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C’est pour illustrer ses chapitres qu’on s’aperçoit qu’on a besoin de photos, de beaucoup de photos. C’est là où on se dit qu’on aurait dû tout numériser depuis le début, dès que c’était possible. Croyez-moi, on n’en a jamais assez. Heureusement, grâce à internet, on retrouve plein de choses en ligne, y compris des inédits, y compris des réponses à des questions que l’on se posait depuis 40 ans. Vraiment sur ce plan-là, c’est tout à fait formidable de disposer des moyens que l’on a aujourd’hui.
Bref, vous l’aurez compris, je suis très favorable à ce que chacun écrive son autobiographie et la diffuse à ses proches. C’est un bon exercice, ça fait du bien à tout le monde, que demander de plus ?