Retour sur l’édition du centenaire des 24 heures du Mans

Ce week-end, c’était les 24 heures du Mans, une épreuve que je suis depuis des décennies et que je ne veux rater sous aucun prétexte… Je n’y vais pas physiquement sur place cependant : j’y suis allé en 2003 et j’ai détesté cela !

En effet, il y avait bien trop de monde pour moi et même si j’étais dans des conditions VIP (invité par l’équipe Pescarolo parce que Soheil Ayari y roulait à l’époque), je me suis bien juré de ne pas y remettre les pieds : la foule, c’est vraiment pas mon truc.

Eurosport, laissez parler vos consultants !

Donc, je regarde les 24 heures à distance, au confort de mon home devant mes écrans (jusqu’à 4 !) grâce à la retransmission intégrale d’Eurosport (canal sans pub de préférence… encore heureux qu’on puisse choisir !). D’ailleurs, à propos d’Eurosport, il faudrait que les journalistes/commentateurs rigolent un peu moins et soient un peu plus attentif à ce qui se passe sur la piste (un temps de réponse de plusieurs secondes à plusieurs dizaines de secondes selon les événements !). Un conseil simple; laissez un peu plus la parole à vos pilotes/consultants : Frank Lagorce, Eric Hélary et Paul Belmondo, ils savent de quoi ils parlent, eux…

Endurance-info pour aller plus loin

Eurosport donc, c’est bien pour les images qui bougent mais, pour les détails importants, mieux vaut aller aux bonnes sources. Et, en français, je ne saurais trop vous recommander le site Endurance-info qui est très complet, très bien informé et très pertinent (c’est tout ?). De plus, son abonnement payant n’est vraiment pas cher, profitez-en tant que c’est comme cela (note pour Endurance-info : changez rien les gars !) : 18€ par an, soit 1,5€ par mois…

L’édition du centenaire… l’affiche tient-elle ses promesses ?

Alors, cette 91ème édition avait été présentée avec force fanfare : on allait voir ce qu’on allait voir, ah mais !
Déjà, je trouve que ça commençait mal avec une retouche de dernière minute de la BOP… Alors que, justement, les « autorités compétentes » (le WEC et l’ACO) avaient juré qu’elles n’y toucheraient pas, quelles respectaient les règles (qu’elles avaient mise en place !) et ainsi de suite… Et, bien sûr, au dernier moment : « ah, au fait, on a retouché la BOP afin que Peugeot évite le ridicule… ça vous la coupe, hein ! »… Comme quoi, il ne faut jamais croire les dénégations des fameuses « autorités compétentes » (et s’est hélas vérifié de nombreuses fois à travers l’Histoire récente ou ancienne…).

Bon mais en dehors de ce regrettable ajustement, le plateau présenté était plutôt valable, non ?
Oui, dans une large mesure. On peut penser que le plateau des 24 heures 1998 et 1999 était encore plus alléchant mais les courses qui s’en sont suivies n’ont pas été à la hauteur de l’affiche… Comme quoi, bien souvent, le mieux est l’ennemi du bien. Donc, oui, la course promettait beaucoup et, soyons juste, elle a aussi beaucoup tenu !

L’image inévitable : la Ferrari devant la Toyota…

Je suis de près le championnat WEC 2023 (ainsi que les 24 heures de Daytona, chaque année) depuis le début (à Sebring) pour voir comment les forces en présence s’équilibrent et, effectivement, c’est la manche disputée au Mans qui a été la plus intéressante et de loin !
La course a été intéressante à suivre de bout en bout, voire même palpitante à certains moments.  Cependant, si on doit faire un reproche ou émettre un regret, c’est au niveau des procédures liées à la voiture de sécurité qu’il faut les placer…

Le problème de la safety car…

L’édition du Centenaire des 24 Heures du Mans a vu l’entrée en vigueur d’un nouveau système de voiture de sécurité. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cet ensemble de nouvelles règles sont assez compliquées et, surtout prennent beaucoup trop de temps à être exécutées !

Trop longues, beaucoup trop longues les nouvelles procédures sous safety-car…

Voilà ce qu’en pensent certain des intéressés (source https://www.endurance-info.com/auto/article/107486-une-regle-de-safety-car-qui-divise) :

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« La nouvelle règle de la voiture de sécurité ne nous semble pas correspondre à l’esprit du Mans, indique notamment Pascal Vasselon, directeur technique du Toyota Gazoo Racing, interrogé à ce sujet durant la semaine mancelle. Lorsque l’on regarde ce qui a fait la grandeur du Mans, c’est tout le contraire de ce genre d’artifice où, si on n’est pas bon aux arrêts aux stands, si on fait une erreur de stratégie, ce n’est pas grave parce que la voiture de sécurité va tout remettre en place. C’est assez grave au niveau de l’état d’esprit. C’est un grand pas vers l’américanisation du Mans et notre avis est que ce ne doit pas être le cas. Sinon, ce n’est plus Le Mans. »

Un avis clairement partagé par Philippe Sinault, Team Principal d’Alpine Elf Team. « En théorie, il n’y a pas besoin de cela. La règle est la règle. On ne doit pas avoir besoin de ces règles pour être dans le coup. « C’est pour les faibles. ». » a confié le Français à Endurance-Info.

Témoignage de Sébastien Bourdais dans AutoHebdo (Source https://www.autohebdo.fr/actualites/endurance/24-heures-du-mans/bourdais-rassure-par-le-niveau-de-la-cadillac-au-mans-en-2024-nous-pourrons-avoir-lambition-de-jouer-la-gagne.html) :

Le seul bémol dans tout ça, ce sont les procédures. Le Safety Car, je valide, mais il y a moyen de faire moins compliqué et plus rapide. Il y a trop de patience, il faudrait demander à certains de se presser un peu, et je pense principalement aux concurrents pour avoir deux ou trois tours de moins sous Safety Car. Mais le principal problème, ce sont les slow zones, les Full Course Yellow

Que faudrait-il pour résoudre ce problème ?

Parfois, juste un drapeau jaune, c’est suffisant. Il faut arrêter de vouloir tout contrôler parce qu’on se rend compte que nous sommes ultra-accidentogènes en réalité. On essaie de faire de la sécurité la priorité, mais les slow zones durent plus d’une minute et quand tu repars, les pneus sont froids. Ce serait bien de faire un petit temps mort et de regarder ce qu’on pourrait faire de mieux. Par moments, ça tue la course. Ça cause plus de problèmes que de solutions. J’aimerais vraiment que ce soit revu. Nous avons vu des accidents qui n’auraient pas eu lieu avec simplement un drapeau jaune.

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Après les deux premières sorties de la safety-car qu’on peut qualifier de désastreuse (beaucoup-beaucoup trop long !!), la direction de course semble avoir compris son erreur puisque à partir du matin, les safety-cars sont restés garées et il n’y à eu que des slow-zones ou, au pire, des FCY. Pas l’idéal (voire les témoignages) mais quand même bien mieux que les safety-cars…

Beaucoup d’erreurs humaines, beaucoup trop ?

Cette édition s’est aussi caractérisée par le nombre inhabituel de sorties de piste, accrochages et accidents… Faut-il le regretter ?

La pluie, ça glisse les mecs !

Ma question peut paraitre bizarre (qui ne voudrait pas moins d’accidents, ne serait-ce que sur le plan de la sécurité ?) mais je m’explique : les voitures de course d’aujourd’hui sont devenues tellement fiables que même les courses d’endurance sont « à fond » du début à la fin… La différence se fait sur les arrêts aux stands et sur l’habileté des pilotes à éviter les erreurs (trafic, piste glissante, trop d’attaque, etc.). Et, en fait, c’est une bonne nouvelle !

Oui, j’insiste, que le facteur humain redevienne déterminant devrait nous rassurer : les ingénieurs travaillent, le législateur tente de suivre mais, au final, ce sont les pilotes qui font la différence… N’est-ce pas là l’essence même du sport-auto ?
Tous, nous voulons que Le Mans reste une course de pilotes sans que les ingénieurs prennent (trop) le dessus. Or, c’est justement ce que l’édition 2023 des 24 heures du Mans vient de nous montrer… Et il faudrait le regretter ?

La magie et la morsure du Mans…

Finissons cet article par deux notions bien connues des passionnés et qui participent fortement à faire des 24 heures du Mans une course mythique, peut-être bien LA plus grande course du monde (les américains ne seront jamais d’accord avec cela : pour eux, LA plus grande course du monde, ce sont les 500 miles d’Indianapolis et, effectivement, ça se discute…). Il s’agit de la « magie du Mans » et de la « morsure du Mans ». Explications.

La magie du Mans, c’est l’ambiance à bord des voitures lors des différentes phases de la course mais en particulier lors de la nuit. Il faut l’avoir vécu pour comprendre : même en simulation, même en Karting (les des 24 heures du Mans karting), cette ambiance, cette « magie du Mans » vous saute à la figure et vous marque à jamais. Quoi qu’il arrive après (bon résultat ou abandon), vous voulez revivre « ça »…

La morsure du Mans est douloureuse et inattendue. C’est quand on croit que tout est joué, plié, terminé que cette morsure est la plus profonde (demandez donc à Toyota : la morsure du Mans, ils connaissent eux !). C’est quand vous êtes arrogant et que vous pensez que « finalement, Le Mans, c’est facile » que les dieux des 24 heures vous envoient dans le mur en gloussant… Quand on s’est pris, ne serait-ce qu’une fois (sur une demi-douzaine de tentatives, je n’ai terminé les 24 heures du Mans en simulation que deux fois… donc, oui, j’en témoigne : la morsure du Mans existe bel et bien !), cette morsure, on respecte cette course, ça oui !

En 2016, dans le stand Toyota, l’état major hébété réalise ce que c’est que la morsure du Mans, eux qui croyait avoir déjà tout connu…

Cette « morsure du Mans », c’est la façon qu’a cette course de choisir ses vainqueurs. Car tous les vrais connaisseurs le confirment : Le Mans est une course qui choisit ses vainqueurs, toujours.

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Une réponse à Retour sur l’édition du centenaire des 24 heures du Mans

  1. Ayari dit :

    Salut Alain, un régal ton analyse, passionnée et décalée. J’envoie vite aux frangins.

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