Une fois de retour en France, j’ai voulu explorer quelques pistes potentielles afin de (éventuellement) remplacer ma Moto Guzzi Breva 750. J’adore cette moto et je ne comprend pas pourquoi on ne voit pas plus de Guzzi sur les routes mais quelques nouveautés ont accroché mon oeil…
Tout d’abord, il y a le modèle V7, toujours chez Moto Guzzi qui promet plus ou moins d’offrir la même chose que la Breva mais en plus moderne tout en présentant une ligne encore plus classique, une combinaison séduisante, n’est-ce pas ?
Et puis, toujours avec une ligne ultra-classique, il y avait la toute nouvelle Triumph Bonneville Street twin qui promettait beaucoup : en plus d’une esthétique flatteuse, l’accent semblait être enfin mis sur le couple avec un moteur radicalement nouveau, innovant et ayant du répondant là où il faut (à bas régime) et non pas là où ça ne sert à rien (à haut régime pour frimer sur la fiche technique). J’avais déjà testé une Triumph Bonneville modèle 2010 en Floride et j’avais été horrifié : un moteur linéaire ne produisant aucune sensation !
Merci mais non merci… Il fallait donc que le modèle 2016 soit très différent et pas seulement sur le plan esthétique.
Bien entendu, on n’achète pas une nouvelle moto sur sa ligne et j’ai donc pris rendez-vous chez les concessionnaires d’Annecy Moto-Feeling (Triumph) et Easymoving-scootissimo (Moto Guzzi) pour arranger ces « test-rides ». C’est sous un beau soleil printanier que j’ai pu découvrir ces motos « pour de vrai » et, pour ces deux machines, elles sont encore mieux en réalité qu’en photos.
J’ai commencé par la Street et voyons d’abord le positif : le bruit est génial (mais elle était équipé des pots Vance & Hines en option, faudrait voir -entendre plutôt- ce que ça donne avec les pots d’origines…), le moteur aussi !
La promesse du couple en bas est tenue mais il est également souple et puissant, dès qu’on ouvre les gaz pour de bon, il répond présent avec empressement… que demander de plus ?
La partie cycle est également très réussie : la moto freine bien et se dirige facilement (faut dire que la belle est légère, dans le bon sens du terme !). Pas de mauvaise surprise de ce côté-là. Rien que du bon alors ?
Au passage, j’en profite pour dire ma perplexité quand je me souvenais des critiques lues dans la presse spécialisée. La Bonneville Street serait dotée d’une boite de vitesses séche et désagréable si on en croit les testeurs de cette aimable twin. Ah oui, elle souffrirait d’une puissance trop limitée et d’une partie-cycle imprécise… Laissez-moi vous dire que je n’ai rien senti de tout cela, au contraire !
Oui, la boite de vitesse est un poil dure mais c’est subtil et aucun cas un vrai défaut. La puissance est plus que suffisante, tout comme la tenue de route. Ce n’est pas un engin à tester sur circuit mais plutôt sur toute de montagne (autour d’Annecy par exemple…) et là, je défie n’importe qui de dire que la nouvelle Bonneville est insuffisante.
Alors, tu as passé commande dans la foulée (précisons qu’il y a une liste d’attente, la Street est très demandée !) ?
Pas tout à fait. Je n’ai pas encore évoqué le négatif car il y en a, un gros point noir, en tout cas pour moi : la liaison moto-pilote. Sur cette machine, je ne me suis pas senti « connecté » avec cette moto. J’étais juste posé sur la selle et j’avais la désagréable sensation que la moto « flottait » entre mes jambes. Bien sûr, ce n’était pas le cas mais le feeling n’était pas agréable. Dès les premières secondes, j’ai senti qu’il y avait « un truc » au niveau de la position de conduite. Bref, sans que je puisse reprocher quoi que ce soit à cette Triumph, ce n’est clairement pas pour moi.
C’est d’autant plus paradoxale que je déteste la position de conduite imposées par les motos sportives : couché sur le réservoir, tout en appui sur les poignets, les jambes très repliées et le cou qui doit faire un angle anti-naturel afin d’arriver à voir autre chose que le tableau de bord… à fuir !
Je suis beaucoup plus en faveur de « la position de conduite à l’anglaise » (assis doit) qui me parait naturelle plutôt qu’à l’italienne (couché) ou à l’américaine (pieds en avant sur un cruiser).
Bref, avec la Street, impossible de « connecter » comme je le faisais naturellement en enfourchant ma Breva où la selle bien creuse me cale idéalement. Sans doute que la selle très plate et un poil dure de la Street twin (là aussi en option) y était pour beaucoup.
Rendez-vous manqué avec la Triumph donc. Direction la V7 pour tenter de dissiper cette impression troublante : les motos « néo-retros » très à la mode en ce moment seraient-elles une mauvaise idée finalement ?
Sur la Guzzi, pas d’impression de flottement et je me sens bien « connecté » que sur la Street (j’insiste mais j’ai découvert combien c’était important pour le feeling global avec une moto, pour moi en tout cas). Comme pour la Street, objectivement, je ne peux trouver que des qualités à la V7 II : vive, facile, souple (plus que ma Breva ce qui n’est pas plus mal), sûre (j’ai bien apprécié l’ABS sur le frein arrière…) et plutôt jolie. Voilà un cocktail réussi. Totalement réussi ?
Pas tout à fait. En se modernisant, j’ai cru percevoir que le V-twin perdait un peu de son caractère si sympathique. Le couple de tracteur de la Breva, cette réponse si franche à bas régime (au détriment d’une certaine souplesse d’ailleurs), je ne l’ai pas vraiment retrouvé sur la V7 II. Attention, le moteur est toujours agréable, disponible, la moto est vive, c’est très bien. La boite à six vitesses joue son rôle aussi : on change plus souvent de rapport sur la V7 que sur la Breva. Quelque part, c’est une illustration de la modernité en marche : les machines gomment leurs derniers défauts mais, par la même occasion, c’est un petit peu de leur personnalité qui s’efface également. C’est la sensation très nette que j’ai eu avec la V7. Je n’ai rien à lui reprocher, c’est une moto très réussie mais, au bout du compte, elle ne me fait pas assez envie pour faire le pas. Tout bien considéré, je garde ma Breva qui continue à me ravir, avec ses défauts et ses caprices. N’est-ce pas la définition de l’amour, le vrai ?
Pendant que j’y suis, encore un mot sur les essais dans la presse spécialisée. Celui sur la V7 pointait une boite de vitesse lente. Désolé, je ne me suis pas rendu compte de ça non plus…
Pour finir, penchons-nous sur cette mode des néo-rétros. En première approche, je trouvais cela très bien : enfin un retour à des lignes esthétiques plus en rapporta avec mes gouts. Mais c’est très subjectif : si j’avais été ado dans les années 60 (ou même 50) plutôt que dans les années 70, ce sont les motos de cette époque qui m’auraient marquées et voilà tout. Au final, le retour à une ligne plus classique est positive à condition de ne pas perdre en route tous les progrès fait lors des dernières décennies. Pour ce qui est des freins (un domaine où les progrès ont été énormes mais c’était nécessaire…), et des pneus, c’est fait et bien fait. Mais que dire des progrès péniblement obtenus en matières d’ergonomie, de selles et de positions de conduite ?
Faut-il rayer toute cette évolution d’un trait de plume pour revenir à des selles plates comme un jour sans pain ?
Mon sentiment du jour, vous l’aurez compris, est tout à l’opposé. Le retour à des lignes classiques oui, mais pas au prix d’un retour en arrière.