Ceci est la reprise du chapitre 8 de mon livre sur le SimRacing que je publie ici afin de compléter une vidéo sur ce sujet (les réglages de la voiture) que j’ai publié sur YouTube…
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Réglages : comment ça se passe dans le monde réel ?
Tout d’abord, disons-le tout net, dans leur grande majorité, les pilotes n’entendent pas grand-chose aux réglages et laissent cela à leur équipe… Choquant ?
Pas du tout, c’est même tout à fait logique !
Dans les équipes de pointes des catégories les plus prestigieuses du sport automobile, les moyens mis en œuvre sont si sophistiqués qu’il est bien plus rationnel de laisser les décisions aux spécialistes qui sont payés pour cela plutôt qu’au pilote qui a déjà bien assez à faire pour optimiser son pilotage.
Aujourd’hui, sur les prototypes courant au Mans, il y a même des capteurs lasers afin de mesurer en temps réel la garde au sol de la voiture tout le long du circuit (afin de pouvoir intégrer ces mesures dans la télémétrie car les variations de la garde au sol sont des indicateurs très significatifs du comportement de la voiture, de l’importance des transferts de masse et de ces changements d’attitudes). Auparavant, pour mesurer cette même garde au sol (sur au moins 4 points), on se contentait de mesurer le débattement des suspensions. Mais, désormais, on veut pouvoir régler ce paramètre au millimètre près et il faut alors tenir compte de la déformation des pneus… D’où l’emploi de ces capteurs qui sont évidemment bien plus coûteux, mais aussi beaucoup plus précis.
Dans ces équipes bien structurées, on trouve non seulement un ingénieur de piste pour chaque voiture, mais même un préposé à la télémétrie dont le rôle est d’éplucher et d’analyser les relevés afin de ne présenter que les informations pertinentes à l’ingénieur de piste et au pilote, celles qui permettent de bien orienter les décisions. Dans ce cadre, le rôle du pilote n’est pas nul, bien au contraire car il doit pouvoir donner un retour d’informations aussi précis que possible afin de confirmer ou d’infirmer ce que disent les rapports de télémétrie (et si le pilote ne va pas dans le sens de la télémétrie, l’équipe se doit de comprendre les raisons de cette distorsion… Car, in fine, seul compte vraiment le feeling du pilote puisqu’on règle la voiture pour lui !).
Donc, les équipes n’attendent pas du pilote qu’il donne des ordres du genre « je veux deux degrés de plus au carrossage du train arrière », mais plutôt qu’il donne des indications précises sur le comportement de la voiture dans telle ou telle courbe afin que les techniciens spécialisés en charge puissent décider de la modification à appliquer sur les suspensions, les ailerons, les rapports de boîte ou la pression des pneus… Et ce n’est pas une situation nouvelle : quand il était chez Brabham en 1978 et 79, les dialogues entre Niki Lauda et Gordon Murray (le designer de Brabham à cette époque) se limitaient à ce genre d’échanges… Niki indiquait ce qui lui plaisait ou ce qui le gênait en termes simples et Gordon proposait des solutions. L’équipe attend donc de son pilote des indications claires sur l’amélioration du comportement (ou sa dégradation) après qu’elle ait effectué des modifications ou lors de test de nouvelles pièces. Cet exemple avec Niki Lauda est important à rappeler car, à l’époque, Niki était justement considéré comme très bon en réglages…
Pour les catégories inférieures, la situation est plus ou moins la même : peu de pilotes font eux-mêmes leurs réglages (ou, tout du moins, se contentent de modifier les quelques réglages de base et/ou ceux qui sont facilement accessibles), mais là c’est pour d’autres raisons… Certaines disciplines imposent un châssis identique et limitent (voire interdisent) drastiquement les réglages possibles (pour limiter les coûts et niveler les différences entre les pilotes « techniciens » et les autres). Dans d’autres cas, c’est tout simplement la voiture employée qui limite l’ampleur des réglages possibles. Par exemple, dans la Porsche Cup, on ne peut changer l’étagement de la boîte de vitesses parce que les 997 GT3 « cup » ne le permettent tout simplement pas.
C’était important de le préciser car cela vous évitera d’avoir des complexes !
Vous n’y connaissez rien et vous n’y comprenez rien ?
Ce n’est pas grave, c’est le cas de la plupart des pilotes !
Comme dans le film « Days of thunder » où Cole Trickle (joué par Tom Cruise) avoue à son chef mécanicien qu’il « n’y connaît rien en voiture de course… Je suis idiot et j’ai pas de vocabulaire. Ajoute une cale ou retire une cale, c’est du chinois pour moi ! ». Ce à quoi le chef mécano (joué par Robert Duval) rétorque « eh bien c’est que tu en sais autant que la plupart des pilotes que j’ai vu passer ! ».
Cette sophistication des réglages est relativement récente dans l’histoire du sport automobile. Dans les années soixante, on se contentait d’ajuster la voiture sur les paramètres principaux (rapports de boîte de vitesse, barres antiroulis, différentiel), mais on ne touchait pratiquement pas à la géométrie de suspension de toute la saison… Ron Tauraunac (associé de Jack Brabham dans l’écurie éponyme) raconte lors d’une interview réalisée à l’occasion de la sortie de « Grand Prix Legends » qu’il était impressionné par la fidélité avec laquelle tous les réglages possibles avaient été reproduits sur la Brabham-Repco championne du Monde en 1966 et 67… Avant d’ajouter « mais vous savez, à l’époque, on touchait rarement à tout cela… » !
Les réglages de base définis à l’atelier
Toujours pour décrire ce qui se passe dans le monde réel, les équipes n’arrivent pas sur les circuits avec des voitures « vierges »… Une bonne partie des réglages a déjà été définie à l’atelier en se basant sur l’expérience des années passées, la connaissance du circuit à venir (caractéristiques principales) et ce qu’on sait déjà de la voiture (connaissance acquise lors des essais d’avant saison et/ou au cours de la saison). Désormais dans les « top teams », une partie de ces réglages de base sont également calculés grâce à des logiciels de simulation (tiens, tiens !) de plus en plus précis (une pratique qui s’est généralisée en F1 et qui sert même à l’entraînement des pilotes, par exemple pour découvrir un nouveau tracé).
Du coup, en s’appuyant sur cette base déjà assez fouillée, l’équipe n’a plus qu’à affiner et optimiser des réglages qui sont déjà proches de l’optimum avant même d’avoir parcouru un mètre sur le vrai circuit. Si on devait définir les réglages de base à l’occasion même du meeting, le week-end de course n’y suffirait pas.
Bref, une fois sur place, l’ingénieur de piste et le pilote se concentrent sur le choix des pneus, les pressions et l’optimisation des ultimes réglages en fonction des conditions (météo ou autres) et des circonstances (stratégie de course, timing des arrêts aux stands).
Tout cela pour dire que ce n’est pas dans les stands à l’occasion d’une vraie course que l’on va redéfinir la géométrie des suspensions, tester de nouvelles pièces ou changer radicalement la répartition du poids : on n’a pas assez de temps pour procéder à ces opérations qui demandent des manipulations compliquées. Ce genre d’interventions, on ne le fait que lorsqu’on est obligé de le faire : si le pilote a eu un accrochage ou une sortie de route lors des essais et qu’il faut, par exemple, changer le fond plat qui est endommagé (et les mécanos vont alors y travailler une partie de la nuit plutôt que d’aller dormir tranquillement…).
Donc, on l’a compris, pour ce qui est des réglages, la majeure partie est déjà fixée avant même le début de l’épreuve et on se contente d’affiner ces choix sans pouvoir les remettre en cause radicalement. D’où l’importance d’être intégré à une bonne équipe où ce travail préalable sera mieux fait et plus en profondeur par rapport aux teams « débutants » (on réalise mieux également l’importance des essais d’avant-saison qui permettent de découvrir et de comprendre le fonctionnement de la voiture, connaissance qui va conditionner par la suite le choix des réglages de base utilisés tout au long de la saison).
8- Une démarche de réglages
La démarche théorique et l’ordre des réglages
OK, on a bien compris comment ça se passait dans le monde réel, mais faisons abstraction de cette réalité et imaginons que nous venons de recevoir une voiture « neuve » sur un circuit inconnu lors d’essais d’intersaison, vas-tu enfin nous dire par quoi il faut commencer ?
Mais bien entendu, il suffit de demander !
Pour ne plus vous faire attendre une minute de plus, voici l’ordre des réglages que l’on va respecter en théorie :
- choisir l’étagement de la boîte de vitesses,
- déterminer la charge aérodynamique maximale,
- ajuster le comportement de la voiture en virage par la « raideur à la roue » et le différentiel,
- finir par l’affinage divers de réglages secondaires selon le tracé.
On va revenir en détail sur chacune de ces étapes, mais il y a, au préalable, deux règles d’Or à connaître et respecter :
1— on ne change qu’un paramètre à la fois,
2— le feeling du pilote est important, mais le verdict du chronomètre l’est tout autant…
La règle « un paramètre à la fois » semble évidente, mais elle est pourtant difficile à respecter en pratique : se contenter de procéder à un seul ajustement à la fois pour le tester et le valider (ou le rejeter) est terriblement chronophage (ça prend un temps fou !) et fastidieux. Pourtant, si vous faites deux changements en même temps et que le résultat est mitigé, vous ne pourrez pas savoir d’où vient ce qui cloche et vous devrez recommencer à zéro… D’où une perte de temps encore plus grande, CQFD.
La règle N° 2 est moins primordiale, mais importante tout de même : il y a des cas où deux réglages différents sont ressentis de la même façon par le pilote (deux options aérodynamiques par exemple). Dans ce cas, c’est le chrono et lui seul qui permet de savoir quel est le réglage à privilégier. Ceci dit et je tiens à le redire, on cherche d’abord et avant tout à régler la voiture dans le sens du confort de pilotage (et donc des préférences de celui qui est au volant). Et donc, entre deux options équivalentes au niveau du chrono, on va toujours préférer celle où le pilote est le plus à l’aise.
Voyons maintenant l’ordre du travail de réglage secteur par secteur. On peut le résumer ainsi :
- En premier, on va d’abord déterminer l’étagement de la boîte de vitesses afin d’avoir une base de travail correcte ;
- En second, on va déterminer la configuration aérodynamique afin de travailler la performance ;
- Ensuite, on va ajuster le comportement dynamique de la voiture afin de l’adapter aux préférences de son pilote ;
- Et enfin, on termine par les réglages mineurs qui permettent de gratter les derniers dixièmes de secondes une fois que le gros du travail aura été fait et bien fait.
Évidemment, on s’aperçoit vite que cette liste est très théorique car l’ordre des domaines à passer en revue n’est pas immuable : il s’agit plus d’une boucle récursive que d’une liste séquentielle…
Puisque la configuration aérodynamique va avoir un impact sur la vitesse de pointe, il est fréquent qu’une fois la quantité d’appui fixée, on va devoir redéfinir la démultiplication finale (ainsi éventuellement que les rapports supérieurs de la boîte de vitesses) pour retrouver un ratio optimum correspondant à cette configuration aérodynamique (on adapte la démultiplication en fonction de l’appui voulu plutôt que le contraire, même si on commence tout de même par les rapports de boîte car, sans un étagement de base acceptable, on ne peut pas tourner correctement…).
Un — L’étagement des rapports de boîte.
On va donc forcément commencer par adapter l’étagement des rapports de la boîte de vitesses et ajuster la démultiplication finale (qui conditionne la vitesse de pointe). Une fois ceci à peu près correctement en place, on peut commencer à travailler sur les autres aspects. Mais puisqu’on en parle, autant creuser la question jusqu’au bout : qu’est-ce que c’est qu’un étagement correct des rapports de boîte ?L’étagement, c’est l’éloignement des rapports les uns avec les autres. Une boîte de vitesse de type « course » présente généralement un étagement plutôt serré (les rapports sont proches les uns des autres et donc réclament des changements de vitesse fréquents). Ceci dit, on sait qu’on a un étagement correct si le virage le plus lent du circuit peut être négocié dans de bonnes conditions (déterminé par la plage de régime moteur utilisable) en première (ou en seconde si le virage le plus lent est tout de même trop rapide pour être négocié en première, ce rapport sera alors dédié à un démarrage rapide pour bien s’arracher de la grille de départ) et si la vitesse de pointe est atteinte au régime maximum pile au bout de la principale ligne droite de ce tracé (c’est-à-dire juste avant d’aborder le freinage suivant). Si le premier et le dernier rapport sont utilisables aux endroits respectivement le plus lent et le plus rapide du circuit, alors on sait qu’on a un étagement correct et qu’on peut passer à la suite avec confiance.
Cela ne veut pas dire qu’on ne sera pas obligé d’y revenir par la suite pour d’ultimes ajustements (par exemple, on peut délibérément altérer l’écart entre deux rapports afin de permettre de prendre tel virage en 3e pour des questions de confort de pilotage alors que l’étagement théorique commande de laisser le même écart progressif entre chaque rapport).
Deux — La configuration aérodynamique
Sur les voitures de course modernes, la configuration aérodynamique est le paramètre qui a le plus d’influence sur la vitesse de passage en virage et donc sur la performance globale. L’utilisation de gros appuis grâce aux ailerons proéminents est une révolution intellectuelle qui s’est produite au passage des années soixante aux années soixante-dix. On connaissait déjà l’importance de la finesse aérodynamique sur les voitures de course dans les années soixante (et même avant), mais peu était fait pour accentuer la déportance car la vitesse de pointe en ligne droite semblait le seul critère à soigner. Il était clair que l’ajout de gros appendices aérodynamiques allait ralentir la voiture en ligne droite et c’est ce que voulaient éviter les ingénieurs de cette époque. Le rôle de l’aérodynamique n’était pas ignoré par les techniciens de ces époques puisque les Mercedes qui ont participé aux 24 heures du Mans 1955 étaient équipés d’un aérofrein actionné par hydraulique très visible et très spectaculaire. Simplement, l’atout de la déportance n’était pas encore compris dans toute son importance…
Pourtant, il a suffi de vouloir améliorer la stabilité d’une voiture rétive pour s’apercevoir que l’utilisation de gros appuis aérodynamiques était un choix vertueux dans quasiment tous les cas… En effet, si vous pouvez accélérer plus tôt en sortie d’une courbe qui conditionne une grande ligne droite, vous avez toutes les chances d’atteindre une meilleure vitesse de pointe avec une voiture « chargée » qu’avec une voiture « fine » qui oblige à attendre d’être bien en ligne avant d’appuyer à fond sur la pédale de droite, bien que la seconde soit théoriquement plus rapide en pointe que la première !
Il en résulte que les temps au tour sont souvent meilleurs avec de l’appui que sans. Plus le tracé sera sinueux, plus l’appui sera prépondérant. Et comme les circuits très rapides sont en voie de disparition (même la grande ligne droite légendaire des Hunaudières du circuit du Mans est aujourd’hui tronçonnée par deux chicanes…), la logique du choix d’une charge aérodynamique importante est de nos jours systématique.
Dans ce cadre, le travail de l’équipe va donc être de déterminer quelle est la charge maximale utilisable pour le tracé en question (il n’y a que sur des circuits très lents, comme Monaco par exemple, qu’on va braquer les ailerons au maximum) puis de son équilibre entre l’avant et l’arrière.
Sur les voitures de course modernes, l’adhérence issue des appuis aérodynamiques est potentiellement bien plus importante que celle qu’on peut obtenir par les réglages des suspensions (dans le jargon du milieu, on parle de « grip aérodynamique » et de « grip mécanique » pour différencier les deux domaines). Bien sûr, selon les cas, la balance entre les deux domaines peut varier sensiblement : sur une monoplace, voiture légère et hérissée d’ailerons, le grip aérodynamique sera vraiment beaucoup plus important que le grip mécanique alors que dans le cas d’une GT, voiture lourde et moins bien dotée au niveau des appendices aérodynamiques, le grip mécanique va reprendre de l’importance.
Une voiture bien raide pour optimiser les écoulements d’air
Et, en conséquence, on aura même tendance à régler les suspensions d’une monoplace au plus raide pour minimiser les variations d’attitudes (roulis et tangage) afin de perturber le moins possible le flux aérodynamique qui passe sous la voiture et qui, via le diffuseur qui est situé au bout du fond plat, génère l’essentiel de la déportance obtenue sur les monoplaces modernes. La limite à cette raideur sera déterminée par les réactions de la voiture (et à ce que peut en supporter le pilote tout en gardant le contrôle) au passage des bosses et va donc varier largement selon le profil du tracé.
Ce distinguo entre grip mécanique et grip aérodynamique va aussi influencer notre façon d’agir pour influencer le comportement de la voiture selon sa typologie. Sur une voiture typée « aéro », on va agir en priorité sur l’équilibre des appuis pour corriger une tendance au survirage alors que dans les autres cas, c’est plutôt au niveau des barres antiroulis qu’on va agir (bien sûr, une combinaison des deux solutions est aussi souvent utilisée). Une fois encore, il s’agit là d’indications théoriques puisque cela va aussi dépendre des caractéristiques du circuit : sur un circuit doté uniquement de courbes rapides, c’est évidemment l’aérodynamique qui va peser le plus alors que sur un circuit « lent », les réglages purement « mécaniques » du châssis vont prendre le dessus, même dans le cas d’une monoplace. On l’aura compris, ici la théorie est secondaire et reste juste valable à titre indicatif puisque les circonstances sont primordiales et commandent nos choix (variation météo, type d’épreuve — endurance ou sprint —, tactique dictée par une situation particulière et ainsi de suite).
Pour finir sur le choix des charges aérodynamiques et leur équilibre, j’ajouterai qu’on va privilégier des appuis plus importants que nécessaire si on souhaite garder une voiture facile à piloter en début de course (où la charge d’essence est importante) et lorsque les pneus seront usés. Là encore, c’est le feeling du pilote qui aura le dernier mot et qui vous fera choisir une configuration un poil moins performante sur un tour, mais plus efficace sur la durée d’une course…
Trois — Ajuster le comportement dynamique de la voiture
Ici, on quitte le domaine de la performance potentielle pour entrer dans le comportement pratique. Il ne s’agit plus de grands choix qui vont déterminer la capacité de la voiture à atteindre sa vitesse de pointe en ligne droite ou en courbe, mais bien de se pencher sur la manière dont réagit l’engin dans tel ou tel virage, de sa stabilité au freinage et de sa tendance au moment de la remise des gaz… Bref, tout ce qui va permettre au pilote de boucler les meilleurs temps au tour en fonction de sa capacité à placer aisément la voiture là où il le veut et non de devoir la combattre (ou de « subir » la trajectoire) pour y arriver.
Dans ce but, on va procéder aux retouches permettant de corriger l’attitude de notre monture là où c’est important. Car, bien entendu, tous les petits défauts de comportement de la voiture n’ont pas le même poids… Il sera bien plus payant de vous permettre de ne pas avoir à couper les gaz avant cette grande courbe rapide que de combattre cette petite tendance au sous-virage à l’entrée de l’épingle la plus lente du circuit. Si l’un est contradictoire avec l’autre, on va toujours privilégier le secteur le plus rapide du circuit car c’est là qu’on y perd (ou qu’on y gagne) le plus de temps.
Les principaux réglages qui ont de l’influence sur le comportement dynamique (en dehors de la charge et de l’équilibre aérodynamique qui sont censés êtres définis à la section précédente) sont l’amortissement (ou la « raideur à la roue » pour reprendre un terme de Soheil) et les réglages du différentiel. Comme d’habitude, le choix de tel ou tel réglage va dépendre de la situation à traiter… On va plutôt agir sur l’amortissement pour combattre une tendance au sous-virage en entrée de virage alors qu’on va plutôt se pencher sur le différentiel si ce sous-virage intervient en sortie de virage et ainsi de suite.
Régler l’amortissement
Au niveau de la suspension, on peut intervenir dans deux domaines : la géométrie et l’amortissement.
Les réglages de géométrie concernent surtout le carrossage (traité un peu plus loin), mais aussi la chasse ou la pince (des notions qu’on abordera plus tard… Une chose à la fois !). En pratique, on intervient relativement peu sur la géométrie de la suspension alors qu’on a beaucoup à faire sur l’amortissement…
Les réglages d’amortissement vont déterminer « la raideur à la roue » et ce paramètre a une grande importance sur le comportement dynamique de la voiture. Comme expliqué plus haut, le réglage d’amortissement va permettre d’optimiser le « grip mécanique » de votre voiture et pour cela, on va intervenir sur trois niveaux avec :
- les ressorts,
- les amortisseurs,
- les barres antiroulis.
Pour ce qui est de la méthode, on va aussi traiter ces trois niveaux dans cet ordre : d’abord définir la dureté des ressorts, ensuite celle des amortisseurs et enfin celle des barres antiroulis.
Quatre — Affiner les derniers réglages
Une fois que les grands secteurs des réglages auront été passés en revue et fixés les uns après les autres, on peut s’attaquer aux derniers détails, ceux qui ne sont pas prioritaires, mais qui permettent de grappiller encore un peu de temps et/ou d’assurer une bonne fiabilité à la voiture.
C’est donc en conclusion de notre tour d’horizon qu’on va se pencher sur des éléments tels que les écopes de refroidissement des freins ou l’ouverture des radiateurs (eau et huile) du moteur. Ici, on va chercher à garder les ouvertures les plus réduites possible (afin de réduire la traînée aérodynamique et donc d’améliorer — un peu — la vitesse de pointe) tout en se maintenant dans les températures de fonctionnement optimales. Bien entendu, si ces températures ne sont manifestement pas correctes, on ne va pas attendre la fin des essais pour modifier ces ouvertures car on va se retrouver avec un moteur trop chaud (risque de serrage) ou des freins trop froids (et pas d’efficacité au freinage) et là, on va vite s’apercevoir que ce gros problème ne peut pas attendre.
Ici, je parle bien d’affinage de dernière minute, quand on n’a plus rien d’autre d’important à traiter.
Et les pneus, tu as oublié les pneus ?
C’est vrai, on n’en a pas encore parlé jusque-là alors qu’il s’agit du maillon majeur du rendement de la voiture !
Tous les ingénieurs et tous les pilotes vous le confirmeront : on peut gagner quelques dixièmes en ajustant tel ou tel paramètre censé être important, mais on va gagner des secondes entières en passant d’un pneu peu adapté à la piste à un autre qui lui est pile ce qu’il faut… Donc, c’est bien vrai, les pneus bénéficient d’une attention de tous les instants car non seulement ils conditionnent la performance réelle de la voiture, mais, en plus, leurs températures de fonctionnement en disent long sur l’équilibre et le rendement de celle-ci.
Donc, il serait absurde de vouloir placer les pneus à telle ou telle place dans une séquence de réglages vu qu’on s’en occupe tout le temps !
Le but premier est d’obtenir que les pneus montent vite en température et restent dans une plage de fonctionnement optimale. Cette plage idéale varie selon le type de voiture, mais on peut dire qu’elle se situe entre 80 et 100°. Pour cela, on va intervenir sur trois paramètres : la pression, les réglages de géométrie (comme le carrossage) de la suspension et la raideur de cette suspension.
La pression est ajustée en permanence car la « bonne pression » n’existe pas une bonne fois pour toutes : celle-ci va être fonction de la température de la piste qui elle dépend de la température extérieure et de l’ensoleillement, le tout pouvant varier toute la journée. On surveille les températures et on fait varier la pression car c’est ainsi qu’on obtient le plus facilement et le plus rapidement les ajustements voulus.
La question du carrossage
Les relevés de température se font toujours à trois endroits de la bande de roulement d’un même pneu : sur le bord extérieur, au milieu et sur le bord intérieur. Pourquoi à ces trois endroits ?
Pour deux raisons :
1— si la température du milieu est plus basse que celle du bord extérieur, on sait tout de suite que l’enveloppe n’est pas assez gonflée. Si la température du milieu est plus haute que les deux autres, c’est le contraire : enveloppe trop gonflée (encore qu’il y a quelques cas où on va vouloir obtenir ce type de distorsion, mais dans des proportions acceptables).
2— les différences de températures sur ces trois endroits nous indiquent si la géométrie de la suspension est bien réglée ou non.
La bonne logique voudrait qu’on ait toujours des températures allant en croissant du bord extérieur au bord intérieur. Car si en théorie le pneu doit reposer le plus à plat possible sur la piste, en pratique, il vaut mieux qu’il soit un peu incliné (avec le bord haut vers l’intérieur de la voiture) pour fonctionner correctement. Cette inclinaison est définie par un réglage particulier de la géométrie de la suspension appelé carrossage.
Les suspensions des voitures de course modernes sont toutes basées sur les doubles triangles superposés qui permettent d’obtenir un parallélogramme ou la variation des axes est minime lors du mouvement (quand la suspension s’enfonce ou se détend). Minime, mais pas nulle. Même si la suspension est réglée pour que le pneu reste bien à plat au repos, il n’en sera pas de même quand la suspension va bouger. Et c’est encore plus vrai pour le train avant qui, en plus, est directeur. Le braquage des roues induit aussi une variation de géométrie qui influe sur la position de la bande de roulement par rapport au sol.
Pour cette raison, on va régler la suspension avec un peu de carrossage négatif (et donc, au repos, le pneu ne sera pas tout à fait à plat, mais ce n’est pas au repos que ça nous intéresse…) pour pallier ces mouvements, mais pas seulement… On sait aussi que pour obtenir un bon fonctionnement du pneu (pour sa montée en température notamment), il vaut mieux que le bord extérieur soit un peu décalé en hauteur par rapport au bord intérieur.
Du coup, le bord intérieur est toujours un peu plus chaud que le bord extérieur et c’est normal qu’il en soit ainsi. C’est aussi parce que le train avant est directeur et donc va avoir des variations de géométrie plus importantes que le train arrière qu’on applique un réglage de carrossage plus accentué au premier qu’au second. Ces réglages sont importants, mais on n’y touche pas trop souvent car une fois qu’on a trouvé le bon réglage pour une dimension de pneu donné, il n’y a pas raison de revenir dessus.
Souvent, ce sont les manufacturiers de pneus qui vont indiquer les réglages de carrossage qu’ils recommandent pour leurs produits (variable principalement selon les dimensions des pneus en question), une raison de plus de suivre ces indications et de ne pas les remettre en cause sauf exception.
Les températures de pneus sont de bons indicateurs de ce qui se passe sur la voiture. Même si vous trouvez que l’équilibre est bon, une température trop élevée sur le train avant ou le train arrière indique certainement que les contraintes sont trop importantes sur le train en question et qu’il faut chercher à rééquilibrer ces contraintes… Sinon, les pneus concernés vont s’user bien plus vite que prévu à votre grand dommage (ceci dit, il est normal que le train arrière soit un peu plus chaud que le train avant) !
À l’inverse des températures trop faibles signifient que le train avant ou arrière ne travaille pas assez, signe d’un déséquilibre qui n’est pas forcément sensible au volant.
La question de la répartition du freinage
La tentation est grande d’utiliser la répartition du freinage comme un réglage « dynamique » (c’est-à-dire intervenant directement sur le comportement de la voiture). Ainsi, si la voiture a tendance à sous-virer en entrée de virage, déplacer — un peu — la répartition du freinage sur l’arrière va effectivement aider la voiture à « pivoter » juste au bon moment…
Mais comme me l’a expliqué Soheil Ayari (car j’avais tendance à utiliser ce « truc », j’avoue !) « ce n’est pas efficace de faire comme cela »… Si le comportement dynamique de la voiture n’est pas satisfaisant, il y a plus et mieux à faire sur l’amortissement que de « tricher » avec la répartition de freinage !
On joue sur la répartition du freinage uniquement pour éviter qu’un des trains (avant ou arrière) bloque avant l’autre. Dans l’idéal, quand on atteint la limite d’adhérence longitudinale des pneus, les quatre roues doivent se bloquer en même temps (quand on roule droit bien sûr). C’est à ça et à ça seulement que doit servir ce réglage.
Un panorama très diversifié
En conclusion de ce panorama des réglages dans le monde réel, il faut néanmoins réaffirmer que la théorie n’est qu’une base de départ à peaufiner, car en pratique l’adaptation aux circonstances – type de circuit, état du revêtement, météo du jour – est souvent prépondérante pour obtenir des réglages optimaux. Nous avons également vu que les variables à prendre en compte étaient très nombreuses et ceci amoindrit la valeur des règles générales (vu le nombre des cas d’exceptions). Et encore, nous nous sommes contentés d’évoquer le cadre de la course sur circuits routiers « traditionnels »… Le monde des rallyes ou celui des courses sur ovales sont presque totalement différents !
Par exemple, pour les ovales, on va systématiquement appliquer des réglages asymétriques alors qu’on ne le fait jamais (ou quasiment jamais) sur circuit routier. Dans ce cadre, ce n’est pas seulement le train avant qui est réglé différemment du train arrière, mais aussi le côté droit qui diffère du côté gauche… Quand on découvre cet aspect pour la première fois, ça fait un vrai choc culturel !